Evénement annuel incontournable du calcul intensif (HPC) en Fance, le forum Teratec a changé de lieu pour sa 18e édition (31 mai-1er juin), en optant pour le Parc Floral de Paris dans le Bois de Vincennes. Ce cadre luxuriant n'est pas le seul changement par rapport au campus de l'Ecole Polytechnique à Palaiseau (Essonne) : on a également pu remarquer une fréquentation à la baisse par rapport aux précédentes éditions, le ticket d'entrée de près de 700 €HT - alors que la gratuité était de mise auparavant - ayant eu raison de nombreux visiteurs, en particulier les étudiants qui étaient nombreux à arpenter les allées du forum. « On change de format, on veut développeur l'audience et enrichir le contenu », a lancé en ouverture ce mercredi 31 mai Hervé Mouren, directeur de Teratec. « Le forum est un lieu de rencontres entre fournisseurs, industriels, chercheurs, PME et start-ups ».
Les enjeux réglementaires et de souveraineté liés au traitements des données ont été abordés dans une table ronde à laquelle ont notamment participé (de gauche à droite) : François Sabatino (président d'Eclairion), Judicael Phan (DPO de Content Square), Erwan Montaux (directeur général d'Intel en France), et Yves Pellemans (directeur technique d'Axians). crédit : D.F.
Après avoir acté que le monde est entré « dans une phase d'accélération du numérique dont la vitesse de déplacement est supérieure à celle qu'elle était hier » et que « tous les industriels concernés en ont bonne conscience », le directeur général de Teratec a souligné des évolutions notables du HPC dans des domaines variés, à commencer par l'intelligence artificielle « depuis des années » et l'intelligence générative « depuis quelques mois », mais aussi les jumeaux numériques, le calcul quantique, la cybersécurité... Non sans pointer du doigt deux malaise en termes de manque de formation d'ingénieurs spécialisés pour soutenir ces efforts tout d'abord : « en formation initial c'est bien mais on a pris du retard sur la formation continue qui est un sujet pas suffisamment traité ». Et aussi sur les enjeux associés en termes de souveraineté qui « nécessite la relance d'une politique industrielle », tout en soulignant l'implication sur ce sujet - aussi nécessaire qu'attendue - du commissaire européen au marché Intérieur, Thierry Breton.
« Pour la 16e et dernière génération de serveurs on a augmenté de 70 % le nombre de capteurs thermiques pour monitorer la teméprature à différents points au-dessus des CPU, des ventilateurs, de la RAM, du GPU », nous a expliqué Maliky Camara, responsable produits HPC chez Dell Technologies. (crédit : D.F.)
L'émergence du délégué à la gouvernance des données
Dans un contexte de mille-feuilles réglementaire toujours plus dense (data governance act, data act...) dépassant le cadre stricto-sensu du RGPD, le délégué à la protection des données personnelles ne sera pas le seul homme de la situation dans le domaine de l'IA. « Il faut se familiariser avec un autre acteur sur lequel les entreprises devront s'appuyer pour familiariser l'ensemble des salariés à une culture numérique, le délégué à la gouvernance des données », a indiqué Jean Luc Sauron, haut-fonctionnaire et professeur à l'Université Paris Dauphine, lors d'une table ronde organisée en session plénière du forum Teratec. « Il est difficile d'avoir une bonne gouvernance et exploitation de la donnée. Il y a des opportunités pour cartographier les données et savoir si les bons consentements sont octroyés », a souligné quant à lui Judicael Phan, DPO de Content Square.
La foule habituelle remplissant les allées de l'espace exposition du Forum Teratec n'était pas là pour cette 18e édition. (crédit : D.F.)
Du HPC sur mesure selon la taille des entreprises
Le forum Teratec est aussi l'occasion idéale de prendre le pouls des acteurs et tendances du marché HPC. Du côté de Dell technologies, le texan indique s'adresser aux demandes HPC sur une large échelle de clients, des plus petits aux plus grands avec sa gamme de serveurs Power Edge. « On a une gamme dédiée GPU mais les machines sont composables. On n'impose pas aux clients des packages ou des sizing, on leur conseille des architectures de référence avec notre savoir faire et nos partenaires Nvidia et AMD », nous a expliqué Maliky Camara, responsable produits HPC chez Dell Technologies.
Outre l'infrastructure technique, Dell technologies mise sur sa solution de gestion transverse Open Manage pour apporter une prise en mains facilité de serveurs dédiés à des traitements d'IA générative au sein d'un cluster de serveurs traditionnels. « Pour la 16e et dernière génération de serveurs on a augmenté de 70 % le nombre de capteurs thermiques pour mesurer la température à différents points au-dessus des CPU, des ventilateurs, de la RAM, du GPU », explique Maliky Camara. « Power Manager mesure la consommation électrique, les émissions carbone et pointe les serveurs qui consomment beaucoup. Par exemple au sein d'un même cluster de calcul d'IA générative, il y en a 90 qui tournent au maximum et 10 en veille, on peut donc répartir la charge pour gagner en efficience ». D'un point de vue business, la part des usages liés à l'IA générative dans les besoins HPC constitue un bon moyen de doper significativement la croissance de l'activité « clairement à deux chiffres ».
Poussé par l'entité Eviden d'Atos, le système HPC de dernière génération XH3000 permet de disperser plus de 97 % de la chaleur avec une température d'entrée d'eau de 40 °C (crédit : D.F.)
La quête d'efficience énergétique comme Saint Graal
Du côté de HPE, les évolutions des projets HPC sont également significatifs : « Avec les projets que l'on a aux Etats-Unis avec Frontier qui est rentré dans les rails de l'exascale, on a appris qu'il ne s'agit pas juste de rajouter des CPU et des GPU les uns à côté des autres pour faire une machine qui soit efficace pour la science, le plus efficace possible énergétiquement et efficace pour les gens qui les administrent », nous a indiqué Marc Simon, conseiller technique HPC et IA chez HPE. « On a développé un outillage et de la télémétrie qui assure notre capacité à faire des systèmes de plus en plus complexes ». Le pilotage dynamique prend aussi en charge les contraintes liées aux sources de consommation d'énergie (électricité verte, besoins en refroidissement amenant à consommer plus ou moins d'eau...). « Tous nos appels d'offres intègrent une partie sur l'efficience énergétique, moins dans l'industrie car ils possèdent moins leurs systèmes que les centres de recherche notamment en Allemagne qui sont très exigeants là-dessus », poursuit Marc Simon.
Lancé fin 2022 au côté de la gamme Cray EX (très efficace pour couvrir les grands comptes et des grands centres de calcul) la version entrée de gamme EX500 est plus modulaire avec un rack de taille standard répondant à des besoins de quelques centaines de noeuds. Avec une première référence en Europe de l'Est dans l'automotive. « On leur a mis des machines qui peuvent évoluer au fil du temps, ils utilisent notre réseau d'interconnexion Thinkshot faible latence qui est le réseau de Frontier. Ce qui est nouveau c'est de l'avoir dans le monde industriel avec l'ensemble des ISV qui fonctionnent à l'installation », fait savoir Marc Simon. un client qui a aussi choisi l'offre HPC à la demande du fournisseur américain - pas en mode cloud cependant bien que cela fasse partie d'un scenario d'usage possible - fondue dans l'activité HPC et IA Greenlake, en croissance de 22 % sur le trimestre écoulé.
Dans la gamme de serveurs HPC à refroidissement liquide Neptune chez Lenovo, le ThinkSystem SD650-I V3 était sous le feu des projecteurs sur le stand du fournisseur au forum Teratec 2023. (crédit : D.F.)