Les entreprises à la profitabilité insolente, telles qu’Apple et Amazon, doivent aussi payer des impôts dans les pays où elles réalisent ces bénéfices. La Commission européenne vient de rendre des décisions dans deux cas les concernant, annoncées par Margrethe Vestager, commissaire à la Concurrence. D’une part, elle a décidé d’assigner l’Irlande devant la Cour de justice de l’UE pour non-récupération des 13 milliards d’euros d’avantages fiscaux perçus illégalement par Apple. D’autre part, elle estime que le Luxembourg a également accordé à Amazon des avantages fiscaux illégaux équivalents à 250 millions d’euros et qu’il doit à présent récupérer ces montants. Dans le même temps, la Commission a dévoilé des réformes sur la façon de collecter la taxe à la valeur ajoutée qui touchera les entreprises qui vendent en ligne à travers l’Union européenne.
Les deux décisions publiées aujourd’hui pourraient avoir des conséquences sur les multinationales qui opèrent en Europe et pratiquent l’optimisation fiscale en allouant leurs profits à des entités qui ne sont pas directement impliquées dans la fourniture des produits ou services auxquels les profits sont associés. L’an dernier, la Commission avait ordonné au gouvernement irlandais de recouvrer un arriéré de taxes faramineux de 13 milliards d’euros qu’Apple aurait dû payer. Elle traduit maintenant le pays au trèfle vert devant la justice pour avoir failli à récupérer ces sommes. L’amende d’Apple correspond à 5% de sa réserve en trésorerie ou à un quart de ses profits mondiaux. Elle est suffisamment élevée pour l’amener à reconsidérer sa politique de prix en Europe pour conserver sa marge. Tant l’Irlande que le Luxembourg sont accusés d’avoir ouvert la porte à l’optimisation fiscale pour Apple et Amazon. Par ses décisions, la Commission indique clairement qu’elle attend des entreprises qu’elles paient leurs impôts dans l’Union européenne pour les ventes qu’elles y réalisent.
150 Md€ de TVA/an, dont 50 Md€ perdus par la fraude
Pour aider à combler le vide juridique qui permet aux fournisseurs de payer leurs taxes dans le pays européen où elles sont le moins élevées, la Commission a donc proposé aujourd’hui un système unifié de collecte de TVA sur l’ensemble de l’Union européenne. Elle estime que cela aiderait les gouvernements à récupérer jusqu’à 150 milliards d'euros de TVA par an, dont 50 milliards d'euros sont perdus à cause de la fraude. « Ce système anachronique basé sur les frontières nationales doit s’arrêter », a déclaré Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques et financières, à la Fiscalité et à l’Union douanière. Il a ajouté que les Etats membres devraient considérer les taxes à valeur ajoutée transfrontières comme des opérations nationales sur notre marché intérieur d’ici 2022. Cette modification rendra les choses plus faciles pour les entreprises européennes qui commercent entre les pays en simplifiant les procédures administratives liées à la TVA, a conclu Pierre Moscovici.
Actuellement, les taux de TVA varient suivant les pays membres de l’UE et les fournisseurs doivent déclarer leurs ventes et les taxes dues aux autorités de chaque pays lorsque ces ventes excèdent un certain seuil, typiquement entre 35 000 et 100 000 euros. Si la réforme sur la TVA aboutit, la collecte en sera simplifiée, les entreprises pourront payer la taxe due dans leur propre pays tout en étant assuré qu’elle sera reversée au pays dans lequel l’achat a été effectué. La Commission estime que ces modifications pourraient réduire les coûts de collecte d’environ 10%. Elle prévoit de faire une proposition plus détaillée en 2018, avec l’objectif d’introduire ces changements en 2022. La dernière tentative pour modifier la TVA n’avait pas eu l’heur de convenir aux entreprises. Le défi de la Commission européenne sera de s’assurer que les évolutions proposées aideront effectivement les entreprises commerçant entre les pays et pas uniquement les multinationales comme Apple et Amazon qui ont les moyens de se payer les conseils de fiscalistes avisés.