Sun annule l'UltraSparc V et mise sur les puces multicoeurs d'Afara
Moins de 4 mois après la présentation de sa roadmap processeurs, Sun Microsystems a annoncé l'abandon du développement de l'UltraSparc V, le successeur programmé de l'UltraSparc IV attendu à l'origine pour 2006. La firme défend cette décision en expliquant qu'elle mise son avenir sur le développement de ses nouvelles puces "Throuput Computing", en fait des puces Sparc multicoeurs issues des travaux d'Afara, une société rachetée en 2002 par Sun.
Selon David Yen, le vice-president en charge des architectures processeurs et réseaux de Sun, UltraSparc V, nom de code Millenium, devait assurer la transition entre la famille actuelle de processeurs Sparc et les processeurs multicoeurs d'Afara. Mais Sun a tout simplement décidé d'accélérer la cadence. Ce revirement stratégique, fait une autre victime, une puce biprocesseur connue sous le nom de code Gemini et que Sun destinait à ses serveurs lames et stations d'entrée de gamme.
Dans une interview à l'agence de presse interne du groupe IDG (éditeur du "Monde Informatique"), David Yen explique le raisonnement de Sun.
Comment êtes-vous arrivé à la décision d'arrêter le développement de Gemini et de l'UltraSparc V ?
David Yen : D'abord un commentaire rapide. Personne ne doit douter de notre confiance et de notre vision en matière de Throughput Computing. Nous y croyons tellement que nous avons voulu y consacrer toutes nos ressources afin d'accélérer son développement. Nous avons consacré pas mal de temps au développement de Millenium et Gemini. Mais ces deux processeurs étaient finalement très traditionnels. Nous pensons que les nouveaux processeurs CMT (Chip Multithreading) portent de telles promesses que nous devons leur allouer toutes les ressources dont nous disposons.
Il n'y avait intrinsèquement rien de mauvais à Gemini ou Millenium. Les deux approchaient la fin de leur développement et fonctionnaient en laboratoire. Mais dans le segment Gemini nous avons l'UltraSparc IIIi et le IIIi+ qui remplissent convenablement leur mission. Dans le segment de Millenium, l'UltraSparc IV vient de faire ses débuts et il sera suivi par l'UltraSparc IV+. Ensuite viendront les puces Rock et Niagara (NDLR : inspirées des designs d'Afara). Nous pensons que cela simplifie et améliore notre roadmap, cela explique notre décision.
Est-ce que la décision d'annuler Gemini et l'UltraSparc V aura un impact sur les dates de livraison de Rock et Niagara ?
David Yen : La livraison devrait se faire plus tôt que prévu car nous basculons un nombre significatif de personnes qui jusqu'alors travaillaient sur l'UltraSparc V sur le développement des familles Rock et Niagara. En fait, plus de 200 ingénieurs supplémentaires sont affectés à ces projets et nous pensons en embaucher de nouveau au cours de la prochaine année fiscale.
Quelles sont désormais les dates de lancement de ces puces ?
David Yen : Nous avons déjà dit que Niagara 1 - c'est notre première puce Niagara - sera en principe disponible au tout début 2006. Les autres membres des familles Rock et Niagara arriveront ensuite.
Le basculement sur Rock et Niagara signifie-t-il la fin de l'UltraSparc ?
David Yen : Tous nos processeurs Throughput Computing sont compatibles Sparc. La question de savoir si nous continuerons à utiliser l'appellation UltraSparc n'est pas tranchée. Lorsqu'un des nouveaux processeurs sortira, il est possible que nous le baptisions UltraSparc V pour continuer la série, si nous décidons toutefois de conserver cette appellation. Dans tous les cas, nous parlons bien de processeurs Sparc.
Vous avez maintenant une relation de partenariat avec AMD. Seriez-vous intéressé par une nouvelle architecture poru la conception de vos futures processeurs multicoeurs ?
David Yen : Nous allons collaborer étroitement avec AMD pour les systèmes Opteron de Sun. Mais comprenez que nous avons une base installée de systèmes Sparc évaluée à plus de 127 Md$. Notre obligation est de lui garantir la compatibilité binaire. C'est un contrat que Sun considère avec beaucoup de sérieux.
Lorsque nous décidons d'utiliser le Throughput Computing, c'est parce qu'il est 100 % compatible avec l'architecture Sparc v9. Ceci dit vous avez aussi raison : l'innovation n'est pas forcément liée qu'à Sparc. Une collaboration plus étroite avec AMD est envisageable. Mais tant que nous ne sommes pas prêts ni d'accord, je ne peux commenter plus…
Le mouvement vers Throughput Computing semble risqué. Qu'est ce qui vous a convaincu que cela en vaut la peine ?
David Yen: Ce n'est pas la première fois que nous faisons un pari. En 1994, tout le monde pariait sur la fin du SMP au profit de NUMA. A l'époque pourtant les ingénieurs de Sun ont cru dans le futur du SMP. Nous avons pensé que c'était la meilleure architecture, la plus simple et la plus facile pour les développeurs. En 1996, quand tous nos concurrents sont partis sur NUMA, nous n'avions plus de concurrents sur le SMP et nous avons profité d'un vide de 6 à 9 mois sur le marché. C'est l'époque à laquelle nous avons établi notre architecture serveur. Alors y a-t-il un risque? Bien sûr. Chaque nouvelle innovation apporte des risques, car elle est différente et non prouvée. Mais c'est le genre de défi que relèvent au quotidien les gens qui travaillent dans la high-tech. La chose importante est la suivante : pensons-nous avoir raison et sommes-nous assez bons pour mériter la confiance ? Nous pensons que nous le sommes.