Le Monde Informatique : L'activité cloud a été l'un des principaux piliers de l'activité d'OBS depuis le début, est-ce toujours autant le cas aujourd'hui ?
Thierry Bonhomme : Il faut mettre en perspective l'ensemble de ce que l'on a fait dans le domaine du cloud qui participe à l'expression de la vision de bout en bout qu'Orange a sur le marché Entreprises et ses clients. Nous pensons que l'on est en train d'abandonner l'ère de la création de données. Bien sûr il faut du cloud, mais ce qui va compter c'est la valeur que l'on pourra extraire des données.
Que retenez-vous de l'aventure Cloudwatt et de l'époque révolue des fameux clouds souverains ?
Notre discours a sensiblement évolué sur le cloud. Cloudwatt. C'était un cloud public souverain français lancé il y a 7 ans, la première expression de la transformation digitale centrée sur le stockage des données. Aujourd'hui ce qui compte c'est comment on peut valoriser les données et beaucoup plus encore, le multicloud pour faire interagir les clouds souverains publics mondiaux, les services de back-up, et les services pro qui vont dessus. Cloudwatt a été un élément central de la stratégie d'OBS qui s'exposait plus en termes d'infrastructures. Mais aujourd'hui je pense que nous nous positionnons au-dessus de l'infrastructure. On joue avec les grands comme Amazon, Azure et Google. Le défi c'est d'être capable de proposer aux entreprises le meilleur moyen d'extraire la valeur de leurs données plutôt qu'un jeu de solutions dans le stockage, le big data ou l'analytique.
En même temps, certaines briques technologiques comme le PaaS français Platform.sh ne doivent pas être minorées non ?
Platform SH, lancée aussi avec Deutsche Telekom et Telefonica, est une très belle illustration de ce que l'on peut proposer à nos clients en matière de flexibilité de déploiement, autour de notre offre Flexible Engine. Notre positionnement n'est pas d'être le développeur de la solution mais plutôt de se positionner en tant qu'intégrateur de services multiples pour être capable de fournir un service de bout en bout, multitenant et multifournisseurs. Notre attitude fondamentale c'est que nous ne voulons pas être vu par nos clients comme un pousseur de solutions mais comme celui qui permet d'extraire de la valeur.
Mais il faut deux pieds pour danser, l'un technologique et l'autre services ?
Si nous n'avions pas des solutions répondant partiellement ou totalement aux besoins de nos clients nous n'en serions pas là où on en est aujourd'hui. De ce point de vue là on superforme le secteur, on est bien meilleurs que nos concurrents européens comme T-Systems. Notre vision c'est d'être en adéquation avec les besoins, d'apporter des expertises sur le voyage de la donnée, d'être l'intégrateur des technologies clients les plus souvent possible données par Orange.
On est à 1 mois maintenant de l'échéance GDPR : êtes-vous prêts tout comme vos clients ? Ne pensez-vous que le Cloud Act américain est un coup d'épée dans l'eau pour les grands fournisseurs cloud US qui installent des datacenters en France ?
Les DSI ont conscience que les décisions juridiques réglementaires de chacun des grands pays dans lesquels chaque client a des opérations sont des éléments à prendre en compte. Bien plus que ce que nos clients avaient l'habitude de faire par le passé. L'entreprise Orange pour elle-même travaille sur GDPR depuis plus de 2 ans depuis les business owners des data clients que l'on accompagne et conseille. Pour les entreprises qui n'ont pas entrepris de travail autour de GDPR, le risque c'est de se retrouver en mauvaise posture face à la CNIL en cas de fuite de donnée avec tout ce que cela comporte en termes de perte de confiance. Le Cloud Act est un coup d'épée dans l'eau par rapport à certains speechs d'opérateurs américains qui pensaient générer de l'activité en s'installant en France. Amazon et Microsoft, ce sont de gros animaux mais nous aussi on est une très grande entreprise, française, avec 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 11 000 personnes et 3 000 clients hors de France. Mais Microsoft est un grand partenaire et avec Carlos Purisanta [directeur général France de Microsoft depuis la rentrée de septembre 2017) on est sur le point de dévoiler un accord de partenariat sur le voyage de la donnée qui va compléter les premières annonces IoT Azure et Office 365. Nous avons des différences mais nous préférons mettre en avant ce qui nous rapproche.
