Tout le monde s’accorde pour dire que le premier semestre 2023 n'a pas été très bon pour de nombreuses entreprises, qu'il s'agisse des utilisateurs finaux, des vendeurs ou des fournisseurs. La bonne nouvelle, c'est que les utilisateurs pensent plus ou moins que la plupart des questions économiques et politiques ayant contribué de près ou de loin au problème ont été maîtrisées. L'incertitude demeure dans le monde de la technologie, mais elle est un peu moins forte qu'auparavant. La plupart des entreprises avec lesquelles j'ai discuté cette année sont restées prudemment optimistes quant à l'amélioration de la situation. Au cours du mois dernier, sur les quelque 200 entreprises avec lesquelles nous avons échangé par courrier électronique, seules 21 se déclaraient « pessimistes » quant aux perspectives de leurs dépenses technologiques pour le second semestre. Cette absence de pessimisme ne se traduit cependant pas par de l'optimisme, et l'optimisme n'est pas une caractéristique des planificateurs de réseaux et de technologies de l'information.
Alors, quelles sont les priorités des utilisateurs en matière de technologie pour le reste de l'année ? Pensent-ils que leurs budgets vont évoluer, et si oui, dans quel sens ? Cherchent-ils à apporter des changements majeurs à leurs réseaux, à changer de fournisseurs, à être plus ou moins ouverts ? Nous pensions connaître certaines des réponses à ces questions, mais nous nous sommes trompés pour certaines d'entre elles. Commençons par la première question, celle des modèles budgétaires. Deux tiers des entreprises interrogées déclarent qu'elles s'attendent à dépenser davantage pour les réseaux en 2023 que l'année dernière, même si la plupart d'entre elles admettent que leurs dépenses ont été réduites. Cette augmentation ne sera probablement pas considérable, mais la croissance prévue des dépenses correspond à peu près à la moyenne historique des dix dernières années. Cela ne signifie pas qu'elles n'essaient pas de réduire les coûts. L'entreprise moyenne de ma liste qui prévoyait une augmentation d'un peu plus de 4 % de ses dépenses en réseaux cette année, cherche aujourd'hui à réduire ses coûts dans des proportions presque identiques.
Réduire les coûts pour dépenser plus
Si dépenser plus ou dépenser moins peut sembler contradictoire, cela signifie en réalité que les entreprises veulent réduire les coûts pour maintenir ce qu'elles ont afin de financer de nouvelles initiatives, et qu'elles sont prêtes à augmenter les dépenses pour financer le reste. Là aussi, il faut se demander de quelles initiatives et de quelle réduction des coûts, il s’agit. Quasiment 100 % des utilisateurs veulent réduire le coût des services réseau plus que le coût de l'équipement réseau. Alors qu'environ un tiers d'entre eux déclarent qu'ils étaleront le recyclage de l'ancien matériel de cette année à l'année prochaine, tous veulent dépenser moins pour les services réseau. Concernant les nouvelles initiatives qu'ils espèrent financer, celles-ci se concentrent sur trois domaines spécifiques. D’abord, l'amélioration de la sécurité. Ensuite, l'amélioration de la stabilité opérationnelle et de la disponibilité. Enfin, l'amélioration des performances de livraison des applications.
Le SD-WAN est l'un des bénéficiaires de cette combinaison d'objectifs. Environ un quart des entreprises de notre liste étaient déjà au prise avec un SD-WAN, mais presque toutes l'ont adopté pour étendre l'accès VPN à des sites qu'il n'était pas justifié de connecter directement à leurs VPN. Un peu plus de la moitié des entreprises disent désormais qu'elles remplaceront le VPN par du SD-WAN quand le coût de la connexion par travailleur habilité est trop élevé. Ce groupe est à peu près également divisé sur la question de savoir s'il faut acheter le matériel SD-WAN soi-même, l'obtenir auprès d'un fournisseur de services managés (MSP) ou l'obtenir auprès d'un opérateur de réseau ou d'un fournisseur de services de communication (CSP). La voie du MSP a la préférence quand les sites cibles sont multinationaux, et la voie du CSP est privilégiée quand les sites se trouvent tous actuellement sur des VPN d'un seul opérateur. Enfin, la mise en place d’un SD-WAN en propre est le choix qui s'impose quand aucune de ces conditions n'est remplie.
