A quels challenges sont confrontés les acteurs de la santé en matière de gestion de la donnée ?
Paul Sinaï : L’environnement IT des établissements de santé se caractérise par une forte hétérogénéité des systèmes et une fragmentation des données. Les hôpitaux et cliniques utilisent différents systèmes, souvent issus de divers éditeurs, voire de différentes versions de logiciels d'un même éditeur. Cela rend la communication entre ces systèmes particulièrement complexe. De plus, les types de données varient selon les spécialités médicales : par exemple, les données de radiologie diffèrent des données de biologie médicale, des comptes rendus médicaux, ou encore des séquençages ADN... Cette diversité historique et structurelle se traduit par une multiplicité et une variété considérable des données à gérer.
La fragmentation des données ne se limite pas aux établissements hospitaliers, elle s’étend jusqu’aux médecins libéraux et praticiens de santé, contribuant ainsi à cette dispersion des informations médicales.
Comment répondre aux défis de l’hétérogénéité des systèmes de santé ?
Les entrepôts de données de santé (EDS) apportent un premier élément de réponse à cette problématique. Ils centralisent et facilitent l’accès aux données. Cela dit, cette concentration des données au sein d’un espace unique n’est pas suffisante. L’autre défi consiste à pouvoir corréler les données entre elles, quels que soient leurs standards et typologies. Et tout cela doit se dérouler dans le strict respect des règlementations relatives aux données de santé.
Pour faciliter l’échange des données médicales entre les différents systèmes, des standards comme HL7 ont vu le jour. Cette norme internationale a contribué à la normalisation des échanges d’informations, mais elle comportait certaines limites en termes de flexibilité et de simplicité d’usage. C’est pourquoi un nouveau standard, FHIR (Fast Healthcare Interoperability Resources), a émergé de la communauté HL7 afin d’élever le niveau d’interopérabilité des systèmes.
En quoi le standard FHIR est-il une avancée et quels en sont les principaux usages ?
FHIR est issu d'une initiative communautaire impliquant divers acteurs du secteur de la santé, qui ont reconnu la nécessité d'un moyen standardisé pour échanger les données entre différents systèmes. Il utilise des normes web de dernière génération telles que les API HTTP, JSON et XML, et peut ainsi être déployé dans différents environnements : applications mobiles, applications web, dossiers médicaux électroniques, etc.
D'abord développé aux États-Unis, FHIR s'étend maintenant en Europe et partout dans le monde, chaque zone s'appropriant et adaptant le standard selon ses besoins.
Les usages concrets de FHIR sont multiples, notamment dans le secteur de la recherche et l’exploitation de l’intelligence artificielle. En organisant et en structurant les données de manière cohérente, il facilite, par exemple, l’entraînement de modèles d'IA créés dans une région sur des données provenant d'ailleurs. FHIR participe également à l’amélioration du parcours patient. Je pense notamment à des usages tels que la consultation de résultats d’analyses sanguines via une application smartphone spécialisée permettant la remontée instantanée des informations.
Comment OVHcloud participe-t-il à la démocratisation de ce standard FHIR ?
Nous travaillons avec l’écosystème de santé – hôpitaux, cliniques, éditeurs de logiciels et autres organisations – pour faire en sorte que des centaines de solutions du marché communiquent entre elles en utilisant le standard FHIR. OVHcloud et ses partenaires ont conçu un démonstrateur pour illustrer la manière dont on peut facilement adopter un tel standard et ses bénéfices dans de nombreux domaines : suivi du consentement, détection des pathologies graves, etc.
Le rôle d’OVHcloud est avant tout de fournir les outils de bas niveau nécessaires au stockage des données et demain de proposer des solutions permettant de stocker facilement les données FHIR, soit en open source, soit par le biais de partenaires de notre market place.
Vous évoquez l’Open Source : cette notion joue un rôle central dans le projet d’EDS auquel vous avez pris part aux côtés de l’APHP ?
Effectivement, OVHcloud est très attaché aux notions de réversibilité et d’open source en matière de logiciel. Nous travaillons avec l’AP-HP – dont les 38 hôpitaux accueillent chaque année plus de 8 millions de patients – sur le développement des briques logicielles d’EDS qui seront mises en open source.
