WhatsApp jouerait-il à quitte ou double ? On ne peut pas dire que la période soit idéalement choisie pour le spécialiste des communications IP (voix, data...) et propriété de Facebook pour faire évoluer les termes de son service. Et ce aussi bien d'un point de vue conjoncturel (flambée de violence liée à la passation de pouvoir entre Donald Trump et Joe Biden) que structurel, dans un contexte où de nombreux fournisseurs et éditeurs de services prennent de plus en plus au sérieux la protection de la vie privée, WhatsApp met les pieds dans le plat en ouvrant grand les vannes de l'exploitation à des tiers d'informations personnelles de ses utilisateurs.
A compter du 8 février 2021, WhatsApp met à jour les termes de son service ainsi que ses règles relatives à la vie privée, et les utilisateurs qui ne les accepteraient pas se retrouveraient tout simplement dans l'incapacité d'utiliser l'application. Cette décision, qui concerne les utilisateurs de la plateforme détenue par Facebook, a été notifiée via une notification in-app : « WhatsApp met à jour ses termes et règles de vie privée incluant son service et la façon dont nous collectons vos données, comment des entreprises peuvent utiliser les services hébergés par Facebook pour stocker et gérer leurs chats WhatsApp, et comment nous collaborons avec Facebook pour offrir des intégrations au travers des produits de la société Facebook ».
Les données de paiement partagées
D'ici au 8 février, les utilisateurs concernés pourront toujours continuer d'utiliser WhatsApp sans valider ses récentes clauses mais après cela ne sera plus possible. Alors quels changements de service sont effectués ? Par exemple, certaines fonctions jusqu'alors optionnelles deviennent obligatoires, comme l'acceptation de la collecte d'informations additionnelles tel que le partage de la localisation. La mise à jour inclut également la possibilité pour WhatsApp de stocker temporairement des médias de l'utilisateur sur ses propres serveurs.
La dernière politique de confidentialité de WhatsApp note que lorsque les utilisateurs s'appuient sur « des services tiers ou d'autres produits de la société Facebook intégrés à nos services, ces services tiers peuvent recevoir des informations sur ce que vous ou d'autres partagez avec eux ». Des exemples de ce type d'intégration tierce incluent l'utilisation du lecteur vidéo intégré à l'application pour lire du contenu à partir d'une plateforme tierce. Les messages non transmis - brouillons par exemple - seront également stockés pendant une durée de 30 jours, et dans le cas où ceux-ci ne sont pas envoyés, ils seront tout simplement supprimés. Plus intéressant encore : l'aspect partage et exploitation à des tiers incluant des données relatives au compte utilisateur, des données transactionnelles, de l'information sur la façon dont l'utilisateur interagit avec les autres, de l'information sur son terminal ainsi que son adresse IP. WhatsApp indique aussi que si vous utilisez leurs services de paiement, ils « traiteront des informations supplémentaires vous concernant, y compris les informations de compte de paiement et de transaction ».
Signal submergé par les demandes d'inscriptions
Petite consolation : WhatsApp indique qu'il va arrêter d'identifier les contacts de l'utilisateur qui n'utilisent pas son application. « Si l'un de vos contacts n'utilise pas encore nos services, nous gérerons ces informations pour vous de manière à ce que ces contacts ne puissent pas être identifiés par nous », explique la société. A l'heure des VPN « no log », on se demande si WhatsApp ne navigue pas clairement à contre-courant des attentes utilisateurs. A moins qu'il ait estimé que le bénéfice à exploiter et partager les informations privées des utilisateurs acceptant ses nouvelles conditions soit plus important que la perte liée à ceux qui vont aller voir ailleurs... Et seront-ils si nombreux que cela à quitter le navire ? Le record d'appels vidéo et vocaux enregistrés par WhatsApp - 1,4 milliard - rien que pour le 31 décembre 2020, laisse planer le doute.
La décision de WhatsApp d'intensifier la collecte et le partage de données personnelles de ses utilisateurs, qui ne concerne que les utilisateurs hors d'Europe, fait transpirer la toile. Suite à cette annonce, le sémillant fondateur de Tesla Elon Musk n'y est pas allé par quatre chemins et s'est fendu d'un tweet aussi court que percutant : « Utilisez Signal ». Cause à effet ou non, le service de messagerie chiffré open source s'est rapidement retrouvé débordé par un afflux de demande de création de comptes causant d'inhabituels délais de réception des codes de vérification d'activation. « On travaille avec les opérateurs pour résoudre cela le plus rapidement possible. Tenez bon », a tweeté Signal.