Avec une fréquence de 155 GHz, le transistor haute performance au graphène (un cristal de carbone dont l'empilement constitue le graphite) dévoilé par les labs d'IBM est le plus rapide du moment : « il surpasse le modèle 100 GHz montré en février de l'année dernière par le fabricant, » a indiqué Yu-Ming Lin (voir illustration principale), un chercheur de Big Blue. « Cette recherche prouve également qu'il est possible de produire à faible coût des transistors haute performance, à base de graphène, en utilisant des procédés de fabrication identiques à ceux des semi-conducteurs classiques, » a ajouté le chercheur.
Cela pourrait ouvrir la voie à la production industrielle de processeurs au graphène. Mais Yu-Ming Lin ne s'est pas avancé sur une date de mise en fabrication de telles puces. « Des transistors au graphène permettraient d'améliorer les performances d'applications utilisées dans la communication sans fil, les réseaux, l'imagerie et les radars, » a indiqué Phédon Avouris, un chercheur-enseignant d'IBM.
Des recherches entamées pour la défense américaine
Le graphène se présente comme une couche d'atomes de carbone d'une seule d'épaisseur avec une structure hexagonale en nid d'abeille. Les recherches sur le transistor ont été entreprises par IBM dans le cadre du programme DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) à la demande de département américain de la Défense en vue de développer des transistors RF (fréquence radio) de haute performance. Selon Phédon Avouris, l'armée est très intéressée par les transistors au graphène. « Le flux d'électrons de ces transistors est plus rapide que celui des transistors classiques, ce qui permet des transferts de données plus rapides entre les puces, » a expliqué Yu-Ming Lin.Â
C'est la raison pour laquelle cette technologie est très prometteuse en matière d'applications réseau, laquelles nécessitent des communications à vitesses rapides et à fréquences élevées. « Les transistors au graphène sont capables d'effectuer des calculs plus rapidement que les transistors classiques, mais ils ne sont pas encore adaptés aux ordinateurs PC, » a-t-il ajouté. En effet, le graphène naturel ne présente pas d'écart énergétique, et les transistors au graphène ne permettent pas d'avoir le ratio de cycle requis pour les opérations de commutation numérique, ce qui est par contre le cas des processeurs conventionnels.Â
« En revanche, le flux continu d'énergie que procure le graphène permet un meilleur traitement des signaux analogiques, » explique encore le chercheur. « La vitesse élevée des électrons du graphène permet un traitement plus rapide des applications en électronique analogique, pour lesquelles un ratio élevé de compensation n'est pas nécessaire. »
Le plus petit transistor crée par IBM
Le transistor au graphène a bénéficié de l'utilisation d'un nouveau substrat appelé « carbone de type diamant» mis au point par IBM, grâce auquel le composant a fait preuve d'une excellente stabilité en température, entre la température ambiante et jusqu'à moins 268 degrés Celsius, la « température de l'hélium, » comme la définit IBM. « Les performances de ces dispositifs au graphène ont montré une excellente stabilité en température. Ce comportement est en grande partie du a l'utilisation d'un nouveau substrat de carbone de type diamant, » a déclaré IBM.
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« Le transistor au graphène est également le plus petit transistor qu'IBM a mis au point à ce jour, » selon les chercheurs. La longueur de grille de la radio-fréquence du transistor au graphène est passée de 550 nanomètres à 40 nanomètres. La longueur de grille du transistor au graphène montré l'an dernier, lequel utilisait un substrat de carbure de silicium, était de 240 nanomètres.
« Mais plus important encore, la performance a été réalisée en utilisant des technologies de fabrication compatibles avec celles utilisées pour les supports à base de silicium, » a déclaré Yu-Ming Lin. « Si bien que la production industrielle de puces au graphène devient encore plus probable, » a-t-il ajouté.
Une découverte réalisée en 2004
Les possibilités du graphène sont devenues attrayantes pour les scientifiques. C'est en 2004 que André Geim et Konstantin Novoselov de l'Université de Manchester au Royaume-Uni ont isolé le graphène, jetant les bases de nouvelles recherches pour lesquelles ils ont reçu le prix Nobel de physique en 2010. « Le graphène offre un grand potentiel en matière de semi-conducteurs, mais l'industrie cherche encore à comprendre quels seraient ses avantages, » a déclaré Jim McGregor, spécialiste des stratégies en matière de technologie chez In-Stat.
Le graphène ne peut pas encore fonctionner comme un transistor numérique pour remplacer les puces en silicium actuelles. Cependant, il pourrait servir de technologie de complément à d'autres appareils utilisant le carbone pour effectuer des tâches de traitement de signal par exemple. « Comme toute nouvelle technologie, il faut des milliards de dollars d'investissement pour qu'elle devienne une alternative viable à une technologie existante.
Ensuite, cette alternative peut devenir une nécessité si la technologie actuelle se heurte à une limite physique indépassable, » a ajouté Jim McGregor. « Le graphène doit d'abord  pouvoir répondre à trois exigences en matière de fabrication de semi-conducteurs : le matériau, le design et la gravure, » a-t-il encore déclaré. « Si le graphène peut être traité par les procédés de gravures actuels et futurs et répondre aux contraintes de design, alors il pourra devenir une technologie viable, mais seulement si ces deux conditions sont remplies, » a-t-il déclaré.