« Vous ne nous verrez pas sur le marché aujourd'hui avec des offres commerciales, mais nous construisons - avec un peu d'avance - une compétence sur la technologie [ARM] 64 bits qui va arriver. La ligne est encore lointaine, si nous devons répondre aux besoins du marché, nous aurons la capacité de le faire », a déclaré Jon Masters, architecte en chef pour la plate-forme ARM chez Red Hat. M. Masters a en effet fait une allocution à l'occasion de la conférence USENIX LISA (Large System Administration d'installation) à Washington, DC.
Le processeur ARM représente un « changement radical dans l'informatique », a déclaré le responsable. Bien que déjà dominante pour l'architecture des smartphones et des systèmes embarqués, les processeurs ARM pourraient également jouer un rôle dans les datacenters. Au cours de la dernière année, les serveurs basés sur les processeurs ARM ont commencé à apparaître dans le marché. HP et Dell, par exemple, vendent déjà des serveurs à base d'ARM, le premier avec sa ligne Moonshot et le second avec ses modèles Cooper et Zinc.
Des milliers de noeuds ARM
Pour les centres de calcul, en raison de sa conception basse consommation, ARM pourrait introduire l'âge de l'informatique HyperScale, où des milliers de petits noeuds de calcul peuvent être emballés dans un rack unique. « Il y a une différence fondamentale - en termes d'ampleur - avec ce que nous serons en mesure de construire dans un proche avenir », a poursuivi Jon Masters.
Les processeurs ARM ne peuvent pas fonctionner à la vitesse des processeurs x86, mais ils offrent plus de performances si on considère leur consommation d'énergie, ce qui signifie que plus de processeurs peuvent être installés dans un espace restreint. « Vous pouvez prendre la même technologie que celle de votre téléphone mobile et concevoir des serveurs très denses » a ajouté M. Masters. Beaucoup d'usages ne nécessitent pas les processeurs les plus rapides du marché, a-t-il dit. Bien au contraire, les charges de travail peuvent être réparties sur plusieurs processeurs. « C'est plus quelle quantité de données, je peux déplacer et, pas nécessairement, de quelle capacité de calcul je dispose », a-t-il ajouté. Le cloud computing et les applications web, par exemple, pourraient tout aussi bien être étalés sur plusieurs dizaines voire même centaines de serveurs comme ils le sont sur un nombre restreint, mais plus rapide, de serveurs.
Vers une fragmentation de la plate-forme ARM
La plate-forme d'ARM pourrait également simplifier l'architecture des centres de calcul. Les puces de type SoC peuvent en effet éliminer la nécessité de gérer plusieurs des composants externes d'un serveur. Par exemple, un processeur ARM pourrait offrir une interconnectivité fabric, ce qui réduit les besoins en câbles et switchs top-of-the-rack. Il y a encore beaucoup de travail qui doit être fait pour parvenir à l'informatique HyperScale, a relativisé M. Master.
Plutôt que de vendre des processeurs comme Intel le fait - une activité très gourmande en capitaux et ingénierie, ARM licencie le design de ses puces qui sont fabriquées par d'autres. En conséquence, suivant les fournisseurs (Qualcomm, Texas Instruments, Calxeda, AMD...), on peut trouver certaines différences dans les processeurs ARM. « Il y a beaucoup de variations dont nous n'avons pas vraiment besoin », a déclaré M. Masters. Cela peut être problématique pour les centres de calcul qui ont besoin de systèmes uniformes afin qu'ils puissent être gérés en masse. Pour régler ce problème, Red Hat travaille avec Linaro, un groupe rassemblant des fournisseurs IT, pour construire un socle de logiciels Open Source pour la plate-forme ARM. Une partie de la mission de groupe consiste également à normaliser l'architecture ARM. Les ingénieurs de Red Hat jouent un rôle majeur dans le Linaro Enterprise Group, ou LEG, qui a travaillé sur une version de Linux capable de fonctionner sur différents processeurs ARM 64 bits. « Ce sont des attentes fondamentales dans le monde de l'entreprise », a déclaré Jon Masters. « Nous devons nous concentrer sur la façon de rendre cette plate-forme totalement compatible afin que vous puissiez ajouter de la valeur en haut de la stack », a-t-il dit.
Un bus dédié aux puces ARM
Un autre problème est le support de périphériques, ce qui n'a guère été normalisé sur les processeurs ARM 32 bits. Jon Masters a expliqué que le LEG se penche sur le support d'ACPI (Advanced Configuration and Power Interface ) ou d'UEFI (Unified Extensible Firmware Interface) sur les processeurs ARM 64 bits. Dans un proche avenir, ARM devrait offrir un bus automatisé capable de travailler comme le bus PCI sur la plate-forme x86.
Jon Masters a conclu son speech en indiquant que Red Hat n'a pas encore fait d'annonce sur la sortie d'une version de Red Hat Enterprise Linux pour ARM mais il a pointé que le Projet Fedora, la distribution Linux communautaire qui teste de nombreuses applications pour RHEL, propose une version pour ARM.