Très haut débit : les deux erreurs du gouvernement Fillon
Le gouvernement accumule les erreurs en matière de très haut débit. Il subventionne trop peu et au mauvais endroit les initiatives des opérateurs télécoms. Quant aux collectivités, leurs finances sont insuffisantes. Et il ne faut pas attendre de solution du très haut débit mobile ni des satellites.
( Source EuroTMT )Rendez-vous raté. Le lundi 18 janvier, le premier ministre François Fillon avait donné rendez-vous à Vélizy pour dévoiler le contenu du plan gouvernemental en matière de déploiement du très haut débit (THD) dans les zones moyennement et peu denses. Mis à part une annonce, déjà largement dévoilée le matin même dans Les Echos, d'un tarif social pour le haut débit, François Fillon n'a, en fait, rien annoncé de plus que ce que Nicolas Sarkozy avait déjà expliqué lors de la présentation du « grand emprunt national ».
Comme on le savait, le fonds national pour la société numérique sera chargé de répartir les 2 milliards d'euros reçus au titre de l'aide à l'investissement dans les infrastructures pour le très haut débit. Selon Nathalie Kosciusko-Morizet, la secrétaire d'Etat à l'économie numérique, cette somme devrait amener les opérateurs à investir quelque 6 à 7 milliards d'euros dans les cinq ans dans les zones moyennement denses. Ce montant peut paraître élevé, mais il est très faible par rapport aux besoins réels. Comme le rappelle régulièrement l'Avicca, l'Association des villes et des collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel, il faudrait en effet investir 30 milliards d'euros, dont dix milliards de subventions publiques pour généraliser le très haut débit fixe sur l'ensemble du territoire français.
La « grande ambition » affichée par le gouvernement, qui ne cesse d'affirmer que la France doit rattraper son retard dans le très haut débit, est donc toute relative. De plus, si les réseaux à très haut débit sont appelés à devenir une infrastructure essentielle, ce que semblent considérer tous les experts, on ne peut pas dire que la stratégie mise en oeuvre par l'Etat soit la meilleure. C'est même à une accumulation d'erreurs que l'on assiste.
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Première erreur : faire porter l'essentiel de l'effort sur les opérateurs et les collectivités territoriales. Les opérateurs, qui sont tous des sociétés privées cotées en bourse, ont, pour unique critère, de réaliser des investissements rentables. Ils vont donc se contenter, ce que personne ne peut leur reprocher, d'investir par eux-mêmes ou à plusieurs, dans les seules zones considérées comme rentables. Sans se priver d'encaisser au passage des subventions dont ils n'ont pas besoin puisqu'ils auraient de toute façon investi.
Quant aux collectivités, elles sont prises entre deux feux. D'un côté, leurs administrés et les entreprises leur demandent d'accéder à cette infrastructure pour bénéficier des avantages de la société numérique, de l'autre côté, leurs finances sous contraintes les forcent à réduire leur dépenses. Sans oublier que ce sont les collectivités locales les moins riches, situées dans les zones « non rentables », qui auront à supporter en conséquence le plus gros effort financier. C'est la double peine pour ces dernières.
Deuxième erreur : croire que les nouveaux réseaux mobiles à « très » haut débit (LTE ou Long Term Evolution) devraient permettre de couvrir les zones qui ne pourront pas être couvertes par la fibre optique et le FTTH. Or le seul critère de couverture mobile porte sur la population. Conséquence, généralement les zones blanches en haut et très haut débit fixes sont (et seront) les mêmes que les zones blanches mobiles ! On n'en sort pas.
Certes, le gouvernement promet le lancement d'un satellite à très haut débit pour couvrir ces zones. Mais à quel prix pour l'abonné ? Aujourd'hui, les offres satellitaires complémentaires des accès en xDSL sont commercialisées à plus de 35 €, alors que l'abonné xDSL triple-play (dégroupé) ne paie que 29,90 €. Le risque est donc grand de voir la double fracture, territoriale et sociale, continuer à s'élargir durant la décennie qui vient.