Proposé pour la première fois au milieu des années 1960, le modèle d’économie circulaire vise à s'assurer que les ressources entrant dans l'économie puissent y rester le plus longtemps possible. Autrement dit, de produire des biens et des services de manière durable. Les écologistes et les défenseurs du développement durable connaissent bien cette notion car elle met l'accent sur les concepts de déchets et de pollution et sur le maintien des produits le plus longtemps possible dans le circuit économique de façon à laisser aux systèmes naturels la possibilité de se régénérer. Aujourd'hui, alors que le monde est confronté à une crise climatique imminente, les industries technologiques commencent à prendre conscience de cette réalité. Lors du sommet CIO organisé à Londres fin septembre, Mattie Yeta, responsable gouvernementale des TIC durables au ministère britannique de l'Environnement, de l'Alimentation et des Affaires rurales (DEFRA) a défini l'économie circulaire comme suit : « Un modèle économique qui vise à éliminer les déchets par la réutilisation, la réparation, le reconditionnement, la remise à neuf des actifs et des appareils, pour les maintenir plus longtemps dans le cycle et dans la boucle ».
Economie circulaire et composants électroniques ?
Aujourd’hui, notre modèle économique est dit linéaire : nous prenons et nous utilisons les ressources pour fabriquer un produit et nous le jetons quand nous avons fini de l’utiliser. Chaque année, nous produisons environ 50 millions de tonnes de déchets électroniques, dont 80 % se retrouvent dans un lieu inconnu. Les pays du monde qui acceptaient ces déchets ne les acceptent plus, et récemment, l'ONU a clairement indiqué que chaque pays devait savoir comment traiter ses déchets électroniques. De plus, les ressources naturelles sont limitées et quand nous jetons dans la nature des déchets contenant des composants électriques comme des téléphones portables, des appareils électroménagers et d’autres appareils technologiques, nous rejetons des déchets toxiques. La plupart de ces composants ne sont pas biodégradables, cela signifie qu'ils vont rester ad vitam æternam sur le sol sans être décomposés et absorbés par l'écosystème.
Les écosystèmes biologiques fonctionnent déjà selon des cycles et les experts estiment que l'humanité doit adopter cette même approche et changer sa culture de rejets des déchets pour réduire son impact sur l'environnement. Nous devons adopter une économie qui favorise « la réduction, la réutilisation et le recyclage », et abandonner cette économie qui consiste à « prendre, fabriquer et éliminer ». Mattie Yeta a expliqué que le concept de récupération des matières premières secondaires s'inscrivait dans l'économie circulaire et qu’il offrait une solution écologique pour extraire les métaux et minéraux précieux des appareils technologiques. « Environ 50 à 60 % du tungstène mondial est concentré dans nos appareils », a-t-elle déclaré. Ajoutant que « 26 % de l'étain mondial et 9 % de l'or se trouvaient dans nos ordinateurs portables et nos terminaux ». Ajoutant : « De manière concrète, nous pourrions extraire 7 à 9 grammes d'or de la puce d'un ordinateur portable ».
Des programmes de recyclage mis en place
Dans d’autres domaines, plusieurs entreprises technologiques ont déjà mis en place des programmes de recyclage et cherchent à réutiliser des métaux précieux et d'autres composants électroniques obsolètes pour les transformer en autres produits. L’entreprise de services professionnels Network 2 Supplies (N2S) fait du recyclage et de la biolixiviation informatique pour récupérer des métaux. Ces solutions circulaires réduisent la quantité de déchets électroniques et prolongent la durée de vie de matériaux et de technologies vitales, tout en respectant l'environnement.
De la même façon, HPE propose un programme de retour et de recyclage de matériel aux partenaires Hewlett Packard Enterprise Partners et à ses clients professionnels. Dans le cadre de ce programme, le matériel informatique, comme les serveurs, les produits de stockage et de mise en réseau, bénéficient d'une nouvelle vie, ce qui réduit l'impact de leur élimination sur l'environnement.
Changer les habitudes de consommation et les modèles dans l’IT
Même si l'économie circulaire peut, semble-t-il, apporter une solution indispensable pour aider l'humanité à lutter contre le changement climatique, son adoption massive ne pourra pas se faire du jour au lendemain. L’un des défis essentiels de l'adoption d’une économie circulaire, c’est de prouver qu’elle peut avoir un impact significatif. Il ne suffit pas qu'une ou deux entreprises changent leur processus de fabrication d’un produit. Chaque entreprise de l’infrastructure et de l’économie IT doit adopter ce changement de business model. C’est une tâche colossale et elle semble de plus en plus hors de portée. Selon Tiffen Dano-Kwan, Chief Marketing Officier (CMO) chez SAP Ariba et Fieldglass, il est extrêmement difficile de changer les habitudes de consommation. « Amener les gens à abandonner leurs mauvaises habitudes est vraiment très difficile », a-t-elle expliqué. « Il faut changer les modes de pensée par l'éducation, et en particulier sensibiliser les dernières générations dès le plus jeune âge. Il faut du temps pour faire comprendre aux gens pourquoi ils doivent changer leurs habitudes ».
Par ailleurs, la croissance est stimulée par la demande des consommateurs, et les gouvernements hésitent à légiférer sur des sujets qui risquent de trop perturber les normes existantes. De sorte que Tiffen Dano-Kwan pense que l’on aurait plus de chance de changer les habitudes de consommation si les fabricants s'engageaient à adopter un modèle de production basé sur l'économie circulaire. « Si le modèle de production est basé sur l'économie circulaire, alors on ne produira que ce que l’on est sûr de pouvoir recycler… C’est ce qui se passe dans l’écosystème terrestre. Tout nous revient, tout retourne à la terre. Donc, si notre stratégie de production à plus grande échelle est basée sur ce processus fondamental, je pense qu’il est possible d'avoir un impact significatif sur la manière de consommer et d’aller vers un cycle de consommation durable ».
Repenser le design
Un autre obstacle à l'adoption résulte du fait que l’un des principes fondamentaux du modèle implique une réduction par le design. Les matériaux ne peuvent pas être réutilisés et recyclés s'il est impossible de les extraire des dispositifs qui ont cessé de fonctionner. Cela signifie que, dans une économie circulaire, la technologie doit prendre en compte dès le départ l'objectif final de démontage et de régénération. Prenons l’exemple des AirPods d'Apple : ces derniers contiennent du tungstène, de l'étain, du tantale, du lithium et du cobalt dans une coque plastique inamovible et ils ont une durée de vie de 18 mois environ. Comme la plupart des produits Apple, ils ne sont pas conçus pour être réparés et leur batterie au lithium-ion risque de provoquer un incendie dans les décharges. Apple fait bien remarquer qu'il existe un programme de recyclage pour ses AirPods, mais l’entreprise précise qu’il n’est pas possible d'extraire le cobalt de la batterie, et que la valeur de ce qui peut être recyclé a peu de chance de couvrir le coût de sa récupération.
Cependant, même si les produits ont été conçus et fabriqués pour être recyclables, il n'existe toujours pas d’infrastructure pour soutenir leur réintroduction dans un modèle d'économie circulaire. Si la plupart des pays disposent de centres qui permettent à leurs citoyens de recycler des matériaux comme le papier, le plastique, le verre et l'étain, il existe actuellement peu d'usines capables de gérer le recyclage et le désassemblage des appareils électroniques. Il n’existe pas non plus de solution sûre et efficace pour dégrader ou recycler d'autres matériaux, comme ceux à base de polymères par exemple.
Commentaire