En 2014, les 100 premiers éditeurs français ont réalisé un chiffre d’affaires de 6,6 milliards d’euros sur leurs activités d’édition, soit une progression de 6% par rapport au Top 100 de l’année précédente. En intégrant les autres activités, le chiffre d’affaires total du classement s’est établi à 11,8 Md€. Mais le 11ème Truffle 100 France, réalisé par Truffle Capital avec le CXP, montre aussi que le taux de rentabilité affiché par ce Top 100 a légèrement baissé, passant de 6,4% du chiffre d’affaires à 5%, avec un résultat net de 599 M€ contre 604 M€ en 2013.
Du côté du palmarès des éditeurs, on retrouve les grandes lignes des années passées, 55% du chiffre d’affaires édition étant réalisé par le Top 5 : Dassault Systèmes, qui pèse 30,3% du total avec ses 2 Md€, Cegedim (460,6 M€), Sopra Steria (445,4 M€), Murex (368 M€) et Axway (261,6 M€). Chacun d’eux évolue dans des domaines spécifiques : PLM (gestion du cycle de vie des produits) pour Dassault Systèmes, secteur de la santé et des RH pour les logiciels et bases de Cegedim, logiciels bancaires pour Sopra Steria et Murex, RH et logiciels métiers également pour Sopra. Enfin, Axway développe des solutions de middleware et de gouvernance des flux.
Les fusions/acquisitions sont reparties à la hausse
Fait notable en 2014, le montant des opérations de fusions/acquisition est reparti à la hausse. « Avec un niveau record », nous a indiqué Bernard-Louis Roques, directeur général et co-fondateur de Truffle Capital. Sept sociétés sont sorties du classement après leur rachat, contre six en 2013 : E-Front, Orsyp, Fircosoft, ITN, Cameleon Software, Systran et Spiral (*), pour un montant de 189 M€ contre 113,8 M€ en 2013. On peut regretter le départ de ces sociétés du Top 100 français, mais si ces transactions aboutissent, après de longues discussions, c’est que les dirigeants concernés pensent qu’ils n’ont pas le choix et que c’est la meilleure solution pour eux, estime le DG de Truffle Capital. Pour les acteurs américains, la force du dollar et leur capacité financière supérieure à celle des éditeurs français leur permettent ces opérations. Cela peut les conduire à développer des centres de R&D en France.
« On demande aux éditeurs d’investir en R&D, pour le cloud, la mobilité, etc. tandis que leurs bénéfices sont sous pression. Ce qui fait que pour certains d’entre eux, la seule issue est la session », explique Bernard-Louis Roques en regrettant que les marchés financiers ne jouent plus leur rôle de financement. « Le nombre de sociétés cotées est très faible », fait-il remarquer en mentionnant aussi les problèmes liés au capital risque. « Les montants levés dans les FCPI se sont écroulés avec moins de 30 M€ levés en 2014. Or, on ne fait pas une société de logiciels sans capitaux », insiste-t-il. « Nous payons le prix de l’absence de politique industrielle ». Tout est réversible, mais si on ne met pas en place des mécanismes d’épargne pour drainer les capitaux vers les éditeurs de logiciels, ce n’est pas illogique qu’ils se vendent, selon lui.
Le Crédit Impôt Recherche vital pour les PME
Dans son analyse de ce 11ème Truffle 100 France, Bernard-Louis Roques revient aussi sur le débat autour du Crédit Impôt Recherche, le CIR. « Il y a une méconnaissance du monde politique, en particulier des sénateurs, de ce qu’est le monde de la PME innovante », constate-t-il. Il rappelle que le CIR était au départ destiné aux PME avant d’être réformé en 2008 et élargi aux grands groupes, ce qui a fait exploser le montant alloué. Aujourd’hui, certains amendements poussent à une diminution globale de ce montant, rappelle Bernard-Louis Roques. C’est une erreur, pointe-t-il. « Pour les PME, le CIR est vital, certaines peuvent faire faillite si on leur enlève et, au contraire, créer des emplois sinon. Alors que les grands groupes s’en servent pour faire de l’optimisation fiscale », explique-t-il.
Plutôt qu’un débat, il faut revenir à l’ADN du CIR : financer les petites structures qui n’ont pas beaucoup de moyens. Mais les spécificités des sociétés de l’innovation ne figurent pas nécessairement parmi les sujets les mieux connus des sénateurs, regrette-t-il. Pour lui, il faut replafonner le CIR, « pas en termes de montant global, mais fixer un montant maximum à déduire par entreprise et avec une taille maximum d’entreprise. « 20 ou 30 M€, c’est le maximum que peut déduire une PME », évalue-t-il. Sur ce point, le 11ème Truffle 100 s’accompagne d’un commentaire plutôt optimiste d’Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat chargée du Numérique, qui pointe une pérennisation du CIR, l’extension du Crédit d’impôt innovation et le renforcement des dispositifs d’actionnariat salarié.
Les investissements en R&D ont peu augmenté
Concernant les autres caractéristiques de ce 11ème Truffle 100 France, 800 nouveaux postes ont été créés en recherche et développement, mais les effectifs de R&D ont néanmoins baissé dans l’effectif total, passant de 19 à 15% et les investissements en R&D ont faiblement progressé, à 1,052 Md€ contre 1,024 Md€ en 2013. Et si l’effectif total du Top 100 a augmenté, il le doit au rapprochement entre Sopra et Steria, passé de 78 000 à 103 380. Sur la répartition géographique des forces en présence, l’Ile-de-France reste la région la plus importante, totalisant à elle seule 83% du chiffre d’affaires édition. Enfin, les éditeurs français implantés à l’étranger le sont principalement au Royaume-Uni (31% des implantations), en Allemagne (24%), aux Etats-Unis (23%), en Espagne (22%) et en Italie (19%).
Pour l’année en cours, ce sont encore, comme l’an dernier, le cloud computing, les applications mobiles et le big data qui tireront l’activité des éditeurs. Désormais, 68% du Top 100 disent avoir une offre en mode SaaS contre 61% en 2013.
(*) E-Front a été racheté par le Britannique Bridgepoint pour 60 M€, Orsyp par l’Autrichien Automic pour 39,1 M€, Fircosoft par le Néerlandais Reed Elsevier pour 19,4 M€, ITN par le Français GFI Informatique pour 14,6 M€, Cameleon Software par l’Américain Pros pour 13,2 M€, Systran par le Coréen CSLI pour 10,7 M€ et Spiral par l’Américain Aurea pour 9 M€.