Aujourd’hui la télémédecine, ou consultation médicale à distance avec pour support la vidéo, constitue l'un des modes de suivi de la santé sur internet les plus prometteurs et à ce jour les plus évolués d’un point de vue technologique. Elle peut aider les patients résidant en milieu rural à effectuer une consultation médicale à distance et ainsi écourter les temps d’attente dans des hôpitaux de plus en plus surchargés. Elle pourrait également soulager des structures de santé publiques en difficultés chroniques en matière de ressources pour répondre aux besoins d’une population vieillissante. À titre indicatif, un récent rapport du Ministère de la Santé faisait état de plus de 20 millions de consultations hospitalières d’urgence (soit un tiers de la population concerné) en un an seulement. Un chiffre en augmentation depuis 20 ans alors même que régresse la capacité des hôpitaux à prendre en charge la vague des nouveaux patients. La télémédecine ne se résume pourtant pas à faciliter l’accès aux soins, à réduire les coûts et à booster l’efficacité. Elle consiste aussi à accompagner des patients de plus en plus connectés pour leur offrir une plus grande maîtrise des modalités et du calendrier de leur accès aux services de santé.
Sensible aux nombreux atouts de la télémédecine, le gouvernement français commence à s’intéresser à l’élargissement de son usage dans les services de santé publics. La télémédecine ne remplacerait pas mais viendrait plutôt compléter les consultations classiques chez les professionnels de santé. C’est dans ce cadre que les syndicats de médecins et les services de santé nationaux s’emploient aujourd’hui à définir des honoraires fixes pour les téléconsultations mobiles.
Une télémédecine fondée sur des bases solides
Pour prétendre répondre aux besoins des services de santé comme des patients, la télémédecine doit être fondée sur des bases solides. À l’ère du RGPD et de la menace croissante de la cybercriminalité, il va sans dire que la sécurité et la fiabilité du système sont de toute première importance. Les professionnels de santé doivent être à même de communiquer des données médicales confidentielles sans crainte de les voir tomber entre de mauvaises mains.
Contrairement à bien d’autres pays, toutes les données médicales appartiennent en France au patient, et leur usage est strictement encadré afin d’en préserver la confidentialité. Ainsi, le médecin d'un hôpital A ne sera pas habilité à accéder ni à transférer les données médicales d’un patient suivi dans un hôpital B. Les données sont toujours rendues anonymes pour préserver la vie privée des patients. La télémédecine prend son essor et les attaques informatiques sont de plus en plus courantes, c’est pourquoi beaucoup partagent cette interrogation légitime de savoir comment les prestataires de santé pourront garantir l’intégrité et la sécurité des données de leurs patients.
Identifier les faiblesses avant les hackers
Pourtant, cette quasi-obsession pour la sécurité des données et le respect de la vie privée ont précisément fait des organismes de santé la cible privilégiée des cybercriminels. Si nous n’avons pas été victimes en France d’attaques massives contre nos services de santé, d’autres pays l’ont été. À titre d’exemple, SingHealth, plus gros prestataire de santé de Singapour, a subi il y a quelques mois une cyberattaque à grande échelle. Une attaque qui a permis aux cybercriminels de voler les données personnelles de quelque 1,5 million de patients de SingHealth (dont celles du Premier Ministre). Si aucune de ces données n’était d’ordre médical, 160 000 dossiers concernés contenaient des informations sensibles sur les traitements suivis par les patients de SingHealth.
Connaissant les multiples possibilités d’atteinte à l’intégrité d'un système de télémédecine, il est essentiel que les fournisseurs de soins de santé français tirent les enseignements de tels incidents et qu'ils identifient de manière urgente les faiblesses de leur sécurité informatique susceptibles d’être exploitées par les hackers. Dans la plupart des cas, ces faiblesses sont simples à rectifier, notamment par l’application de correctifs logiciels sur les pare-feu ou les antivirus. Hormis le matériel et le logiciel, la dimension la plus importante de la sécurité à l’ère de la télémédecine demeure sans aucun doute l’engagement de tous les professionnels de santé pour assurer la sécurité des données de leurs patients et leur sensibilisation aux conséquences potentiellement désastreuses (tant financières qu’en termes de réputation) en cas de perte de données. En matière de cyberattaques, la règle est la même pour tousles secteurs, y compris celui de la santé : mieux vaut prévenir que guérir.
Une connectivité transparente
En termes simples, la télémédecine a pour ambition de simuler sur appareil mobile ou ordinateur muni d'une caméra la visite du patient chez le médecin ou l’infirmière. De manière concrète, la législation relative à la télémédecine exige que les téléconsultations s’effectuent en mode vidéo afin de s'assurer qu’aucun aspect de l’état physique ou mental du patient ne puisse passer inaperçu.
Il va de soi que cela n’est possible que si le professionnel de santé et le patient sont en mesure de communiquer efficacement, sans mise en mémoire tampon ni décalage susceptible d'impacter la consultation de part et d’autre. En outre, les téléconsultations pourraient être améliorées par le partage et l’examen instantanés des scintigraphies et autres résultats d'imagerie, des assistants médicaux conversationnels fondés sur l’intelligence artificielle et des outils analytiques issus de l’internet des objets. Ces services innovants supposeront toutefois une connectivité à la fois fiable, ultra-rapide et transparente, trop souvent tenue pour acquise.
Comme indiqué plus haut, le monde rural pourrait être le premier bénéficiaire de la télémédecine, mais il est également celui le plus exposé aux irrégularités de connexion mobile et à large bande passante. Sans investissements accrus dans une connectivité 5G ultrarapide généralisée et la fibre optique, nous ne serons pas en mesure en France de recueillir pleinement les fruits de la télémédecine.
Télémédecine : sommes-nous vraiment prêts ?
L’adoption massive de la télémédecine dans un pays de 65 millions d’habitants constituera vraisemblablement la plus grande transformation de notre système de santé depuis la mise en place de la sécurité sociale en 1928. Cela supposera des investissements en nouveaux matériels et logiciels et la standardisation des systèmes numériques – applications mobiles, vidéo et outils de partage de fichiers et de collaboration en cloud – pour offrir aux professionnels de santé comme aux patients une expérience satisfaisante. Ces outils devront être simples et intuitifs, accessibles à chacun, quel que soit son équipement ou sa situation géographique, et bien entendu, sécurisés.
Il serait prudent et réaliste de se demander si notre système de santé sera en mesure de répondre aux impératifs technologiques de la télémédecine. La sécurité des données des patients et une connectivité fiable ne sont que les premiers de ces impératifs, mais aussi ceux qui exigeront le plus d’efforts. Face à la multiplicité des enjeux, les organismes de santé auront souvent tout intérêt à travailler avec un fournisseur de réseaux administrés et de services de sécurité possédant l’expertise nécessaire pour poser ces bases. Car si ces bases critiques ne sont pas correctement posées, les services mis en place auront tôt fait de s’effriter.