Retour à la vieille garde pour SAP après la démission de Shai Agassi
Shai Agassi n'a visiblement pas digéré la prolongation du mandat d'Henning Kagermann. Sa démission profite à Leo Apotheker, un ancien de la maison qui devient directement co-CEO. Les analystes craignent un essoufflement de la stratégie produit de SAP, maintenant que son charismatique leader est parti.
Les dents longues de Shai Agassi, qui se voyait déjà patron de SAP, se sont heurtées à un os. Hasso Plattner, fondateur de l'éditeur et président du Conseil d'administration, a demandé au directeur général (CEO) Henning Kagermann de rester en poste jusqu'en 2009, alors qu'il devait partir dès cette année. Shai Agassi a donc préféré annoncer son départ du groupe, un départ fixé au 1er avril.
« J'avais partagé avec Shai mon plan, explique Hasso Plattner. Il devait succéder à Henning Kagermann en tant que co-CEO de SAP. Avec l'extension à 2009 du contrat d'Henning, il est devenu évident que cela ne plaisait pas à Shai de consacrer [à SAP] une période de 10 à 15 ans, cela ne coïncidait pas avec son plan de carrière. »
Intervenant dans une conférence de presse téléphonique afin de préciser ce communiqué, Hasso Plattner a ajouté : « Il [Shai Agassi] m'a dit que ce n'était pas la dernière chose qu'il comptait faire dans sa vie. » Néanmoins, les deux se seraient quittés en bons termes, Shai Agassi disant qu'il se consacrerait à des projets personnels en rapport avec les problèmes d'environnement, les sources d'énergie renouvelable et le futur d'Israël (son pays natal), et Hasso Plattner expliquant combien la société lui était redevable.
Agassi à la tête du développement technologique dès 2003
De fait, c'est Shai Agassi qui, en tant que président du Product & Technology Group de SAP, a élaboré et mené la stratégie de transformation du groupe. Sous son impulsion, SAP est passé d'un éditeur de progiciel à la structure monolithique à un éditeur d'une solution respectant les principes d'une architecture orientée services (SOA, ou ESA, Enterprise services architecture, dans le jargon SAP).
Shai Agassi est entré chez SAP à l'occasion du rachat de sa société TopTier en 2001, un éditeur d'outils de création de portails. Il a rapidement monté les échelons, Hasso Plattner lui abandonnant dès 2003 son dernier rôle opérationnel dans SAP : la direction du développement technologique. C'est donc Shai Agassi qui a piloté l'élaboration de Netweaver, la plateforme middleware qui sert aujourd'hui de socle technologique à l'offre SAP. C'est également lui, jeune et brillant orateur, qui a parcouru le monde pour expliquer ce changement de stratégie afin d'inciter les clients et les partenaires à s'engager de nouveau avec SAP.
Outre Netweaver, c'est lui aussi, plus récemment, qui a porté la stratégie On Demand, de fourniture d'applications en ligne, rappelle Denis Pombriant, analyste principal de Beagle Research. « Ces deux éléments sont absolument critiques pour le succès de SAP, dit-il. S'il n'est pas là pour pousser ces initiatives, je me demande si quelqu'un d'autre pourra le faire. »
Leo Apotheker devient co-CEO immédiatement
Le pire qui puisse arriver, indique de son côté David Bradshaw, analyste principal chez Ovum, est que Shai Agassi décide maintenant de s'impliquer chez un concurrent : « Interrogé afin de savoir si le contrat de Shai Agassi contenait une clause de non-concurrence, Hasso Plattner a fait une réponse qui semble vouloir dire qu'il n'y en a pas. » En revanche, le fondateur de SAP a insisté sur le fait que Shai Agassi conservait un bureau dans les locaux de R&D du groupe à Palo Alto, et serait dorénavant « consultant spécial » pour le conseil de surveillance.
Le départ de Shai Agassi profite en tout cas à Leo Apotheker, président du groupe 'solutions & opérations clients' qui devait devenir co-CEO avec Shai Agassi. Il est immédiatement nommé CEO adjoint, en charge du marketing, des PME, et de la politique envers les partenaires. Henning Kagermann dirigera les équipes de développement du logiciel (Netweaver, CRM, Business Suite...). Pour Denis Pombriant, « on dirait que la nouvelle garde se fait mettre dehors par la vieille garde ».