En toute discrétion Thales a décidé cet été de cesser ses embauches d’ingénieurs en France et au Royaume-Uni. Selon nos confrères de l’Informé, cette information a fait l’objet d’une note envoyée le 10 juillet dernier par le directeur des opérations du groupe Philippe Knoche aux membres du comité exécutif de l’industriel français. De son côté, la CFDT de Thales a également eu connaissance de ce document relayé par le média d’investigation qui évoque « un gel des recrutements d’ingénieurs pour accélérer la montée en puissance des centres de compétences d’ingénierie (ECC) de Bangalore, de Budapest et de l’ECC-France ». Selon l’organisation syndicale, cette décision risque d’impacter lourdement Thales Services Numériques, filiale du groupe spécialisée dans les activités de conception, de développement et de maintenance des systèmes informatiques.
« Ces mesures vont s’accompagner d’un accroissement de la charge et de la pression sur les salariés de l’activité des services numériques en France », nous confie une porte-parole de la CFDT. « C’est sans compter les impacts sur la sécurité, et sur la qualité de réalisation des projets futurs et existants. De plus, les entreprises espèrent réduire leurs coûts de main d’œuvre en externalisant vers des pays où les salaires et les coûts sociaux sont moindres. Or, les coûts cachés en termes d'infrastructure et de formation peuvent largement compenser la différence salariale, ce qui fait que les gains, s'ils existent, ne se feront qu'à long terme », estime la syndicaliste.
Des résultats financiers qualifiés de remarquables
La CFDT s’oppose à une politique qui « va à l’encontre des enjeux du groupe dans cette période de carnet de commande historiquement élevé Selon le syndicat, cette décision intervient alors que les rapports d’experts économiques des différents CSE/CSEC des filiales françaises montrent que de nombreux projets présentent des écarts dus au manque de moyens, de ressources et de compétences. « Ce gel des recrutements nous apparaît d’autant plus incohérent pour Thales qui bénéficie pourtant d’une forte commande publique », nous a également indiqué la CFDT. D’autant plus qu’en 2023, les résultats financiers du groupe ont été qualifiés de remarquables par ce dernier, soit 18,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour un résultat net de plus d’un milliard d’euros. La CDFT s’interroge aussi sur la stratégie engagée par l’industriel, sachant que l’Etat détient 26,1% de son capital.
Pour l'organisation syndicale, la Commission centrale d’anticipation (CCA) doit être saisie, afin d’avoir une présentation claire des objectifs qui ont conduit à la rédaction et à la diffusion de cette note. Elle attend également que l’ensemble des Comités sociaux économiques (CSE) et CCA soient informés et consultés sur cette décision et que des réunions se tiennent dans chaque entreprise afin de mesurer et comprendre les impacts de ces mesures. De ce fait, un CSE a été prévu à la fin du mois prochain.
1 000 collaborateurs d'Alenia Space en redéploiement
La direction de Thales justifie cette annonce en indiquant : « En France, Thales va recruter plus de 2000 ingénieurs en 2024 et favorise la mobilité interne, ceci afin de faire face aux besoins croissants dans des domaines clés de son secteur, tels que par exemple l’IA, la cybersécurité et le quantique. ». Elle rappelle la situation dans sa division Alenia Space en précisant : « Cependant, dans le contexte de sous-charge des activités spatiales et en lien avec les conditions actuelles du marché des télécommunications, le groupe accompagne aussi le redéploiement de 1000 collaborateurs de Thales Alenia Space pour mieux préparer l’avenir de cette activité, avec déjà plus de 150 ingénieurs qui ont été repositionnés dans l’Hexagone depuis le début de l’année 2024.
Pour ce faire, l'entreprise a mis en place une capacité d’industrie et d’ingénierie partagée (Engineering Competence Center France) ». En conclusion l’industriel souligne: « Dans un contexte de forte croissance de ses activités au niveau mondial et de concurrence pour le recrutement des talents, Thales poursuit le recrutement d’ingénieurs au sein de ses centres de compétences en ingénierie, basés en Roumanie et en Inde. Ces pays sont des viviers de talents qui viennent enrichir les compétences du groupe en particulier en développement logiciel ».