Le temps maussade n'aura vraiment pas découragé les visiteurs. Comme chaque année - un peu plus tôt 2024 pour cause de JO - Viva Technology investit la Porte de Versailles (Halls 1 et 2) à Paris et draine avec lui des dizaines de milliers de personnes (environ 150 000 participants attendus pour cette 8e édition). Pour son premier jour, le plus grand salon européen consacré aux technologies et au numérique, s'offre une affluence digne des grands jours avec des allées rapidement impraticables dès les premières heures de la matinée. En ouverture du salon, pas de président de la République ni de Premier Ministre cette fois (actualité néo-calédonienne oblige) mais la (courte) présence de la secrétaire d'Etat chargée du numérique Marina Ferrari, invitée à prendre la parole en session d'ouverture.
"Sur les 5 dernières années, la France est le pays le plus attractif d'Europe avec des millions d'emplois dans les start-ups", lance Marina Ferrari. "Depuis 2 ans la France se réindustrialise et créé de plus en plus de jobs dans la deeptech qu'elle n'en détruit". A une poignée de semaines des élections européennes, la secrétaire d'Etat a indiqué que la France travaille "avec un état d'esprit européen" et en même temps "de souveraineté" sans toutefois que cela "ferme la porte de la France" qui doit "faire ses propres choix fondamentaux des technologies qu'elle utilise" tout en prenant en compte l'accélération de la "révolution IA". Une révolution qui transpire presque dans toutes les allées et sur tous les stands de Viva Technology 2024, se diffusant dans de nombreux domaines (automobile, agriculture, finance, pharmaceutique, luxe...) y compris le monde du sport.
Marina Ferrari, secrétaire d'Etat chargée du numérique, a inauguré l'édition 2024 de Viva Technology aux côtés de Maurice Levy président de VivaTech (à droite) et de Pierre Louette PDG du groupe Les Echos. (crédit : D.F.)
Les start-ups du sport à fond dans l'IA
A l'occasion de notre traversée du salon, la rédaction du Monde Informatique a fait une halte sur le stand de la Suisse qui a mis en avant ses start-ups SporTech venues en force. Nous avons ainsi pu échanger avec le sémillant docteur Richard Shinn, fondateur de la start-up helvète Augmented Brain Labs créée en 2022. L'homme connait bien le sujet : il a également fondé AIBrain, créée à Séoul en 1997 suivi par une implantation à Palo Alto en Californie en 2012. Son crédo ? Construire une IA entièrement autonome en unifiant les trois aspects essentiels de l'intelligence, à savoir la résolution de problèmes, l'apprentissage et la mémoire. Parmi ses solutions, SAIVA (Sports AI Virtual Assistant) et SAICA (Sports AI Coach Assistant) qui exploitent l'intelligence artificielle pour apporter des indicateurs et fournir des analyses en temps réel, un suivi des performances des joueurs et des résultats prédictifs, qui permettent aux équipes, aux entraîneurs et aux analystes de prendre des décisions fondées sur des data pertinentes.
Richard Shinn, CEO d'Augmented Brain Labs nous a présenté une technologie d'assistant virtuel basé sur l'IA pour mieux comprendre les déplacements des joueurs de football et mieux appréhender les actions. (crédit : D.F.)
La start-up - également suisse - Myjoint propose quant à elle une technologie basée sur l'IA pour prédire et prévenir les blessures dans les sports. Celle-ci évalue grâce à des capteurs corporels de mouvements (thorax et tibia) les risques de ruptures de ligaments et de tendons. "Notre solution permet de modéliser et qualifier la mobilité du genou, détecter les zones à risques et anticiper les risques de blessures liées à différents états comme la fatigue et le stress", nous a expliqué Mina Baniasad, co-fondatrice de MyJoint. A noter que la société a été créée dans le cadre d'un travail de recherche avec l'EPFL.
Parmi les autres start-ups suisses soutenues par le CSEM (centre suisse d'électronique et de microtechnique), citons également Dartfish, spécialisée dans l'analyse vidéo sportive et de la technologie basée sur l'IA, avec des solutions pour l'analyse des performances, le coaching et l'amélioration de l'arbitrage.
