Un cabinet d'avocats britannique a déposé mardi un recours collectif contre Microsoft, l'accusant d'utiliser sa part de marché pour surfacturer les clients qui exécutent Windows Server sur AWS, Google ou Alibaba au lieu de son propre service Azure. L'action en justice vise à obtenir plus d'1 Md£ (environ 1,2 Md€) de dommages et intérêts. « Toutes les entreprises et organisations britanniques ayant acheté des licences pour Windows Server via Amazon AWS, Google Cloud Platform et Alibaba Cloud pourraient avoir été surfacturées et seront représentées dans cette nouvelle action collective », indique le communiqué du cabinet d'avocats. Ces accusations sont logiques du point de vue de la conformité et de la réglementation. Bien que les entreprises soient autorisées à accorder des remises sur le volume et à proposer d'autres différences de prix pour différents clients, des problèmes de conformité se posent lorsque l'entreprise contrôle une part particulièrement élevée du marché.

C'est pourquoi la déclaration annonçant le litige mettait l'accent sur la position dominante et faisait référence à l'autorité britannique de la concurrence et des marchés (CMA). Le litige a été porté devant le Competition Appeal Tribunal (tribunal d'appel de la concurrence) du Royaume-Uni. « Microsoft est l'une des plus grandes entreprises au monde. Son chiffre d'affaires pour 2024 a atteint un nouveau record, avec un total de près de 235 Md$. Microsoft est de loin l'acteur dominant dans le domaine des systèmes d'exploitation pour ordinateurs de bureau, avec une part de marché comprise entre 70 % et 80 %, selon la CMA », indique le cabinet d'avocats. « Cette domination s'est étendue aux systèmes d'exploitation pour serveurs. La plaignante, Maria Luisa Stasi, a déclaré que la poursuite avait pour but de déboucher sur des remboursements pour les entreprises britanniques concernées.

Une accusation loin d'être inédite

« En clair, Microsoft punit les entreprises et les organisations britanniques qui utilisent Google, Amazon et Alibaba pour leur cloud en les obligeant à payer plus cher pour Windows Server. Ce faisant, la firme de Redmond tente de forcer les clients à utiliser son service cloud, Azure, et de restreindre la concurrence dans le secteur », a déclaré M. Stasi. « Cette action en justice vise à remettre en question le comportement anticoncurrentiel de Microsoft, à l'obliger à révéler exactement combien les entreprises du Royaume-Uni ont été illégalement pénalisées et à restituer l'argent aux organisations qui ont été injustement surfacturées. En raison de la nature des dossiers déposés auprès du Competition Appeal Tribunal, une copie de l'action en justice n'était pas accessible au public mardi, et elle pourrait ne pas être rendue publique avant plusieurs semaines. Le cabinet d'avocats qui l'a déposée a refusé d'en fournir une copie. Ce type d'accusations n'est pas nouveau pour le fournisseur, qui fait face à des accusations similaires depuis des années. Plus récemment, la Commission fédérale du commerce des États-Unis a mené des enquêtes dans des domaines connexes avec Microsoft. L'éditeur avait aussi été épinglé en Europe par la Cispe, regroupant notamment Outscale, AWS ou encore Google, estimant que les agissements de Microsoft portaient irrémédiablement atteinte à l’écosystème européen du cloud et privent les clients européens de toute liberté de choix dans leurs déploiements de cloud computing. En juillet dernier, un accord avait finalement été trouvé.

Matt Kimball, vice-président/analyste principal de Moor Insights & Strategy, s'est dit déconcerté par certaines révélations faites dans le cadre de ce litige. « J'ai du mal à comprendre la justification de la disparité des frais de licence entre le déploiement sur Azure et les autres cloud. Le contre-argument est-il qu'il y a une charge accrue de support et de maintenance pour Microsoft qu'elle intègre dans sa tarification ? » a demandé M. Kimball. « C'est à peu près le seul argument que j'ai trouvé et il est peut-être vrai. Si c'est le cas, je demanderais s'il existe une licence SKU séparée avec cette différence de prix clairement expliquée. » L'analyste a fait remarquer que tous les plus grands acteurs cloud utilisent des schémas de tarification et des tactiques similaires. « Nous sommes naïfs, en termes de marché, de supposer que chaque fournisseur de services cloud ne déploie pas des techniques pour verrouiller les clients. Des frais de sortie très élevés constituent-ils un verrouillage du cloud et un comportement anticoncurrentiel ? C'est un peu comme si l'on essayait de me garder dans un cloud plutôt qu'un autre », a-t-il déclaré.

Des PME plus lésées que les grandes entreprises

M. Kimball a précisé que ce litige concernait essentiellement les consommateurs et les PME. Il est presque certain que les plus grandes entreprises ne sont pas lésées par ces tactiques. « La probabilité que vos plus grandes entreprises clientes soient lésées est minime », a déclaré l'analyste. « S'il y a une victime, ce sont les petites entreprises. Ce sont elles qui sont touchées ». Jim Mercer, vice-président du programme pour le développement de logiciels chez IDC, a déclaré que les accusations du procès n'étaient pas nouvelles dans un marché cloud férocement concurrentiel. « La compétition entre les grands hyperscalers - les principaux fournisseurs de services cloud comme Amazon Web Services (AWS), Microsoft Azure et Google Cloud - est intense pour dominer le marché cloud », observe Jim Mercer. « Ces entreprises sont en concurrence sur de nombreux fronts, notamment en matière de prix, d'innovation, d'évolutivité, d'infrastructure, de performances et d'offres de services, telles que les capacités de genAI. Les hyperscalers utilisent tous les atouts ou leviers dont ils disposent pour gagner des parts de marché ».

Contacté par NetworkWorld, Microsoft s'est refusée à tout commentaire et n'a pour l'instant pas fait d'autre déclaration sur cette affaire. Mais ce mercredi, cependant, la société a annoncé que les prix qu'elle facture en livres sterling allaient baisser de 5 à 6 % en raison de sa politique consistant à répercuter les variations des taux de change sur les prix en monnaie locale. Hasard ou coïncidence ?