En 2012, les 100 premiers éditeurs français de logiciels ont fait progresser de 13,5% leur chiffre d'affaires généré par l'édition de produits (licences, maintenance, services associés), à 5,9 milliards d'euros. Et leur chiffre d'affaires total a augmenté de près de 17% à 9 milliards d'euros. C'est le constat livré par le Truffle 100 publié ce matin par Truffle Capital avec le CXP. Pourtant, la situation du secteur reste contrastée, a récemment pointé lors d'un entretien Bernard-Louis Roques, le co-fondateur de Truffle Capital. « Certes, il y a d'un côté un chiffre d'affaires global qui augmente -une constante chaque année sauf celle du rachat de Business Objects par SAP- et le nombre d'emplois créés augmente aussi [+17% pour atteindre un total de 75 910 emplois]. » Si l'on s'en tient à ces deux chiffres, c'est appréciable, reconnaît-il. Mais le bénéfice généré baisse. Il s'établit à 8% du chiffre d'affaires total de ce Top 100 contre 10% en 2011. « Et il ne s'agit pas uniquement de la profitabilité, le bénéfice agrégé est également en baisse et ce n'est pas seulement le fait de petits éditeurs ». En effet, le résultat net du Top 100 s'élève à 693 millions d'euros, contre 761,7 M€ en 2011.
Malgré cela, Bernard-Louis Roques insiste sur ce qui caractérise l'industrie du logiciel. En dépit la baisse de leur bénéfice, les éditeurs continuent à investir en recherche et développement. Ces dépenses ont augmenté considérablement en 2012, passant à 1,1 milliard d'euros, soit une hausse de 37%. « Ce n'est pas surprenant car il y a une transition vers le cloud et les nouvelles technologies, il s'agit d'une phase critique et il va falloir investir sur les 4 à 5 ans de ce fait », souligne le directeur général de Truffle Capital. « Pour survivre, il faut investir en R&D ».
Il n'y a pas assez de capital risque
Dans les mois à venir, la pression sur les prix sera sans doute accentuée. Par ailleurs, s'il n'y avait pas eu en 2011 de rachats dans le Top 100 de la part de sociétés étrangères, en 2012, deux éditeurs français ont été acquis par des Américains : Esterel (systèmes critiques) par Ansys, et Eve (outils d'émulation dans l'électronique) par Synopsys. Interrogé à l'époque sur ce rachat, le dirigeant d'Esterel avait souligné la difficulté de trouver alors en France, à ce niveau-là , les capitaux nécessaires au développement d'une société, surtout quand celle-ci veut aller à l'international. Pour les Américains, au contraire, le prix des éditeurs français est intéressant.
A cet égard, Bernard-Louis Roques rappelle deux revendications qui lui paraissent essentielles pour la croissance de l'industrie logicielle française. « Il n'y a pas assez de capital risque et il n'y a pas de Small Business Act [qui réserve une part des appels d'offres aux PME innovantes] ». Il souhaite aussi que le crédit impôt recherche (CIR) tienne compte des dépenses de développement de logiciels innovants. Du côté du SBA, il y a eu quelques avancées et récemment, des PME innovantes ont rencontré des donneurs d'ordre de la commande publique. Mais, Bernard-Louis Roques insiste sur le fait qu'il faut une politique industrielle volontariste qui ne se borne pas à du déclaratif.
L'année prochaine, les éditeurs français risquent de souffrir. Mais signe positif, note le DG de Truffle Capital, « ils sont d'un optimisme téméraire ». Qu'on en juge : 300 millions d'euros investis en plus collectivement dans les R&D alors qu'ils ont gagné au total près de 70 M€ de moins. « Ils ont le parti pris de se projeter dans l'avenir. C'est un pari », confirme Bernard-Louis Roques.
Appel à projets « coeur de filière »
Dans son éditorial accompagnant la sortie du Truffle 100, Fleur Pellerin, ministre déléguée à l'économie numérique souligne la nécessité de renforcer « le coeur de filière du numérique », c'est-à -dire la maîtrise des technologies qui « irriguent de nombreuses branches industrielles » et « deviennent des sources de différenciation majeures pour les entreprises ». Elle cite en particulier les logiciels embarqués, les objets connectés, le calcul intensif, le cloud, les big data et la sécurité des systèmes d'information.Â
Ce matin, à Paris, dans les locaux d'Oodrive (société spécialisée dans la sauvegarde et le partage de fichiers), elle a opportunément lancé les appels à projets « coeur de filière », en compagnie de Louis Gallois, commissaire général à l'investissement. En janvier dernier, les éditeurs de logiciels avaient souligné l'importance de créer des filières, notamment dans le big data.