Depuis l'inscription il y a plus de 5 ans de Huawei sur la fameuse liste noire (entity list) du département américain du Commerce, les relations entre les Etats-Unis et la Chine n'ont jamais cessé de se dégrader. Après le bannissement de l'américain Micron en Chine en 2023 les Etats-Unis ont intensifié leur pression en inscrivant le fabricant de DRAM chinois CXMT sur l'entity list et plus récemment en entravant l'exportation en Chine de systèmes ASML dont les technologies EUV et DUV servent à produire en masse des puces inférieures à 7nm. Une dernière annonce qui n'avait pas du tout plus à la Chine allant jusqu'à qualifier cette décision de "comportement d'intimidation" qui pourrait avoir "de graves conséquences sur la sécurité et la stabilité des chaines industrielles et d'approvisionnement internationales." 

Le dernier acte de la guerre technologique et commerciale entre les Etats-Unis et la Chine est sans doute maintenant en train de s'écrire : la Cybersecurity Association of China (CSAC) a en effet de demandé un audit de sécurité des produits Intel vendus dans le pays, affirmant que l'entreprise américaine de semi-conducteurs représente une menace permanente pour la sécurité nationale et les intérêts du pays. Dans une déclaration publiée sur son compte WeChat, la CSAC a déclaré que les principales failles dans la qualité des produits et la gestion de la sécurité d'Intel témoignent de son attitude extrêmement irresponsable à l'égard des clients. La CSAC est un organisme industriel, mais ses allégations soulèvent des inquiétudes sur la validation de l'audit de la part du régulateur du cyberespace du pays, la Cyberspace Administration of China (CAC), à la manoeuvre derrière l'interdiction des puces Micron en Chine.

Des impacts sur Intel et toute l'industrie

Selon Reuters, Intel avait obtenu cette année des commandes de processeurs Xeon de la part de plusieurs agences chinoises affiliées à l'État pour des applications d'intelligence artificielle. Une interdiction pourrait porter un coup sévère à Intel, déjà aux prises avec des difficultés financières, une part de marché en baisse et des licenciements. Elle pourrait également affecter les entreprises chinoises qui sont déjà confrontées aux restrictions américaines à l'exportation. « Si le CAC décide de prendre des mesures plus radicales que celles qu'il a prises à l'égard de Micron, Intel pourrait être confronté à des difficultés considérables en ce qui concerne ses ventes et sa part de marché en Chine », a déclaré Thomas George, président de Cybermedia Research. « Cette situation représente également un risque pour les nombreuses entreprises chinoises qui dépendent des puces Intel pour le calcul à haute performance, essentiel pour la recherche scientifique, les services financiers et même la sécurité nationale.

D'autres analystes soulignent qu'un audit aurait des répercussions au-delà d'Intel, affectant l'industrie dans son ensemble. « Même si des rivaux comme AMD pourraient en bénéficier dans un premier temps, il est probable qu'ils finiront par être ciblés à leur tour. L'objectif à moyen terme semble être de soutenir l'industrie chinoise des puces électroniques », estime Pareekh Jain, CEO de Pareekh Consulting.

Favoriser les fournisseurs chinois de puces

La Chine s'efforce de parvenir à l'autosuffisance dans le secteur des semi-conducteurs, en invitant récemment les constructeurs automobiles nationaux tels que SAIC Motor, BYD, Dongfeng Motor, GAC Motor et FAW Group à s'approvisionner davantage en puces dédiées auprès de fournisseurs locaux. « Des entreprises chinoises comme Huawei et Alibaba accélèrent leurs investissements dans les technologies des semi-conducteurs », a déclaré Thomas George. « Mais l'état de préparation et la capacité des alternatives nationales à rivaliser avec les offres d'Intel restent incertains. Un moyen potentiel pour les entreprises américaines de surmonter ce défi serait d'investir davantage en Chine, a suggéré M. Jain, citant Tesla comme exemple. « Cette stratégie démontrerait un engagement envers le marché chinois et pourrait offrir une certaine protection contre les mesures de rétorsion », a ajouté Pareekh Jain.