« Notre solution permet de détecter les zones à risques et anticiper les risques de blessures », nous a expliqué Mina Baniasad, co-fondatrice de MyJoint. (crédit : D.F.)
La France n'est pas en reste avec par exemple la jeune pousse rennaise Ochy a levé 900 000 € depuis sa création en 2021. Son application mobile propose aux coureurs d'évaluer leur propre technique de course afin d'améliorer leurs performances et/ou de trouver la cause de leurs douleurs. Une analyse les techniques de course individuelles se concentrant sur des parties spécifiques du corps (tête, dos, bras, jambes et pied) avec pour chacune d'elles des recommandations personnalisées. La version payante de l'app propose es exercices ciblés accompagnés de conseils vidéo pour améliorer leurs positions et techniques de course. « La solution prend en compte le poids du corps en mouvement, des métriques et des angles qui sont croisés avec nos algorithmes pour évaluer si le coureur est ou non dans une bonne posture », nous a expliqué Khaldon Evans , co-fondateur d'Ochy.
La solution Ochi, co-fondée par Khaldon Evans, propose d'évaluer la posture de course pour détecter les bonnes ou mauvaises postures. (crédit : D.F.)
Revival Bionics, créée en 2021 à Compiègne, développe quant à elle des prothèses et orthèses actives à destination des personnes amputées ou paralysées. Sa technologie embarque des moteurs mais également une carte électronique couplée à des algorithmes, pour adapter la force de la propulsion en fonction du pas de course. Pour le moment, la détente de la prothèse ne s'adapte pas à la course de chaque utilisateur (la propulsion a été établie sur la base de résultats moyennés d'un corpus d'utilisateurs) mais la société ne l'exclut pas après le lancement de son premier produit commercial qu'elle espère tout proche.
Le prototype de prothèse cheville et pied est équipé de moteurs restituant la propulsion nécessaire dans le cadre d'une session de jogging par exemple. (crédit : D.F.)
Reconsidérer la relation avec le sport par le biais du design et de la prospective. Tel est le parti pris de Capgemini via son entité Frog (à laquelle la start-up Possible Future créée en 2021 a été adossée suite à son rachat par la SSII) qui explore les questions environnementales et sociétales dans les espaces, les produits, les expériences et les usages liés au sport. Parmi ses initiatives, “Hors Jeux”, initialement présenté en septembre 2023 dans le cadre de la France Design Week, une exposition autour des évolutions futures du sport. En croisant design et prospective, Capgemini Frog s'interroge ainsi sur les espaces, les produits, les expériences et les nouveaux usages rattachés au sport via le prisme des enjeux environnementaux et sociétaux. Trois scénarios ont été imaginés : “High tech No tech” qui explore notre rapport à la technologie et au corps dans le domaine du sport, “Orléans Racine Club” qui interroge comment les grands événements sportifs peuvent se conjuguer à la maille ultra locale du territoire dans un monde où les déplacements deviennent limités, et enfin “Éloge du mou” qui explore un monde où l’absence d’activité physique devient une fin en soi en opposition à une société aux rythmes de plus en plus effrénés.
Benoit Bomal, consultant senior Capgemini Frog dans le domaine du design et de l'innovation durable. (crédit : D.F.)
Au salon Viva Technology, les robots étaient également présents en nombre. Des clones des Boston Dynamics fleurissent presque dans chaque allée mais un a attiré notre attention. A savoir un petit modèle humanoïde de Rhoban le groupe de recherche en robotique autonome du LaBRI, laboratoire d'informatique de L'université de Bordeaux, de l'ENSEIRB-MATMECA et du CNRS. Celui-ci s'est démarqué en remportant pour la 5e année consécutive la RoboCup. Parmi les autres conceptions de Rhoban, une autre a également retenu notre attention, le robot viticole BipBip. Ce dernier a été conçu pour du désherbage de grandes cultures avec un principe écologique, à savoir éviter de remuer la terre - contrairement à d'autres concurrents - sur plusieurs dizaines de centimètres mais sur 4-5 maximum. Objectif : ne pas perturber le microbiote et les désagréments pour les petits êtres souterrains. Des premiers pas vers une robotique responsable en plus d'être connectée et dopée à l'IA.
Les robots ont aussi le droit de faire une pause au salon Viva Technology 2024. (crédit : D.F.)