« Nous créerons un ministère du Numérique, autonome, détaché du ministère de la Cohésion territoriale ». Dans son manifeste du numérique, la candidate à l’élection présidentielle Anne Hidalgo cherche avant tout à se démarquer des autres candidats. Avec cette proposition, cette dernière souhaite recréer une cohésion territoriale et apporter le numérique de manière équitable dans toutes les régions. A ce jour, « 3% de nos territoires ne sont couverts par aucun réseau internet » précise la candidate. Elle souhaite ainsi déployer le réseau dans tous les territoires, même les plus reculés et intensifier le débit. « Nous veillerons à ne pas créer deux types de territoires, à deux vitesses différentes, quant à l’accès internet. C’est pourquoi nous proposerons que chaque installation d’antenne 5G implique la couverture de trois intercommunalités en fibre haut débit ».
Cependant, ce déploiement dans les zones blanches doit s’accompagner d’une inclusion numérique pour tous. En conséquence, Anne Hidalgo annonce vouloir « doubler le nombre d’aidants numériques présents dans le pays, passant de 4 000 personnes à 8 000 » ajoutant que « tout individu aura accès à un établissement France Services en moins de 20 minutes en voiture ». Un chèque-équipement d’une valeur de 500 euros est également à l’ordre du jour. « Celui-ci permettra de financer l’obtention ou le rachat d’appareils numériques nécessaires à l’activité économique (ordinateurs, tablettes connectées). Cette aide sera accompagnée d’une obligation de suivi d’une formation dédiée l’usage du numérique ».
Prendre la voie de la souveraineté
A l’instar d’autres candidats, Anne Hidalgo vise une souveraineté numérique grâce à l’accompagnement de start-ups dans le secteur et au développement de technologies souveraines. « Plutôt que de se cantonner à un rôle de distribution de subventions à ces entreprises, l’État assurera directement des commandes publiques aux start-ups ». Cette mesure « garantira l’achat des meilleurs matériaux sur le marché et permettra d’obtenir des outils efficaces pour nos services publics ». Malgré un rôle primordial reconnu par les usagers, « ces start-ups d’État sont actuellement sous-dotées financièrement » estime la candidate socialiste qui propose d’augmenter leur budget annuel.
Lors de son intervention à Station F en février dernier, la candidate socialiste a glorifié l’incubateur, « exemple de réussite à la française » ajoutant que la France « doit fournir des champions français ». Dans un objectif de souveraineté, la candidate veut également développer un cloud français, « main dans la main avec les collectivités territoriales par la fondation d’un Sraddet (Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires) du numérique. Ce dernier « imposera le stockage des données les plus sensibles au sein de datacenter français tout en exigeant plus de transparence aux logiciels sur les lieux d’hébergement de leurs données ».
Renforcer la sécurité des SI
Il en va de même pour l’écosystème cybersécurité indique la candidate, qui souhaite promouvoir davantage le site cybermalveillance.gouv.fr en lien avec l’Anssi et les gendarmes spécialisés pour sensibiliser l’ensemble de la population et mieux former l’ensemble des salariés sur des gestes de base de la cybersécurité. Sur ce point, Anne Hidalgo affirme sa volonté de mieux équiper les régions. « Des équipes de réponse aux incidents informatiques seront déployées et la cybersécurité sera intégrée « aux schémas régionaux de développement économique, d’internationalisation et d’innovation (SRDEII) afin de sensibiliser les collectivités locales ». De même, des plans nationaux de prévention des cyber risques seront élaborés afin de coordonner la réponse des pouvoirs publics et des acteurs privés en cas d’attaque numérique systémique affectant une part significative des Français. Estimant que cela doit passer par la formation, la candidate socialiste annonce que chacun sera formé aux gestes de base, dans les cours de technologie au collège et tout au long de la vie.
De plus, elle souhaite interdire l‘assurabilité des rançongiciels « pour éviter que des attaques informatiques (phishing, malware…) soient payées en cryptomonnaie, sans que la justice puisse poursuivre les agresseurs. Cela doit également passer « par un règlement européen, et par une disposition législative expresse dans le code des assurances » pour renforcer la protection des acteurs. Le PS prévoit également de concevoir une stratégie nationale et européenne de développement des cryptoactifs, par l’adoption d’une législation anti-trust, l’harmonisation des législations nationales et l’adoption d’un cadre réglementaire européen quant à la gestion des cryptomonnaies et de la blockchain.
Pour rappel, en juin dernier, le Sénat a présenté une vingtaine de propositions visant à prévenir des cyberattaques, incluant l’interdiction du paiement par les assurances des rançongiciels. Le sénateur PS, Rémi Cardon, coauteur de ce rapport d’information sur la cybersécurité des entreprises, estime notamment que le développement du télétravail, de la fibre, et des cryptomonnaies augmentent la surface d’exposition des entreprises, ajoutant que les TPE et PME sont un peu le trou dans la raquette sur ce point.
Les Gafam mis à l’amende
On retrouve également dans le programme de la socialiste plusieurs mesures à l’encontre des Gafam et plateformes de e-commerce étrangères. « Une règle claire doit guider le contenu présent sur les réseaux sociaux ; une meilleure modération passe par le fait d’imposer aux Gafam la transparence sur les moyens et algorithmes employés pour administrer le contenu en français sur leurs plateformes » annonce-t-elle. Au-delà de ce seuil minimal de modération, la seconde étape consisterait à sanctionner les Gafam qui contreviendraient à ces mesures. De plus, ces firmes seront incitées à œuvrer dans la lutte contre le réchauffement climatique par un système de labellisation. « Afin d’éviter que ces entreprises n’agissent pas uniquement dans un but lucratif par un simple greenwashing, cette politique sera strictement encadrée par les services de l’État ». Pour chaque activité, les plateformes devront indiquer leur bilan carbone, afin que le consommateur puisse le cas échéant s’orienter vers les solutions les moins polluantes.
Les plateformes devront par ailleurs s’aligner sur le droit français. Anne Hidalgo annonce vouloir mettre « fin à la situation des travailleurs liés aux plateformes numériques, comme les livreurs, considérés aujourd’hui comme des travailleurs indépendants alors qu’ils n’ont aucune maîtrise de leurs conditions de travail et de rémunération ». De fait, elle précise que la loi établira en leur faveur une présomption de salariat afin qu’ils accèdent à l’ensemble des droits des salariés (Smic, protection sociale, etc.). A travers cette mesure, la candidate vise notamment les plateformes de VTC et de livraison comme Uber, Uber Eats, Deliveroo, etc. Dans un rapport publié en décembre 2021, la Commission européenne estime le nombre de personnes travaillant par le biais de ces plateformes à plus de 28 millions. Or, 5,5 millions de personnes seraient déclarées comme travailleurs indépendants sans l’être réellement. D’autre part, les entrepôts des plateformes d’e-commerce se verront imposés une fiscalité similaire aux autres surface commerciales, détaille la candidate.
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