En 2010, le CEO de Hewlett-Packard, Leo Apotheker, avait été mis à l’écart : celui-ci avait proposé un plan radical pour séparer la division PC de la maison-mère. 5 ans plus tard, l’idée est apparue plus évidente et en 2015, l’entreprise a été divisée en deux entités : HP, qui a pris en charge l’activité PC et imprimantes, et Hewlett Packard Enterprise ou HPE, qui a pris en charge l’activité infrastructures et cloud. Aujourd’hui, un an après la scission, chaque entité cherche encore à se libérer du passé et s’emploie à ne compter que sur elle-même pour avancer. HP comme HPE a eu besoin de reconstruire son identité, traversant toutes deux des épisodes douloureux. Chaque entreprise a dû changer ses objectifs et, pour mener à bien leur restructuration, elles ont dû procéder à des réductions de personnel importantes. Le mois dernier, chacune a annoncé ses vagues de licenciement.
Mais ce n’est pas tout : HP comme HPE doivent désormais se battre contre des concurrents qui ont adopté des stratégies tout à fait opposées. Lenovo a renforcé son offre PC, mobile et serveur, et Dell a fusionné avec EMC pour créer un géant du datacenter et du PC. Pour Patrick Moorhead, analyste principal chez Moor Insights and Strategy, « du fait de leur taille réduite, HP et HPE sont aujourd’hui mieux armés qu’auparavant. Ils ont montré qu’ensemble ils ne pouvaient pas innover assez rapidement et qu'il n'y avait pas assez de synergie entre eux », a-t-il encore déclaré.
Des erreurs dans l'attribution des activités
« La scission a été un choix radical, et il reste encore beaucoup de questions sans réponses des deux côtés », a déclaré pour sa part Charles King, analyste principal chez Pund-IT. « Chaque entité a eu du mal à se recentrer sur son cœur d’activité, mais elles avancent chacune dans la bonne direction », a ajouté l’analyste. « Certaines erreurs ont été commises en amont. Par exemple, les produits de bureau virtuel ont été attribués à HP, ce qui n’était pas une bonne idée », a estimé Charles King. Selon lui, « C’est HPE qui aurait dû hériter de cette activité, parce que les postes de travail virtuels s'appuient fortement sur les serveurs back-end ». Par ailleurs, la nouvelle entité HP a élargi son offre de PC et d'imprimantes, mais elle a supprimé de son portefeuille les tablettes d’entrée de gamme et a réduit son offre de PC bon marché pour s’assurer des revenus. Mais cette offre ne correspondait plus à la réalité du marché du PC, en chute libre.
Heureusement, HP a pu rectifier sa stratégie. D’après IDC, au troisième trimestre, HP est arrivé juste derrière Lenovo, détenteur du titre de premier fabricant mondial de PC. Ainsi, les livraisons de HP ont atteint 14,4 millions d’unités, soit à peine moins que les 14,5 millions d'unités de Lenovo. Pour gagner cette place sur le podium des meilleurs vendeurs de PC, HP a également rompu avec ses designs tristes, ajoutant de la couleur et du style à ses ordinateurs. C’est le cas par exemple de l'ordinateur portable ultra-mince Spectre X2, du mini-bureau modulaire Elite Slice et du Pavilion Wave, un ordinateur de bureau très design, puissant et discret. HP cible également les applications de réalité virtuelle à venir et livrera ses premières imprimantes 3D plus tard cette année. Mais l’impact de ces offres innovantes n’est pas encore visible dans les bénéfices ou dans les recettes.
HPE racheté par Huawei ?
Si la voie choisie par HP semble assez claire, il est par contre un peu tôt pour savoir comment HPE va évoluer. Pour commencer, la nouvelle entité s’est principalement concentrée sur le matériel et les logiciels pour datacenters, mais elle cible désormais l'infrastructure et les solutions cloud. HPE a vendu sa division logicielle – et très récemment sa distribution OpenStack - à Micro Focus et cédé ses actifs de services, deux piliers sur lesquels l’entreprise s’est appuyée pendant de nombreuses années. « HPE, et précédemment Hewlett-Packard, n'ont jamais développé d’outils middleware pour se faire une place sur le marché du logiciel, domaine où excellent d'autres entreprises comme IBM, SAP et Oracle », a expliqué Charles King. Celui-ci estime que « sans grosses solutions logicielles, les offres intégrées de HPE ne pourront pas concurrencer les offres de Dell, qui propose des logiciels et un hardware associé ». Au dernier OpenStack Summit de Barcelone, une rumeur indiquait que Huawei Enterprise s’intéressait à HPE pour percer aux Etats-Unis en misant sur la commodités.
L'approche de HPE ressemble beaucoup à celle d'IBM. Big blue s’est séparé de ses activités les moins rentables - le PC, les serveurs x86 - pour les vendre à Lenovo. « Mais, même si IBM a pris ces décisions au bon moment, ses bénéfices plongent, notamment dans le logiciel », a encore déclaré Charles King. « Si HPE se concentre très largement sur le hardware, il y a lieu de s’interroger », a-t-il demandé. La semaine dernière, lors de la communication des résultats trimestriels, la CEO de HPE, Meg Whitman, a montré que les produits réseaux et de stockage se portaient bien. Mais l’entreprise a coupé ses liens avec EMC. Or, EMC domine le stockage d'entreprise et elle est désormais passée dans le giron de Dell. « Ça va être difficile d’inciter les clients d'EMC à opter pour l'offre de stockage de HP », a déclaré Charles King. HPE a également réduit son offre de serveurs, mais Meg Whitman a déclaré qu’elle avait convaincu des clients de Lenovo et de Dell.
HPE n'investit pas assez sur l'IoT
Selon l’analyste de Pund-IT, « HPE pourrait développer son activité logicielle en concluant des partenariats ». Ses actifs 3Com, 3Par et Aruba vont continuer à croître. Mais pour l’instant, Charles King estime que HPE n’a pas de stratégie claire à long terme au-delà des services et de l'infrastructure cloud. HP n'a pas non plus présenté de stratégie très active autour de l'Internet des Objets, un domaine identifié par IBM et Dell comme un grand marché. Cependant, HPE a sous le coude plusieurs technologies passionnantes. C’est le cas de l’architecture modulaire Synergy et de The Machine, un concept de serveur de nouvelle génération avec une nouvelle architecture axée sur l'informatique en mémoire, qui promet des débits plus rapides. L’entreprise a annoncé cette semaine que « des technologies découlant de The Machine seront disponibles sur les serveurs l'année prochaine ». Finalement, pour Patrick Moorhead, « la scission de Hewlett-Packard en deux entités, HPE et HP, était une bonne chose ».