Déjà soumis à la pression d'Oracle, qui le poursuit devant les tribunaux au motif qu'Android violerait les brevets et les droits d'auteur de Java, Google est face à un autre problème qui concerne Linux. Cette dernière affaire pose un problème distinct et n'a motivé jusqu'à présent aucune plainte. Mais un certain nombre d'observateurs qui suivent de près les questions de propriété intellectuelle ont publié des points de vue mettant en question l'utilisation du code Linux sous licence GPL version 2 dans Android.
Alors que le noyau Linux est open source et disponible gratuitement pour les développeurs, ceux qui utilisent et distribuent des logiciels dérivés sont tenus de respecter de strictes exigences de licence. Le litige éventuel est lié au concept de « copyleft » selon lequel le logiciel libre doit être redistribué selon des termes identiques à ceux de la licence originale. La question centrale porte sur « la bibliothèque qui relie Android et ses applications avec le noyau Linux sous-jacent, » écrit sur son blog Florian Mueller, à l'origine de la campagne NoSoftwarePatents.
« Google a copié 2,5 Mo de code représentant plus de 700 en têtes de fichiers du kernel de Linux avec un programme maison qui efface les commentaires du code source et d'autres éléments, et revendique habilement (dans un commentaire figurant au début de chaque fichier modifié) que le matériel retiré ne comporte « aucune information de droit d'auteur », comme l'explique le fondateur de NoSoftwarePatents. Ce dernier fait remarquer que, même si le GPL nécessite des traitements dérivés « pour être mis à disposition dans les mêmes conditions, » Google livre Android sous une série de licences qui inclut non seulement le GPL, mais aussi des licences Open Source moins strictes comme la licence Apache (la licence Apache n'a pas d'exigences de « copyleft ») et des programmes dont le code source est fermé.
Une question de propriété intellectuelle soulevée par un avocat
L'intérêt de Florian Mueller pour la question a été motivé par les préoccupations sur la propriété intellectuelle émises par l'avocat Edward Naughton dans un article paru dans le Huffington Post et par le point de vue du professeur de droit Raymond Nimmer. Ainsi, l'avocat explique que « Google a construit Android autour de Linux, lui-même un système d'exploitation Open Source sous licence GNU General Public License 2 (GPLv2). » Celui-ci précise que « la licence GPLv2 est de type « copyleft »: elle laisse à chacun la liberté de copier et de modifier le code Linux. Mais cette liberté est assortie de conditions, notamment l'exigence que tout code logiciel modifié et tous travaux « basés sur ce code » soient librement accessibles à tous. Le point essentiel de la GPLv2 est de rendre impossible à quiconque de s'approprier le code sous licence GPLv2, de le rendre privé et exclusif. »
Inspiré par ces remarques, Edward Naughton s'est intéressé à la manière dont Google utilise le code Linux dans Android. « Ce que j'ai trouvé m'a vraiment surpris : Google a adopté une approche très agressive pour développer une composante clé d'Android, la Bionic Library. Cette bibliothèque de type C est utilisée par tous les développeurs d'applications qui ont besoin d'accéder aux fonctions de base de Linux. Google a copié des centaines de fichiers de code Linux qui ne sont pas destinés à être utilisés tel quel par les développeurs, a « nettoyé » ces fichiers selon un procédé technique non-standard et contestable, pour ensuite déclarer que le code n'était plus soumis à la GPLv2, afin que les développeurs puisse l'utiliser sans être soumis aux exigences du « copyleft » qui s'appliquerait normalement au code sous licence GPLv2 emprunté au noyau Linux. »
Illustration principale : Florian Muelller, fondateur de NoSoftwarePatents
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L'avocat poursuit en disant avoir « de sérieux doutes sur le fait que l'approche de Google pour créer sa Bionic Library soit conforme aux lois sur le droit d'auteur en vigueur aux États-Unis. » Mais « ce qui est potentiellement plus intéressant encore, ce sont les conséquences, dans le cas où Google serait dans son droit. Si le procédé est jugé conforme, alors Google a trouvé un moyen d'éloigner Linux de la communauté Open Source et de le privatiser. » Cependant, comme le fait remarquer Florian Muller, si Google était poursuivi en justice et perdait son procès, l'écosystème de développement élaboré autour du système d'exploitation mobile Android serait menacé.
« Si Google est condamné, pratiquement toute la pile logicielle - et de nombreux composants privés de tierce-partie comme le jeu Angry Birds très populaire et le logiciel Adobe Flash Player - devraient être en réalité publiés sous licence GPL » écrit-il. « Or, un Android sous licence GPL irait totalement à l'encontre de la stratégie de Google. Tout le monde serait libre d'utiliser, de modifier et de redistribuer l'ensemble des logiciels concernés, les développeurs des applications concernées n'auraient plus la possibilité de gagner de l'argent, et les fabricants de terminaux tournant sous Android perdraient l'avantage de proposer des produits différenciés en y incluant des add-ons propriétaires. » À moins que Google « ne remplace le code détourné de Linux avec autre chose, l'éditeur risque un «effondrement de l'écosystème Android, » » écrit encore le fondateur de NoSoftwarePatents.
Google n'a pas encore fait de commentaire à ce sujet. Jusqu'à présent, les violations reprochées ne sont que des opinions et non des plaintes portées devant la justice. Mais dans un e-mail adressé à Network World, Florian Mueller écrit : « De mon point de vue, il y a des milliers de droits sur la propriété intellectuelle à faire valoir sur le kernel de Linux. Chaque détenteur de ces droits pourrait, pour de l'argent, pour la gloire, ou pour le principe du copyleft, être motivé pour les défendre. »