Tout d'abord, qu'est-ce que l'Open CIO Summit qui a lieu le 4 décembre prochain à Paris ?
Il s'agit d'une rencontre des décideurs du numérique, un forum qui permet une liberté de parole que l'on n'a évidemment pas sur des forums sponsorisés par des fournisseurs ou des cabinets de conseil. Organisé par les décideurs IT pour les décideurs IT, c'est donc un lieu d'échange d'opinions avec un côté indépendant, ouvert et, bien sûr, orienté Open Source. L'Open CIO Summit se déroule la veille du premier jour du Paris Open Source Summit dont il constitue une sorte de prélude dédié aux DSI d'entreprises utilisatrices.
Pourquoi avez-vous accepté d'en être le parrain de l'édition 2018 ?
Ce n'est pas tant moi en tant que personne ou que DSI que l'administrateur du Cigref [Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises, regroupant 150 très grands comptes français, NDLR] qui parraine cette édition. Un des objectifs du Cigref est en effet de faciliter la réussite du virage numérique par les entreprises françaises. Notre logique repose sur l'intelligence collective, le partage des expériences et des réflexions. Cette logique est aussi celle de l'open source. Depuis plus de dix ans, le Cigref s'intéresse donc à l'open source.
Les entreprises font-elles encore la confusion Open Source et gratuit ?
Dans les entreprises membres du Cigref, non, la mécanique de l'open source est bien assimilée.
L'open source est désormais bien intégrée dans les infrastructures mais qu'en est-il des applications ?
Nous ne pouvons que faire ce constat évident : l'open source est en effet devenu naturel et normal dans les infrastructures. C'est devenu un choix par défaut et il n'y a plus rien à démontrer sur ce point. Sur les nouveaux outils et méthodes, en lien par exemple avec l'approche DevOps, nous sommes encore sur une phase d'appropriation.
Sur les couches applicatives, par contre, nous sommes clairement en deçà de ce que l'on pourrait souhaiter, notamment sur les couches métiers et bureautique. Les entreprises n'ont souvent pas osé basculer. Les offres restent insuffisantes et pas assez structurées. Les PME ont plus facilement basculé mais essentiellement pour faire des économies.
Pour faire simple, l'open source est bien implanté dans tout ce qui est destiné aux informaticiens, utilisé par eux. Mais quand il s'agit d'applications destinées aux métiers, la situation n'est pas satisfaisante. Dans certains secteurs, les entreprises, même concurrentes, se sont regroupées pour développer les outils dont elles avaient toutes besoin sans qu'ils soient différenciants, par exemple dans l'automobile, la banque, les collectivités locales... Donc, cela existe, c'est positif, mais reste très insuffisant. Si les entreprises se structurent pour accompagner les métiers, cela ne peut que progresser. Typiquement, une comptabilité n'est pas un élément de compétition. On peut très bien créer un logiciel à développement partagé pour faire des économies. C'est d'autant plus vrai que les modèles économiques sont maîtrisés et acquis.
Quelles sont les tendances ?
Evidemment, la tendance est à une forte croissance. Côté infrastructures, le développement va bien sûr continuer. Les nouveaux outils de supervision (DevOps, Cloud...) sont clairement « open source first ». Quant aux applications métiers, on part de tellement bas qu'il ne peut y avoir que croissance.
Quel intérêt les entreprises trouvent dans l'open source ?
L'intérêt est bien sûr économique. Mais il s'agit aussi de renforcer l'indépendance vis-à-vis des fournisseurs. Et, bien entendu, les entreprises peuvent garder une capacité à innover. Enfin, ne négligeons pas un aspect qui reste important : la souveraineté nationale.
Un frein au déploiement de bases de données open source n'est-il pas leur non-certification par les éditeurs de progiciels, notamment d'ERP ?
Le Cigref mène des actions et fait pression sur les grands éditeurs depuis longtemps pour obtenir cette certification, par exemple de PostGreSQL. Mais nous rencontrons au mieux un manque d'intérêt, ou pire une franche hostilité. Les grands éditeurs certifient des systèmes d'exploitation open-source mais pas de middleware open-source.
De toute évidence, le premier éditeur qui s'engagera sur cette voie gagnera beaucoup de parts de marché. En effet, le middleware a un gros impact dans le coût total de possession (TCO). L'avantage concurrentiel serait alors évident parmi les grands acteurs.