Le dernier OS mobile d'Apple, qui sera livré demain, accorde au protocole Internet v6 la même place qu’à l’IPv4. Cela signifie que si les applications, les sites Web et les réseaux des opérateurs le prennent en charge les appareils iOS utiliseront beaucoup plus l’IPv6 et ne donneront pas priorité l’ancien protocole. C’est ce qu’a déclaré l’ingénieur de Facebook Paul Saab qui animait un groupe de discussion sur l’IPv6 lors de la conférence @Scale organisée hier par le réseau social. « Alors que tout est en place pour l’IPv6, iOS 8 se connecte à peine une fois sur deux en IPv6. Comparativement, iOS 9 choisira une connexion IPv6 dans 99 % des cas », a estimé le chercheur.
Il y a de moins en moins d’adresses IPv4 disponibles, alors que l’IPv6 apporte un vivier plus que suffisant pour tous les usages à venir. Depuis son achèvement en 1998, l’adoption du nouveau protocole n’a pas décollé, mais la tendance est en train de s’inverser et la sortie d'iOS 9 pourrait donner un coup d’accélérateur. « Dès le 16 septembre, je pense que le trafic v6 sera très important », a déclaré Samir Vaidya, directeur de la technologie mobile chez Verizon Wireless. Actuellement, 50 % du trafic de Verizon Wireless passe par l’IPv6, mais Samir Vaidya estime qu'il est va grimper à 70 % d’ici à l'année prochaine, au fur et à mesure que les abonnés s’équiperont d’iPhone 6s. Le traitement réservé à l’IPv6 par iOS 9 devrait aussi favoriser l'utilisation du protocole sur le réseau de Comcast. « Aujourd’hui, environ 25 % du trafic de Comcast passe par l’IPv6, et ce chiffre pourrait dépasser les 50 % en début d'année prochaine », a déclaré John Brzozowski, architecte en chef pour l’IPv6 chez Comcast Cable.
Mettre fin à la pénurie d'adresses IP
L’IPv6 peut simplifier le trafic sur les réseaux, car il permet aux entreprises et aux prestataires de services d’attribuer une adresse Internet unique à chaque terminal. Aujourd'hui, ils doivent recycler leur pool restreint d'adresses IPv4, un processus qu’ils gèrent en utilisant le NAT (Network Address Translation). Mais, selon Facebook et les opérateurs, « ce recyclage d’adresses représente un surcroît de travail pour les architectes et les administrateurs réseau, et il ralentit le trafic ». Plus tôt cette année, les essais limités réalisés par Facebook avec l’IPv6 avaient montré que les connexions avec le nouveau protocole étaient jusqu’à 40 % plus rapides qu’en IPv4. « Des tests plus rigoureux ont montré que le gain pouvait atteindre 15 %, ce qui est encore significatif », a déclaré Paul Saab. Verizon affirme aussi qu’avec l’IPv6, les temps de réponse sont plus rapides. Le nouveau protocole devrait avoir un impact encore plus important avec l’arrivée de nouveaux dispositifs et services sur les réseaux mobiles. « Sans IPv6, les applications domotiques et l'Internet des Objets ne sont pas gérables, car il y aura trop d'appareils connectés, et l'IPv4 n’a pas la capacité de les prendre en charge », a déclaré Axel Clauberg, vice-président de l’agrégation et du transport IP chez Deutsche Telekom. « Les réseaux mobiles 5G, indispensables pour gérer des applications sensibles comme celles qui tourneront sur les véhicules autonomes, ne fonctionneront pas non plus avec l’IPv4 », a déclaré pour sa part Yoon Mingeun, responsable des projets technologiques émergents chez SK Telecom.
En début d'année prochaine, Apple donnera encore plus de poids à l’IPv6 : en effet, toutes les applications soumises à l’App Store devront supporter le protocole. Cela contribuera à favoriser l’IPv6 et mettra éventuellement un terme à l’IPv4. « Cela signifie aussi des besoins de codage importants pour les applications qui ne supportent pas encore l’IPv6 », a déclaré Haroon Khan, ingénieur chez HealthExpense, un fournisseur de services SaaS de facturation et de recouvrement pour les mutuelles de santé. « Il faudra modifier beaucoup d'éléments logiciels dans le back-end pour leur ajouter des capacités IPv6 », a-t-il encore déclaré. « L’IPv6 a beaucoup d’avantages et en particulier, il contribue à simplifier le réseau », a ajouté l’ingénieur. Mais il va aussi changer la façon de travailler des développeurs. Dans les boutiques d’applications qui recyclent les adresses IPv4 en interne, les programmeurs finissent par connaître certaines adresses par cœur et peuvent les ajouter dans le code, de mémoire. Mais dans le cas de l’IPv6, chaque terminal doit posséder sa propre adresse Internet. « Ce qui est sûr, c’est qu’ils ne pourront pas mémoriser les nouvelles adresses à 128 bits, elles sont beaucoup trop longues », a déclaré Haroon Kahn.