En 2022, le spécialiste du flaconnage de verre pour le luxe Verescence a décidé de repenser ses processus de planification des ventes, de la demande et de la production. Une démarche qui s'est traduite par la recherche d'une solution de planification de production sous contrainte. Un enjeu particulièrement fort quand on est un petit fournisseur de grandes maisons de parfum et de cosmétique de luxe. Et une démarche d'autant plus difficile que la production de verre de flacon est complexe, comme l'a expliqué le DSI de Verescence, Jean-Michel Gorand à l'occasion de la convention USF 2024 à Lille, le 9 octobre 2024.

Une complexité qui, de plus, se décline à plusieurs niveaux. Pour commencer, la fabrication des flacons du verrier picard, né à la fin du XIXe siècle, est répartie entre 4 sites verriers et 5 sites de parachèvement, autrement dit de décoration. « Un flacon peut nécessiter jusqu'à 7 actes de décoration - voire plus - sur 7 machines ou lignes de production différentes, parfois sur des sites différents », poursuit le DSI. « Il nous faut donc planifier la production du verre, mais aussi sa décoration ».

Qui plus est, la fabrication du verre varie en fonction de différents éléments, comme la température extérieure ou le taux d'humidité, par exemple. Et les différents types de verre ne sont pas tous produits dans les mêmes fours. « Nous devons aussi tenir compte du lieu de stockage des moules, ajoute le DSI. Si je les utilise sur une ligne, je ne peux pas les utiliser sur une autre ». Enfin, les clients, de grandes maisons de luxe, ne maîtrisent pas toujours bien leur planification. Pensant les satisfaire, Verescence a donc longtemps pris des ordres fermes en amont qui se sont heurtés à différents obstacles lors de la production, faisant perdre toute flexibilité. Des contraintes difficiles à expliquer aux clients.

Une planification capable d'intégrer la complexité

La refonte du processus de planification avait donc pour but d'anticiper tous ces éléments. Et pour ce faire, Veresence a travaillé sur la transformation de ses processus internes, de la relation avec ses clients, des modes de fonctionnement dans l'entreprise, etc., avec une solution logicielle. Du côté métier, l'objectif était de se doter d'un outil d'optimisation de la planification intégrant la complexité intrinsèque au métier de l'industriel, avec des fonctions avancées de simulation. Mais aussi de donner à l'entreprise les moyens de s'adapter à l'évolution difficilement prévisible de la demande. Du côté IT, il s'agissait de remplacer un outil obsolescent, d'arrêter les développements spécifiques et d'anticiper la migration vers SAP S/4Hana depuis la version ECC actuelle.

Il fallait une solution unique qui centralise les data et la planification sur les trois volets : la S&OP (sales and operations planning) au sens large, la gestion de la demande et la planification de production sous contrainte. « SAP IBP [Integrated Business Planning for Supply Chai] est arrivé en short list, raconte Lassaad Trabelsi, IS manufacturing manager de Verescence. Et après un PoC de 3 mois réalisé avec l'intégrateur Wynsys pour tester les performances et la scalabilité, nous avons validé la capacité de cette solution à répondre à la majorité de nos besoins, dans chacun des trois domaines ».

Comparer avec le passé et planifier l'avenir

Il s'agissait donc bien, pour la planification, d'obtenir un résultat pour la production du verre, mais aussi pour le décor, de répondre en temps et en heure aux confirmations de commandes, d'assurer la planification de la sous-traitance, etc. « Nous avons besoin d'obtenir un planning précis à l'avance, avec des données fiables, mais surtout faisable », rappelle par ailleurs Lassaad Trabelsi. Pour le S&OP, l'entreprise voulait pouvoir visualiser des versions antérieures de la planification pour comparaison, obtenir une vision précise des ventes passées et du carnet de commandes pour l'avenir, anticiper les besoins d'interconnexion entre les sites français, espagnols, américains et sud-coréens ou, encore, disposer de moyens simples de simuler la production en fonction de la demande ou de certains aléas. Pour la gestion de la demande enfin, Verescence souhaitait entre autres des prévisions jusqu'à la référence article et pour un horizon de 18 à 24 mois.

Lassaad Trabelsi, IS manufacturing manager de Verscence, et Jean-Michel Gorand, DSI de l'industriel, à l'occasion de la convention USF 2024 à Lille, le 9 octobre 2024. (Photo : ED)

Outre la satisfaction de la plupart de ces besoins, la solution de SAP présentait l'avantage de s'intégrer à l'ERP en place, celui de l'éditeur allemand, dans sa version ECC. Comme dans la plupart des projets de migration de ce type, le projet élimine une grande partie des calculs et sorties réalisés avec Excel. Le DSI de Verescence insiste également sur le fait que le précédent outil en place était limité à 30 utilisateurs, uniquement dans les métiers directement concernés de la planification, alors que plus de 200 personnes, y compris au sein de la logistique, de la DAF, de la qualité, etc., accèdent aujourd'hui aux plannings IBP.

Dessiner clairement la frontière entre planification et ordonnancement

L'équipe IT souligne encore l'importance d'un accompagnement du changement dans un cadre comme celui-ci, non seulement parce que l'outil change le métier des planneurs, mais aussi parce que la mise à disposition des données de planifications concerne justement de nombreuses autres fonctions dans l'entreprise. Un des enjeux forts réside, par exemple, dans une clarification stricte de la frontière entre la planification et l'ordonnancement, pour qu'il n'y ait ni contestation ni modification des data entre les deux.

Mi-2022, Verescence a lancé son projet de mise en oeuvre de SAP IBP dans le cloud, avec un mapping de data depuis SAP ECC via SAP CO-DS (Cloud integration for data services). Il a commencé par des phases de conception et de tests en parallèle pour les trois modules métier, autour d'un même planning dans un premier temps. Il a ensuite progressivement déployé l'ensemble de la solution sur plusieurs sites à partir de fin 2023, pour ne pas risquer de problèmes de production. En commençant par le plus simple, la gestion de la demande au rythme d'un site par mois. La planification sous contrainte a suivi, avant la S&OP qui puise dans les données issues des deux autres modules.

Accompagner les experts de la planification

Mais le DSI insiste sur la nécessité d'accompagner les planneurs dans ce parcours, que l'outil contraint à lâcher prise sur une grande partie de ce qui faisait leur métier. Alors que l'entreprise avait prévu de démarrer par la France, son site le plus complexe pour valider la solution dans son ensemble, elle a finalement dû se tourner vers une plus petite usine. Justement, parce que les planneurs, experts de longue date de la planification, ont d'abord passé beaucoup de temps à valider les calculs réalisés par l'outil « Les premières phases du projet, de la conception aux premiers tests, ont été menées en commun avec les métiers », précise Lassaad Trabelsi. « Le déploiement de la demande s'est ensuite passé assez simplement, mais la planification, elle, a effectivement nécessité une étape d'ajustement aux remarques des utilisateurs directement concernés ».

Il reste encore à Verescence à stabiliser la partie ordonnancement du système dont l'instabilité perturbe parfois le cycle IBP. Et certaines parties du projet restent à mettre en oeuvre, comme l'intégration des sous-traitants dans la planification. Pour Lassaad Trabelsi toutefois, une fois le master data stabilisé, le gain de temps est cependant d'ores et déjà notable. Et le déploiement de la solution apporte même quelques bénéfices inattendus, puisque la DSI a pu déployer des modèles historisés pour les budgets des équipes finance.