« Les fournisseurs [de cloud] devraient être sous pression 24h/24», a expliqué Werner Vogels, CTO d'Amazon.com, lors de l'Amazon Web Services Summit  à New York le 19 avril dernier, dans une allocution retransmise en direct. Les clients devaient avoir le choix de quitter Amazon quand ils le veulent. « Si nous ne sommes pas en mesure de vous offrir une bonne qualité de services, vous devriez avoir le choix d'aller voir ailleurs. Vous, consommateurs de services, devriez être tout à fait libre. C'est le coeur de notre philosophie ».

Le CTO d'Amazon évoquait spécifiquement le modèle de tarification « pay-as-you-go » de l'entreprise qui permet au consommateur de payer à hauteur des services qu'il utilise. Mais, selon plusieurs clients, AWS, et les fournisseurs de cloud en général, ne les laissent pas partir aussi facilement. Bien sûr, les systèmes peuvent être activés ou désactivés selon ses besoins, mais ce n'est pas si simple de migrer ses données du Simple Storage Service (S3) d'AWS. « La communauté du cloud pense que les données pèsent lourd, et que, une fois qu'elles sont déposées chez un fournisseur, il très difficile de les déplacer», explique Dan Koffler, fondateur de Hybrid Cloud Gateway, un service qui aide les clients à connecter leur environnement informatique sur site à des vendeurs de cloud publics comme AWS. Selon Dan Koffler, « ce n'est pas nécessairement difficile de sortir ses données du S3, mais cela peut coûter plus cher que de les mettre ».

Un frein au développement du cloud

Les préoccupations soulevées par le lock-in exercé par les vendeurs sont « un obstacle majeur à l'adoption du cloud », estime encore le fondateur d'Hybrid Cloud Gateway. C'est même la plus grande préoccupation des clients quand ils réfléchissent à la mise en oeuvre d'une stratégie cloud », a-t-il ajouté. « AWS n'est ni mieux, ni pire que les autres fournisseurs de clouds publics avec lesquels nous travaillons - que ce soit Terremark, Rackspace ou GoGrid Cloud Hosting. Ils ont tous les mêmes défauts », explique-t-il. « C'est à peu près la même chose chez chacun d'eux. C'est juste à l'image du business modèle du cloud d'entreprise. Les fournisseurs veulent que leur système soit adopté par les clients et ils veulent garder leurs clients, » explique-t-il encore.

Selon Rena Lunak, une porte-parole d'AWS, le fournisseur « s'engage à laisser aux clients choix et flexibilité ». Elle affirme que les clients « ne veulent pas se laisser enfermer dans un système d'exploitation ou dans un langage de programmation particulier et qu'ils veulent pouvoir transférer leurs compétences existantes dans le cloud ». Celle-ci explique encore que ça coûte plus cher de migrer ses données vers le système S3 que de les en retirer, à cause des multiples couches de redondance que le fournisseur met en place pour la sauvegarde des données. Enfin, selon elle, les clients sont libres d'ajouter ou de supprimer des données de S3 comme ils le souhaitent, et que ces modifications comptent pour une petite part dans la facture d'un client.

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Certains clients ont trouvé le moyen de contourner le verrouillage des vendeurs. Jorge Escobar, vice-président de l'ingénierie de Order Groove, un site d'e-commerce basé sur le SaaS. Order Groove permet aux revendeurs d'offrir des services de souscription et de s'abonner à des programmes d'achats récurrents. Celui-ci explique que l'offre utilise le système middleware en place, ce qui protège la société du lock-in. Grâce au middleware, Order Groove sépare les services cloud de back-end de la couche applicative en front-end. « Le mapping objet-relationnel, ou « Object-relational Mappoing - ORM », est facilement disponibles, et le plus souvent, gratuitement », dit-il, et permet de créer des correspondances entre la base de données et les objets de nombreux langages de programmation. « Je ne sais pas comment les ORM sont utilisés en général, mais je sais que si on ne les a pas, c'est l'impasse. Il faut alors pouvoir consacrer beaucoup de longues nuits et de week-ends pour passer le code au peigne fin et retirer toutes les références à son ancien système », explique-t-il.

Certains services professionnels proposent de réaliser ce travail pour le compte des entreprises. Comme Informatica, par exemple, qui vend des services d'intégration de données. Elle prépare les données pour faciliter leur migration d'un environnement sur site vers un environnement cloud. L'entreprise a développé des « passerelles », essentiellement des applications qui permettent des connexions entre des applications très utilisées sur site et des services clouds populaires.

Juan Carlos Soto, vice-président senior et directeur général de la division cloud de l'entreprise, affirme que si les clients sont préoccupés par le verrouillage des fournisseurs de IaaS, ils sont encore plus préoccupés par le lock-in des fournisseurs de SaaS. « Dans un environnement IaaS, les données peuvent être simplement retirées du cloud », a-t-il déclaré. Mais avec le SaaS, un grand nombre de données, qui représentent une forte plus-value en temps de travail, sont intégrées dans l'application. « Il est important que l'entreprise s'assure qu'elle dispose des bons outils pour toujours conserver l'accès à ces données. Après tout, elles lui appartiennent, » a déclaré Juan Carlos Soto. Si un client utilise un système de gestion de la relation client (Customer Relationship Management - CRM) ou un système de gestion des ressources humaines (Human Resource Management - HCM) dans son offre cloud, il est probable qu'il transmette beaucoup de données vers le cloud. Le client doit s'assurer que le fournisseur SaaS ou IaaS permet la restitution de ces données et que cette clause figure explicitement dans le contrat de niveau de service (Service Level Agreement - SLA) conclu entre les parties.

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