La Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication, plus connue sous la dénomination Swift, qui exploite le plus grand réseau de messagerie de paiements au monde, va tester un système de vote par voie électronique basé sur la chaîne de blocs pour permettre aux actionnaires des clients de services financiers de participer davantage aux décisions.
Société coopérative bancaire de droit belge qui gère la plupart des transferts d'argent transfrontaliers et de valeurs mobilières dans le monde, Swift met actuellement en place le PoC d’un système de vote électronique pour les actionnaires des clients de services financiers. Cette preuve de concept sera déployée conjointement dans la région Asie-Pacifique avec la société de services logiciels d’intégration boursière SLIB, spécialiste entre autres choses des solutions de vote, avec la Bourse de Singapour (SGX), mais aussi la Deutsche Bank, la DBS Bank, HSBC Holdings et Standard Chartered Bank. « La voix des actionnaires dans la prise de décision des entreprises est entravée par le processus de vote sur papier existant. La technologie apporte la solution pour améliorer leur participation », a déclaré dans un communiqué Tony Lewis, chef Securities Services chez HSBC. « Le vote électronique basé sur la technologie des registres distribués (Distributed Ledger Technology - DLT) peut apporter plus d'efficacité, de transparence et accroître la participation ».
De nombreux PoC autour de la blockchain
Swift a déjà réalisé des PoC basés sur la chaîne de blocs autour de la conciliation de comptes Nostro Vostro (virements de compte bancaire à compte bancaire). La société a également lancé en 2016 un programme pilote « global payments innovation initiative » (GPI) qui permet à d’autres registres distribués et à d'autres plateformes de commerce électronique et de trading d'utiliser son réseau mondial de paiements. « Nous continuons d'explorer diverses technologies nouvelles et émergentes pour mieux répondre aux besoins de nos clients, y compris l’usage d'API pour accélérer les paiements transfrontaliers sur Swift GPI », a déclaré un porte-parole de Swift par courriel. Swift est une des nombreuses entreprises de services financiers à tester la chaîne de blocs pour améliorer l’efficacité et la transparence des transactions financières transfrontalières, sans être pénalisé par la plupart des contrôles réglementaires auxquels les réseaux actuels doivent se conformer.
Il est possible que Swift se sente sous pression, alors que de plus en plus d'entreprises de services financiers testent, ou adoptent directement, la technologie DLT. « La concurrence est forte aujourd’hui », a déclaré Avivah Litan, vice-présidente de la recherche chez Gartner. « Swift n’est rien d’autre qu’un grand réseau bancaire qui transfère de l'argent rapidement et authentifie les utilisateurs, mais ce type d’opérations coûte très cher. Et aujourd’hui, des initiatives concurrentes utilisent la chaîne de blocs ». J.P. Morgan Chase, CLS Group et Ripple, une chaîne de blocs par consentement pour transférer de l'argent en passant par une cryptomonnaie propriétaire, sont des exemples types de mise en œuvre de chaîne de blocs concurrente pour les transferts financiers transfrontaliers cités par Avivah Litan. « Ripple est un concurrent dans le sens où il met en place un réseau de banque à banque », a déclaré Mme Litan.
Un réseau propre à J.P. Morgan
Au mois d’octobre dernier, J.P. Morgan a créé ce qui, à l'époque, était sans doute l'un des plus grands réseaux de paiement blockchain existant. La Banque Royale du Canada et l’Australia and New Zealand Banking Group Ltd. (ANZ) ont été les deux premières banques à se joindre à ce réseau. À l’époque, J.P. Morgan avait déclaré que cela représentait « d'importants volumes de paiements transfrontaliers ». J.P. Morgan a affirmé que son réseau d'information interbancaire (IIN) basé sur la chaîne de blocs réduirait considérablement le nombre d’intervenants nécessaires pour répondre aux demandes de conformité et à d'autres demandes relatives aux données qui retardaient les paiements. Le mois dernier, J.P. Morgan a annoncé son intention de lancer la première cryptomonnaie garantie par une grande banque. Cette initiative pourrait conférer à la chaîne de blocs une légitimité pour la circulation de cryptomonnaies fiduciaires. « J.P. Morgan pourrait diriger un réseau international. C'est le plus grand processeur d’ACH - l’ACH, ou Automated Clearing House, est un système sécurisé de transfert des paiements qui connecte entre elles toutes les institutions financières américaines » - et la plus grande plateforme de traitement de cartes de crédit aux États-Unis », a déclaré Mme Litan. « Tout cela indique qu’il y a des monnaies stables pour les transferts internationaux et une chaîne de blocs DLT plus efficace et Swift est menacé par cela ».
