Vers un partage européen des empreintes ADN
Berlin veut transposer le traité de Prüm dans le droit européen. Une initiative qui permettrait la collaboration renforcée des services de police des Etats membres, notamment grâce au partage des données ADN et des empreintes digitales.
L'Allemagne entend convaincre les Etats membres de l'Union européenne de mettre en place un mécanisme de mise en commun de leurs fichiers d'empreintes ADN et digitales. Sous l'impulsion de Berlin, qui occupe la présidence de l'Union européenne depuis le 1er janvier, les ministres de la Justice et de l'Intérieur des Etats membres sont ainsi réunis de façon informelle à Dresde du 14 au 16 janvier. Ils y ont notamment discuté de la transposition du traité de Prüm dans le cadre juridique de l'Union européenne.
Ce traité, signé en mai 2005, institue une coopération policière renforcée entre ses signataires (Autriche, Belgique, Allemagne, France, Luxembourg, Pays-Bas et Espagne), leur permettant un accès mutuel à leurs bases de données dactyloscopiques et ADN, ainsi qu'aux fichiers des immatriculations de véhicules. L'objectif des pays signataires était de lutter contre le terrorisme, la criminalité et l'immigration illégale, et de pallier l'incapacité des 25 membres de l'UE (à l'époque de la signature) à mettre en place un tel mécanisme de coopération. Le traité n'a été pleinement ratifié que par l'Autriche, l'Allemagne et l'Espagne, mais quatre autres pays ont fait connaître leur intention d'adopter le texte (Italie, Finlande, Portugal, Slovénie). La France devrait procéder à la ratification du texte avant la fin de la session parlementaire, fin février. Elle apporterait ainsi ses quelque 400 000 profils ADN aux bases communes des signataires.
L'Allemagne a insisté sur l'intérêt du traité de Prüm en citant l'exemple de la collaboration qu'elle a mise en place avec l'Autriche. Une collaboration qui a permis 700 accès à des profils ADN de personnes « connues des autorités autrichiennes dont 14 impliquées dans des homicides ». Un bon argument pour convaincre les ministres réunis à Dresde du bien-fondé de la transposition du traité dans le droit européen. De fait, estime le ministère de l'Intérieur d'outre-Rhin, il semble se dessiner un large consensus entre les participants aux débats. Berlin devrait faire une proposition législative le mois prochain pour mettre en marche les mécanismes normatifs communautaires. Selon l'hebdomadaire britannique The Observer, l'Allemagne entretiendrait des discussions avec les Etats-Unis pour conclure un accord germano-américain de partage d'informations similaires, puis pour l'élargir à l'Europe.
Transposer pour éviter les écueils du traité
La transposition du traité de Prüm au niveau européen permettrait peut-être de contourner certaines zones sombres du texte grâce à l'examen qui en serait fait par le Parlement européen. La Cnil avait ainsi émis ses recommandations suite à la signature du traité en 2005. La commission estimait par exemple qu'« en cas de violations graves [des règles d'accès aux données personnelles], notamment sur la sécurité et la confidentialité des traitements, aucune mesure de sanction n'est prévue vis-à -vis des autorités répressives responsables ». L'examen du texte par les instances communautaires pourrait par ailleurs nuancer certaines des critiques soulevées par Peter Hustinx, le superviseur à la protection des données de l'Union européenne. Il reprochait au texte de contenir « certaines définitions un peu bâclées [et de créer] des infrastructures pas forcément nécessaires. Le Conseil des ministres européens n'est pas impliqué, le Parlement ne l'a pas été. Cela contrevient aux processus classiques de décision européens ».
Quand l'Allemagne aura déposé un projet normatif, il restera encore aux 27 à l'adopter à l'unanimité.