Publiée par Syntec Numérique et EY, la 6e édition du Top 250 des éditeurs de logiciels français, qui étend en fait son classement à 384 éditeurs, fait apparaître une croissance du chiffre d'affaires pour ce secteur de 15% entre 2014 et 2015, à 12,4 milliards d’euros. Un quart de ces revenus ont été générés avec des solutions SaaS contre 22% en 2014. Le secteur du logiciel constitue l’un des gisements de croissance connu en France et 86% des entreprises interrogées ont indiqué qu’elles avaient recruté, ou prévoyaient de le faire d’ici la fin de l’année. Plus encore, aucune d’entre elles ne prévoyaient de réduire ses effectifs, note dans un éditorial Marc Genevois, DG de SAP France et président du Collège Editeurs de Syntec Numérique. En 2 ans, le secteur a créé 17 800 emplois, la majorité (11 300) ayant été créé par les « pure players » de l’édition de logiciels qui génèrent plus de 75% de leur chiffre d’affaires sur cette activité. L'effectif total du secteur (calculé ici sur 368 entreprises) a été ainsi porté à 145 511 en 2015 (+14%) dont 74 768 se trouvent chez les pure players (+18%). Ces derniers concentrent 70% de leurs équipes en France, contre 58% pour l'ensemble du secteur.
Les 30 premiers éditeurs du Top 250. Le classement compte cette année 384 sociétés.
Ce sont les éditeurs sectoriels (191 sociétés pesant 62% du chiffre d’affaires total) qui enregistrent la plus forte croissance cumulée sur 2 ans avec 40%. Celle-ci est tirée par le bond réalisé par deux d’entre eux : Criteo (+60% sur un CA de 1,2 Md€) et Dassault Systèmes (+20% à 2,5 Md€). Dans le même temps, les éditeurs horizontaux (163 sociétés pesant 2,6 Md€) ont progressé de 28% avec un Top 5 (Axway, Cegid, Neopost, Sopra Steria et Esi Group) totalisant à eux seuls plus d’1 Md€ de chiffre d’affaires. Du côté des acteurs du jeu et des logiciels pour particuliers (35 sociétés pesant 2 Md€), la croissance cumulée s’établit à 29% sur les deux dernières années, notamment illustrée par celle de Focus Home Interactive (+167% en 2 ans).
Pour les éditeurs français, « la guerre se gagne aux Etats-Unis »
En amont de cette 6e édition du Top 250, Franck Sebag, associé EY, a apporté son éclairage sur l’évolution des éditeurs français, lors d’un point presse. Il constate que le secteur du logiciel n’est pas encore parvenu à attirer tous les investisseurs. Or, c’est le nerf de la guerre pour réussir à l’international. Et la globalisation, c’est justement le moteur qui permettra à un éditeur de réussir. « La guerre se gagne aux Etats-Unis », pointe Franck Sebag. Et pour y aller, il faut une masse critique. Mais la plupart des petits éditeurs n’ont pas assez de « cash » pour le faire et trouver des fonds pour assurer leur croissance constitue pour eux un problème récurrent. Aux Etats-Unis et en Chine, les montants investis dans les start-ups ont fortement progressé en cinq ans passant de 36 Md$ à 72 Md$ outre-Atlantique et de 5 à 49 Md$ en Chine. Dans le même temps, en Europe, ils sont passés de 9 à 14 Md$.
Les éditeurs ont besoin d’argent pour accélérer et financer par exemple une croissance externe qui est l’une des manières de résoudre l’effet de taille, a rappelé Franck Sebag. Un autre point est souligné par Muriel Barnéoud, administratrice de Syntec Numérique : il y a un problème de marge qui perdure et reste tabou. Contrairement aux clients américains, en France, les entreprises ont beaucoup de mal à accepter de devoir payer pour un service. « C’est l’un des éléments différenciants avec l’export », note-t-elle. « C’est un vrai sujet qui se trouve devant nous : comment établir la valeur du service dans un pays où on aime surtout l’industrie ».