Il y a près de deux ans, CLS (Continuous Linked Settlement), un fournisseur de systèmes de règlement au comptant basé à New York, a annoncé la mise en place d'un service de paiements avec IBM qui permettrait les transactions au comptant sur la plate-forme Hyperledger Fabric Blockchain. Le CLS Group a été, avec Swift et la Depository Trust and Clearing Corporation (DTCC), l'un des membres fondateurs du projet Hyperledger supervisé par la Linux Foundation. À l'époque, plus d'une demi-douzaine de banques avait accepté de soutenir la plate-forme blockchain de CLS, dont Bank of America, Bank of China (Hong Kong), Bank of Tokyo-Mitsubishi UFJ, Citibank, Goldman Sachs, J.P. Morgan Chase et Morgan Stanley. Au mois de novembre dernier, le CLS Group a annoncé que sa plate-forme DLT, CLSNet, était opérationnelle pour Goldman Sachs et Morgan Stanley. Le réseau de chaîne de blocs offre un service normalisé et automatisé de compensation bilatérale des paiements pour plus de 120 devises.
Des transferts sans autorité centrale
« Six autres partenaires bancaires d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Asie, dont Bank of China (Hong Kong), se sont engagés à rejoindre le service », a déclaré CLS dans un communiqué. « Ce n'est pas vraiment une révolution, c'est juste une grande amélioration graduelle pour prolonger le statu quo du ‘business as usual’. Il est plus efficace de transférer de l'argent par l'entremise du DLT », a déclaré Avivah Litan. Les réseaux Blockchain distribués constituent un bon moyen de transférer de l'argent parce que chaque participant au réseau possède sa propre copie indépendante du registre électronique et peut vérifier le bon déroulement de ses transactions. Il n’y a pas d'autorité bancaire centrale. « Si vous voulez savoir si votre transfert d’argent se passe bien, vous n'avez pas besoin d'appeler Swift ou de vous connecter au réseau Swift. Vous pouvez le voir dans votre propre nœud », a expliqué la vice-présidente de la recherche chez Gartner. « Vous pouvez aussi participer à la validation des transactions si vous le souhaitez ».
Dans la plupart des cas, les institutions financières qui utilisent des réseaux de chaîne de blocs autorisés pour transférer de l'argent n’éprouvent pas le besoin de participer au processus de validation — connu sous le nom de consensus de la blockchain —, mais elles pourraient éventuellement avoir envie d’exercer ce pouvoir », a ajouté Mme Litan. « Elles font confiance aux sociétés de services financiers pour gérer le réseau, mais elles veulent leur propre copie du registre distribué parce qu'elles peuvent alors gérer leurs propres contrats intelligents et faire d'autres choses que les sociétés de services financiers ne peuvent pas faire », a ajouté Mme Litan.
Augmenter les performances de la blockchain
Swift fournit un réseau de messagerie qui permet aux banques et autres services financiers de transmettre des informations sur les transactions monétaires dans un format normalisé et sécurisé. Swift est à l'origine de la plupart des transferts transfrontaliers d'argent et de valeurs mobilières. Les 10 000 institutions membres du réseau envoient environ 24 millions de messages par jour. La preuve de concept de Swift, qui sera basée sur la plate-forme Hyperledger Composter Blockchain, est destinée à vérifier que la technologie peut simplifier « la gestion actuellement inefficace des assemblées d'actionnaires et des processus de vote associés qui prennent souvent beaucoup de temps et mobilisent beaucoup de ressources », a déclaré Swift dans un communiqué. « En particulier, le vote par procuration est souvent trop complexe et il entraine des erreurs qui pourraient être évitées en améliorant la transparence et en favorisant l’automatisation », a encore déclaré Swift. Ce dernier va intégrer sa preuve de concept dans l’environnement de test DLT sandbox. La Deutsche Bank, HSBC Holdings et Standard Chartered Bank participeront au PoC, et la DBS Bank basée à Singapour ainsi que la Bourse de Singapour (SBX) seront à la fois participants et émetteurs. Les participants réutiliseront le réseau Swift et leur infrastructure et interfaces Swift existantes pour accéder, tester et valider l'applicabilité du DLT.
La preuve de concept, qui se déroulera au cours du premier semestre 2019, consistera à tester le déploiement d'un système de vote en collaboration avec les émetteurs et un dépositaire central de titres financiers (DCT), qui stockera et gèrera les informations dans la chaîne de blocs privée et autorisée. Le registre distribué devra également démontrer la viabilité de solutions hybrides basées sur la norme ISO 20022 — la norme pour l'échange de données électroniques entre institutions financières — combinant messagerie et technologie DLT pour permettre l'interopérabilité entre institutions et éviter la fragmentation du marché. Le PoC testera aussi capacité de Swift à héberger des applications tierces dans son bac à sable et à réutiliser sa pile de sécurité et d'interface.