Le choix de l’open source permettra de constituer une large communauté d’utilisateurs et de contributeurs. L’objectif est d’étendre les bénéfices de l’EDS à un plus grand nombre de chercheurs, de start-up, d’institutionnels, d’établissements de santé et de d’éditeurs de logiciels. OVHcloud proposera aux établissements de santé les composants d’une solution EDS basée sur ces briques open sources dans un mode de consommation SaaS (Software as a Service). Cela permettra aux institutions de santé françaises et européennes de mener des chantiers de recherche dans le plus strict respect des législations européennes, pour un investissement inferieur à ce qu’il serait s’ils le faisaient eux-mêmes, surtout à l’heure de l’intelligence artificielle et des coûts significatifs des fameux GPU. Nous espérons également que d’autres acteurs européens du cloud viendront utiliser et surtout contribuer à ces briques open sources afin de proposer leurs solutions EDS en Europe.
Le développement de l’Entrepôt de données de Santé de l’APHP se traduit-il déjà par des actions concrètes ?
Tout à fait, ce projet ne se résume pas à de la théorie. Des recherches sont actuellement menées grâce à cet Entrepôt de Données de Santé, avec de nombreux bénéfices à la clé.
L’EDS accélère le travail des chercheurs en leur permettant, sans accéder aux données nominatives, d’améliorer leur compréhension, de créer des cohortes et d'identifier le nombre de patients répondant à certains critères dans un hôpital doté d’un EDS. Par exemple, ils peuvent déterminer combien de patients ont été opérés du foie avec un traitement spécifique sur les dix dernières années. Ces critères sont entrés dans un générateur de cohortes qui fournit rapidement les résultats, un processus qui prendrait beaucoup de temps en procédant hôpital par hôpital. Ces résultats peuvent ainsi être utilisés pour déposer un dossier de recherche pour accéder à ces données anonymisées ou pseudonymisées suivant les cas, après validation par un comité éthique et scientifique.
Au-delà de la recherche scientifique, les besoins se manifestent aussi du côté du suivi des patients en temps réel. Quel rôle peut jouer l’EDS à ce niveau ?
Le suivi des patients en temps réel est effectivement un sujet essentiel. Cela concerne notamment les soins à domicile et les dispositifs que les patients peuvent utiliser chez eux, tels que les moniteurs de sommeil ou les appareils de traitement. Ces dispositifs sont capables d'envoyer des données directement à l'Entrepôt de Données de Santé (EDS). Des algorithmes d’IA peuvent ensuite être implémentés pour analyser ces données, et détecter par exemple une variation importante dans le parcours du patient, ou encore identifier des signaux faibles afin d’anticiper des risques de survenance d’une pathologie, puis inciter à consulter un spécialiste. L'EDS joue ainsi un rôle important en termes de prévention.
En arrière-plan, le défi majeur reste la confidentialité des données. Les techniques couramment utilisées dans l'industrie ne peuvent pas être directement appliquées dans le secteur de la santé. Par exemple, pour l'entraînement des algorithmes, l'APHP ne peut pas se contenter de partager les données avec un autre hôpital. Il est nécessaire d'utiliser d'autres techniques, comme le federated learning, qui permet d'entraîner des modèles sans que les données quittent l'APHP ou d’encrypter les données avec des solutions comme le Fully Homomorphic Encryption pour ne pas accéder directement à la donnée mais pouvoir entrainer un modèle dessus. OVHcloud collabore avec tout l'écosystème, incluant les start-ups et le monde de la recherche, y compris dans le domaine de l'informatique, pour encourager le développement de ce type de solutions.
OVHcloud propose une gamme complète de services résilients et évolutifs dans le cloud pour le secteur de la santé, permettant une mise en œuvre accélérée et sécurisée de solutions de gestion de données de santé. A la fois innovants et accessibles, ces services apportent les moyens nécessaires à l’écosystème de santé pour tirer le plus grand bénéfice de ces données au service des patients.
Nos offres de serveurs Bare Metal sont particulièrement adaptées aux tâches d’intelligence artificielle comme les Scale GPU et HGR AI. Des solutions de stockages extrêmement évolutives comme notre solution de stockage objet accessible via une API S3, ou encore des solutions IA comme les notebooks, l’entraînement, l’inférence et les Endpoint LLM sont actuellement disponibles en Alpha gratuite !
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