S'implanter outre-Atlantique coûte cher
Deux éditeurs français ayant réussi à l’international apportent leur témoignage et confirment cette difficulté. Neotys développe des outils de monitoring de la performance applicative pour les éditeurs de logiciels (la société teste 300 applicatifs chez Dell), mais aussi pour les télécoms et pour l’industrie ou d’autres secteurs (parmi ses derniers clients figure Home Depot). Elle réalise 81% de son chiffre d’affaires à l’international, 50% étant générés aux Etats-Unis. « Les entreprises américaines reconnaissent la valeur du logiciel. La culture du logiciel est évidente pour elles », a notamment exposé Sylvain Fambon, directeur marketing de Neotys. « Les Etats-Unis savent exploiter très clairement les business cases », a de son côté témoigné Hugues de Bantel, CEO de The Cosmo Company. « On apprend énormément aux contacts des Américains dans ces domaines ». Sa société aide les dirigeants d’entreprises à prendre des décisions sur des sujets complexes en s’appuyant sur une méthodologie et sur sa plateforme de modélisation qui met en évidence les causalités (quand le big data se focalise sur les corrélations). « S’implanter aux Etats-Unis coûte très cher », confirme Hugues de Bantel. D’autant qu’il faut, dans des délais très limités, assurer sur tous les tableaux, offrir un bon support et disposer des bons partenaires, ajoute Sylvain Fambon. Mais lorsque l’on arrive à percer, le marché est plus facile. « Pour Neotys, la croissance aux Etats-Unis est trois fois plus rapide qu’en France, même si elle est également forte en France ».
« L'impatriation » ou comment faire revenir les expatriés en France
Enfin, pour les éditeurs de logiciels français, en dehors des priorités technologiques que constituent le SaaS, la mobilité et le big data, l’un des principaux enjeux réside dans la recherche des talents, insiste Franck Sebag. L’existence de très bonnes écoles d’ingénieurs en France ne suffit pas. Le nombre des diplômés qui sortent de ces établissements ne permettra pas de satisfaire les besoins en recrutement. Dans quelques années, il va également manquer des cadres dans le middle management pour pouvoir coordonner des équipes partout dans le monde, prévient l’associé du cabinet EY. Il faut aussi trouver des profils ayant travaillé aux Etats-Unis, pointe-t-il en évoquant Frédéric Mazzella, co-fondateur de BlaBlaCar, qui travaille sur l’impatriation, consistant à faire revenir un expatrié dans son pays d’origine. « Nous avons besoin en France de gens qui ont vécu l’expérience américaine », insiste-t-il. Malgré les efforts déployés par Syntec Numérique au fil des années, il n’y a toujours pas assez d’étudiants qui se dirigent vers les filières explorées par les éditeurs de logiciels. « DevOps, UX et Data Science », sont les trois mots-clés à retenir pour ajuster les formations aux besoins du secteur, énumère Muriel Barnéoud.
En conclusion, Franck Sebag résume les trois principaux facteurs de réussite pour les éditeurs de logiciels. Le premier, « born global », illustre la nécessité d’aller dès le départ à l’international, surtout lorsque l’on fait du SaaS. Le deuxième est la capacité à attirer l’investissement en capital-risque pour financer la croissance, avec deux modèles qui s’oppose : croissance rentable ou non rentable (à l’instar d’un Salesforce.com). « Mais financer ses pertes, c’est aussi un moyen d’accélérer et de prendre des parts de marché ». Enfin, le troisième facteur reste l’innovation. « Pour exister de manière globale, encore faut-il proposer quelque chose de différent », glisse Franck Sebag en constatant que les éditeurs français demeurent encore techno-centric et pas assez « marketing-centric ».
(mise à jour du 14/09/2016) Lors de sa soirée de présentation du mardi 13 septembre, Syntec Numérique a décerné ses Trophées 2016. Les sociétés Neotys et The Cosmo Company ont respectivement reçu ceux de l'International et de l'Innovation. Le Trophée 2016 Jeu vidéo a été attribué à Asobo Studio (à l'origine des jeux Ratatouille, Wall-E, Garfield ou Toy Story) et celui du public à la société TVTY, spécialisée dans le webmarketing et la publicité en ligne.