La sécurité ne doit pas être une option SD-WAN
Même si de nombreux produits/services SD-WAN offrent une sécurité renforcée, cette caractéristique n'est pas mise en avant par les adoptants potentiels du SD-WAN. La plupart d'entre eux expliquent que cela est dû au fait que la gestion des coûts et non l'amélioration de la sécurité est au cœur de la réflexion sur le SD-WAN. Mais la plupart disent aussi que les vendeurs/fournisseurs de SD-WAN ne les poussent pas à considérer la sécurité comme un des motifs d'adoption. Au lieu de cela, ils se concentrent généralement sur la sécurité en tant que couche supplémentaire. La sécurité est le domaine dans lequel la plupart des utilisateurs s'attendent à dépenser davantage, mais en même temps, c'est un domaine dans lequel ils pensent que leurs dépenses sont le plus susceptible d'être sous-optimales. Les trois quarts des acheteurs estiment qu'ils dépensent déjà trop pour la sécurité parce qu'ils ont superposé des éléments sans tenir compte de la situation dans son ensemble. Ils emploient souvent des termes comme « approche holistique » ou « repenser » dans leurs commentaires, mais en même temps, moins d'un huitième des utilisateurs prévoient de reconsidérer leurs stratégies de sécurité d'une manière ou d'une autre. Ils reconnaissent qu'entreprendre un changement majeur, c'est risquer de créer une faille dans les produits ou les pratiques qui pourrait leur nuire gravement. Ils espèrent que les fournisseurs actuels leur offriront de nouvelles fonctionnalités, même à un certain prix, et qu'ils rationaliseront d'une manière ou d'une autre l'ensemble de la pile et de l'approche de la sécurité.
Ce point de vue s'applique également à l'ensemble des équipements réseau. Alors que plus de 80 % des utilisateurs affirment que les technologies ouvertes comme les boîtes blanches et les logiciels libres pourraient réduire les coûts de manière « significative » et qu'environ un sixième d'entre eux déclarent « envisager » un modèle de réseau ouvert, le nombre de ceux qui ont effectivement prévu de passer à une stratégie ouverte au cours du second semestre se situe dans le niveau de bruit statistique. En fait, deux entreprises qui avaient prévu d'augmenter leur investissement dans le modèle ouvert en 2023 disent qu'elles vont maintenant rester avec leur fournisseur dominant. Il s'agit là d'un autre changement intéressant en soi. Même parmi les opérateurs réseaux, on observe un désir non pas d'élargir le choix des fournisseurs dans leurs réseaux, mais de le restreindre. Pour chaque entreprise déclarant qu'elle va augmenter le nombre de ses fournisseurs, trois entreprises disent qu'elles vont « consolider » leurs fournisseurs. Les utilisateurs finaux souhaitent même réduire le nombre de fournisseurs de services (et, soit dit en passant, de fournisseurs de services cloud). Ils parlent de « plus d'effet de levier » et de « moins d'intégration » plutôt que de « best of breed » ou de « lock-in ».
Là, où il y a de l'IA...
Si, à la question de savoir quelle est la technologie qui les enthousiasme le plus, ils répondent volontiers l'IA, même là, on voit un tas de contradictions. Très peu d'entreprises (peut-être une sur six) ont essayé d'utiliser l'IA dans les réseaux de quelques manières que ce soit. Presque toutes disent qu'elles prévoient d’utiliser l'IA davantage, et pourtant presque toutes disent aussi que l'IA est surestimée et que « la plupart des affirmations des fournisseurs en matière d'IA sont exagérées ». Cet enthousiasme apparemment irréfléchi pour l'IA fait penser à un vieux dicton, mais à l’envers : « Là où il y a de l'espoir, il y a de la vie ». L'IA pourrait (théoriquement) réduire les erreurs des opérateurs. Elle pourrait (on peut l’espérer) améliorer la planification de la capacité des réseaux. Elle pourrait (probablement) aider à sécuriser les applications et les données et à repérer les malfaiteurs. Toutes ces choses sont des problèmes récurrents qui semblent défier toute solution, et l'IA offre l'espoir qu'une solution pourrait être à portée de main.
Il n'y a rien à redire à cela, provisoirement bien sûr. « Provisoirement », pour dire pas tout de suite. Les utilisateurs ne citent que deux outils d'IA de réseau (trois outils d'IA au total) qui, selon eux, apportent une réelle valeur ajoutée aujourd'hui. En moyenne, ils pensent que l'IA sera suffisamment mature pour tenir certaines promesses d'ici à la fin du second semestre 2023. Si c'est le cas, ils sont prêts à étendre leur budget pour obtenir les outils qui ont fait leurs preuves. Dans l'ensemble, les acheteurs de réseaux sont optimistes pour le second semestre, mais ils ont aussi, au fond d'eux-mêmes, un peu peur. L'incertitude est l'ennemie de l'investissement, et il suffirait de pas grand-chose pour basculer vers plus de prudence. Comme les utilisateurs eux-mêmes, nous restons (théoriquement, vraisemblablement, provisoirement) confiant… pour l'instant. Mais l'hiver pourrait être encore rude.