Les Etats membres de l’Union européenne se pressent pour rattraper les années perdues. A l’issue d’une première journée de conférence sur la thématique de la souveraineté numérique européenne, plusieurs annonces ont été faites. Tout est passé au crible : les deux règlements DSA et DMA, le besoin d’un cloud européen, les enjeux de la cybersécurité, mais aussi le soutien aux communs numériques. 16 Etats membres - l’Allemagne, la Belgique, la Croatie, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, l’Italie, la Lettonie, le Luxembourg, Malte, la Pologne, le Portugal, la République Tchèque, la Slovénie et la Suède - se sont ainsi regroupés derrière un objectif commun : créer une initiative européenne pour les communs numériques. Mais qu'est-ce qui se cache derrière ce terme ?
Dans le détail, ce projet vise à soutenir notamment le développement de logiciels libres, à l’image de ceux que l’on connait déjà - Wikipedia, Linux, OpenStreetMap et Open Food Facts, dont trois sont européens – pour contribuer « à la préservation du contrôle et de la valorisation collectifs des données, et par conséquent à l'amélioration de la sécurité des outils et innovations numériques » a précisé le gouvernement français. Le secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, Clément Beaune, a notamment appuyé cette initiative, précisant que « Régulation, innovation, ouverture d’une réflexion sur les biens communs numériques sont au cœur de cette approche portée sous présidence française du Conseil de l’Union européenne. »
Reprendre le contrôle d'un socle commun de logiciels
« La découverte, le 10 décembre 2021, d'une vulnérabilité dans Apache Log4J […] a mis en lumière l'importance cruciale des communautés de citoyens pour la protection et la résilience d'une architecture numérique mondiale, ouverte, neutre, non fragmentée et sécurisée. Des incidents comme celui-ci ont renforcé notre compréhension collective des défis auxquels nous sommes confrontés et de la manière dont ils peuvent être relevés » a précisé le secrétaire d’Etat à la transition numérique et aux communications électroniques, Cédric O, lors de la conférence ministérielle ce 7 février.
En conséquence, la présidence française du Conseil de l'Union européenne appelle à une initiative pour les biens communs numériques en Europe. Cette dernière s'appuierait sur les programmes et initiatives existants, comme l'Internet nouvelle génération, pour financer ces ressources et les composants technologiques open source sur des segments stratégiques, tant au niveau européen que national. Ce projet devrait « orienter les efforts vers l'identification et l'européanisation des biens communs numériques nationaux existants et des logiciels libres, promouvoir l'utilisation de ces derniers au sein des institutions européennes et des services publics des États membres, et mettre en place un cadre pour contribuer [à ces ressources] en allouant des ressources humaines ou un soutien financier, ou en participant, de manière formelle ou informelle, à leur gouvernance ». Pour cela, des fonds seront débloqués (sans en donner le montant), un incubateur européen dédié à ce socle commun devrait voir le jour, et une structure devra être lancée afin de fournir des conseils et une assistance aux États membres en plus du financement de ces ressources stratégiques.
Des conclusions attendues fin juin 2022
Certaines communautés de socles communs numériques ont spécifiquement exprimé leur besoin d'accéder à une expertise (juridique, de gouvernance, organisationnelle), de recevoir des fonds pour maintenir et développer les outils qu'elles ont créé mais aussi un besoin d’échanger davantage avec d'autres communautés. Le groupe de réflexion sur le sujet constitué de plusieurs Etats membres rendra ses conclusions lors de l'Assemblée numérique du 21 au 22 juin 2022. Une initiative qui veut contrebalancer la prédominance des acteurs américains et que l’on peut saluer malgré son retard.