Quid de vos accords avec Pivotal, VMware et OpenStack ?
On pourrait aussi rajouter Splunk sur la sécurité et l'analyse des données hétérogènes. On développe une multitude de partenariats technologiques, c'est une des forces d'Orange et de sa R&D. Nous avons été l'un des premiers à travailler avec Splunk, mais dans le nettoyage des flux on travaille aussi avec zScaler qui illustre bien la capacité d'innovation du groupe.
Concernant VMware, que pensez-vous de l'accord signé avec OVH dans le cloud hybride ? Ce n'est pas une si bonne nouvelle pour vous...
C'est une bonne remarque. Aujourd'hui on a une relation directe avec VMware sur les clouds privés des entreprises. VMware reste le plus grand fournisseur d'infrastructure de datacenters privés et leur grand enjeu c'est la bascule vers le cloud public, la sécurité et le développement de plateformes au-dessus de leurs infrastructures. La relation avec Dell est un grand enjeu aussi. La question qui peut être adressée c'est est-ce que l'on opère seul ou avec un partenaire avec VMware ? Je vais réfléchir à la question... OpenStack est un sujet fondamental pour nous mais ce que l'open source a laissé pensé c'est que cela ne nécessitait pas d'effort et des investissements pour intégrer les solutions. Pas du tout. La grosse différence avec des éditeurs spécialisés c'est que l'on reste indépendant. Les clients ont le choix de ne pas se laisser enfermer.
Quelles sont les prochaines révolutions technologiques avec lesquelles il faudra compter - pour OBS également - dans les années à venir ?
La petite révolution qui arrive est avec l'edge computing mais aussi le SD-Wan, la 5G, la transformation de l'IP qui vont redistribuer les cartes à cause des capacités nouvelles de redistribuer des zones de stockage et de calcul dans l'arbre du réseau. On continuera à avoir des datacenters centraux mais aussi du edge, du micro et du pico computing qui vont se situer au niveau des réseaux publics de l'opérateur ou des noeuds privés des clients. Notre atout pour nous c'est celui d'opérateur car nous sommes en première loge pour localiser les ressources de stockage distribué. Le réseau redevient ce qu'il était au début, une intelligence répartie.
Et l'explosion de l'IoT ?
On ne peut pas encore parler d'explosion mais ça viendra. L'IoT est un des grands éléments de transformation de la vie digitale de l'entreprise et celle probablement qui va générer le plus de valeur par exemple pour revaloriser les espaces et les lieux de travail, sans oublier les smart cities avec de très gros projets comme au Quatar avec le déploiement de 650 000 capteurs.
N'avez-vous jamais pensé à mettre la main sur la pépite IoT française Sigfox ? Cela aurait pu permettre d'étendre votre éventail de technologies réseaux...
On est utilisateur des solutions Sigfox sur des projets de smart cities dans le cadre de notre rôle d'intégrateur de servies multiples. S'agissant de notre rôle d'opérateur de réseau, nous avons nous-mêmes investi sur des technologies de connexions des objets soit sur des fonctions cartes SIM, soit sur LoRA, reconnue dans le monde entier. L'opérateur Orange fait ses choix en raisonnant dans l'évaluation des technologies disponibles. En tant qu'OBS, il faut que je sois capable d'utiliser toutes les technologies disponibles, c'est cela notre stratégie.
Quels sont les autres piliers de votre stratégie pour les années à venir ?
Orange a un rôle spécifique à jouer autour de la confiance, donc je mettrai en avant tout d'abord notre activité Cyberdéfense. Et puis la deuxième chose c'est l'innovation en se donnant les moyens de la soutenir au travers du fonds Orange Digital Ventures. On attend beaucoup OBS sur cette capacité là car on pense que cette évolution est un élément important dans la conviction d'aller chercher les meilleures technologies.