Il fallait bien qu'il y ait des couacs. Depuis le 25 mai, on ne vous l'apprend pas, le RGPD est entré en vigueur dans l'Union Européenne. Tout service utilisé par des Européens doit demander un « consentement explicite et positif » pour recueillir des données personnelles collectées ou traitées dans l'Union européenne, que l'entreprise qui offre ce service soit européenne ou pas. Les sanctions peuvent monter jusqu'à 4% du chiffre d'affaires de l'entreprise en tort. Sauf que certaines sociétés américaines ne l'entendent pas de cette manière et ont choisi de bloquer l'accès à leur site web.
Le mouvement est parti de médias américains. Trois tendances ressortent : ceux qui bloquent purement et simplement, ceux qui demandent d'accepter leur politique de confidentialité pour entrer et les sites proposant des alternatives. Tous les médias du groupe Tronc – dont le Los Angeles Times ou le Chicago Tribune – font partie de la première catégorie. « Malheureusement, notre site web est actuellement indisponible dans la plupart des pays européens. Nous examinons les options qui soutiennent notre gamme complète d'offres numériques sur le marché de l'UE » peut-on lire lorsqu'on souhaite accéder à ces sites d'informations. Le groupe GateHouse Media, qui possédait plus d'une centaine de journaux locaux en 2017, ne s'est, lui-même pas donné la peine d'adresser un message aux lecteurs européens et ne fait apparaître qu'une fenêtre d'erreur. Cela ne touche cependant pas tous les sites d'informations du groupe bizarrement.
Certains sites du groupe GateHouse Media sont inaccessibles mais d'autres le sont, pour le moment... (Crédit : The Leader)
D'autres entreprises ont aussi décidé d'empêcher l'accès de leur plate-forme aux visiteurs européens. Comme Instapaper, service de mise en signets appartenant à Pinterest, « temporairement indisponible aux résidents européens ». Ou Unroll.me, service permettant de se désabonner plus rapidement des newsletters polluant les boîtes mails, qui avait déjà annoncé début mai que son service ne serait plus disponible aux Européens à partir du 25 mai. Mais là aussi, lorsqu'on répond non à la question « Vivez-vous dans l'UE ou dans la zone économique européenne ? », il est possible d'accéder au site d'Unroll.me.
Unrollme to stop serving European customers, because of GDPR. https://t.co/tYrmsXlHvS pic.twitter.com/j4W0cBBHYR
— Mikko Hypponen (@mikko) 5 mai 2018
Le Washington Post est le plus malin
Slate, Forbes, Politico, The Altantic, ainsi que les sites du groupe Meredith (People et le magazine Time pour ne citer que les plus connus) laissent, quant à eux, le choix aux visiteurs. Entrez mais « vous acceptez les conditions d'utilisation et la politique de confidentialité de X et l'utilisation de technologies telles que les cookies par X et [se]s partenaires pour diffuser des publicités pertinentes sur [son] site, dans des courriels et sur Internet, personnaliser le contenu et effectuer des analyses de site. » Sinon, tant pis.
Parmi ceux qui ont choisi cette méthode, le Washington Post a été le plus malin. En lieu et place d'une simple demande d'accord pour utiliser les données des utilisateurs européens, le site d'information leur propose d'accéder à la version gratuite en donnant son accord ou alors de souscrire à un abonnement « Premium EU » sans pub ni tracking, 3$ plus cher que l'abonnement basique...
Le Washington Post, lui, surfe sur la vague RGPD en proposant un abonnement spécial ressortissant de l'UE. (Crédit : Washington Post)
Certains prennent presque les gens pour des imbéciles
Enfin, d'autre média ont eu d'autres idées. USA Today a développé un site spécial UE, totalement épuré de toute publicité, où tous les articles restent lisibles mais sans possibilité de partage intégrée au site. Plutôt agréable à lire finalement, dans l'esprit des options de lecture zen sur les versions payantes de certains médias. D'autres ont poussé le vice un peu plus loin, prenant presque les gens pour des imbéciles. La Radio nationale publique (NPR) propose toujours au visiteur de donner son accord de ses conditions d'utilisation. S'il ne les accepte pas, il peut cliquer sur « Decline and visit plain text site » et accéder à la page de NPR... en HTML brut.
Sur le site de la NPR, radio publique américaine, le visiteur européens peut ne pas accepter les conditions d'utilisation du site mais devra le consulter de manière brute... (Crédit : NPR)
Un mur de la honte du RGPD a même été lancé, où tous les utilisateurs victimes de blocages liés au RGPD partagent leurs expériences. Dernière et vingtième en date, une notification concernant la politique de confidentialité du frigo Samsung Family Hub...