Dans le petit monde des solutions de stockage, certains fournisseurs se développent en innovant, d’autres s’étendent à coups de rachats stratégiques. Storcentric fait partie de la seconde catégorie avec pas moins de quatre acquisitions majeures ces deux dernières années : Drobo et Nexsan en mai et août 2018, et Retrospect puis Vexata en juin et juillet 2019. Nous avions rencontré cette dernière en décembre 2018 chez Fujitsu à Sunnyvale pour parler de leur partenariat avec le fournisseur Japonais. Lors de notre nouvelle rencontre en décembre 2019, toujours chez Fujitsu, c’était pour mesurer l’imbrication dans Storcentric.
Mihir Shah, CEO de Storcentric, nous a ainsi détaillé la stratégie du groupe formé à l’été 2018 qui cumule avec ses entités une vingtaine d’années d’expertise dans le domaine du stockage et près d’un million de clients dans le monde : 40 000 entreprises pour Nexsan, 400 000 clients pour Drobo, et 500 000 licences installées pour Retrospect. Mais pas de chiffres flatteurs pour Vexata. Avec son portefeuille produit, Storcentric s’adresse aujourd’hui aux indépendants et aux PME avec le stockage externe (NAS) de Drobo, aux grandes entreprises et aux institutions avec la plateforme SAN de Nexsan, à tout ce petit monde avec les solutions de sauvegarde Retrospect, et au stockage haute-performance avec les baies NVMe et Optane de Vexata qui exploitent des FGPA (Intel) pour décharger les contrôleurs x86 de certaines tâches et contribuer à accélérer le traitement des données.
Intégration en cours
Si le discours marketing de Storcentric semble rôder - répondre aux demandes des clients exaspérés par la hausse du prix du support chez les gros fournisseurs - un tel assemblage de briques est loin d’être facile à réaliser. La jeune pousse n'a toutefois pas l'intention d'avoir une équipe d'ingénierie centrale et unifiée - et les quatre entités développent leur propre technologie. En Tiers 0, la société positionne toujours les baies Vexata pour héberger les données d’applications exigeantes de type décisionnelles/SGBD et alimenter des plateformes de traitement IA comme Caffe ou Tensorflow. En Tiers 1, ce sont les baies Unity de Nexsan qui occupent le terrain du marché fichier (NFS/SMB) et bloc pour accueillir des ressources VMware, SQL Server, Oracle, mais aussi Hyper-V ou SAS. En Tiers, Storcentic positionne les E-Series de Nexsan pour les workloads WMware, Hyper-V ou Hadoop. Enfin, l’archivage est adressé par les outils Retrospect et Nexsan Assureon. Retrospect doit toutefois encore aller vers le cloud, car la solution est aujourd'hui on-premise.
Le millefeuille technologique de Storcentric occupe presque tous les segments sur le marché du stockage.
La roadmap de Storcentric prévoit de monter à 6 Po sur les baies Nexsan Unity en mode hybride pour le stockage primaire, avec un passage progressif à la souscription. L’idée est de proposer la solution sur n’importe quels serveurs x86 dans un mode Software Defined Storage avec le logiciel découplé du matériel. Coté hardware, le support du NVMe arrivent avec la QLC NAND. La E-Series devrait monter en capacité et atteindre les 2,5 Po dans un rack 12U. La QLC NAND est également au programme pour offrir un bon rapport rapport prix/performance selon le CEO de Storcentric. Les baies Assureon devraient supporter le mode objet pour le stockage à long terme. La compagnie indique vouloir monter à un milliard d’objets avec un disaster recovery site à site en réplication. L’idée est d’associer Unity et Assureon pour combiner stockage primaire et archivage avec réplication en local et dans le cloud. Le moteur d’Assureon est d’ailleurs attendu dans les baies Unity afin d’optimiser la sauvegarde. Terminons, ce passage en revue avec les sous-systèmes Vexata VX-100F qui supportent également les SSD NVMe pour frôler les 6 millions d’IOPS avec une bande passante de 70 GB/s. Dans sa feuille de route, les unités Vexata montent à 1 Po de stockage brute dans une baie 6U avec NVMe et QLC NAND avec l’intégration d’une solution de sauvegarde cloud reposant sur le moteur de Retrospect.
Reste à convaincre les enteprises
Si le croisement des technologies semble bien avancé chez Storcentric, ce qui rassure quant à la stratégie d’acquisitions, reste à connaitre l’accueil de ces solutions sur le marché européen. Individuellement les différentes plateformes ont réussi à se faire une place, reste à convaincre les entreprises du bien-fondé du croisement technologique. Le CEO pense faire la différence avec une politique tarifaire agressive. Ce qui est la moindre des choses pour un outsider. Un gros travail reste à faire pour construire une image et un réseau de partenaires en Europe. La société a déjà posé un pied Royaume-Uni, à Darby, et s’appuie sur Fujitsu pour porter la bonne parole et surtout les ventes de ses systèmes Vexata.