Il semble que « l'intégration comme caractéristique essentielle du produit » soit la nouvelle religion d’AWS. Certes, il y a encore beaucoup de progrès à faire, mais c’est sans doute une bonne stratégie à suivre pour AWS. Reste que la vraie question est de savoir pourquoi tous les fournisseurs ne privilégient pas l’intégration ? « L'industrie des nouvelles technologiques a passé des décennies à regarder Apple, Microsoft et d'autres ignorer les produits concurrents en dehors de leurs propres prés carrés ». C'est vrai du point de vue du consommateur (privilégier les navigateurs, les applications de première main, etc.), mais c'est également vrai du point de vue de l'entreprise. Sauf que dans l'entreprise, c'est déconcertant. On peut, par exemple, trouver un consommateur prêt à concéder toute son expérience mobile à Apple (matériel, système d'exploitation, applications, etc.), mais aucune entreprise n’a jamais utilisé exclusivement la technologie d'un seul fournisseur, même si elle se proclame publiquement « qui comprend tout ». L'informatique d'entreprise ne fonctionne tout simplement pas de cette manière. Alors pourquoi les fournisseurs de technologie ne cherchent-ils pas davantage à aller sur le terrain des clients ? Pourquoi ne pas se concentrer sur l'intégration avec des produits concurrents plutôt que d'insister sur un futur utopique de mono-fournisseur qui ne se réalisera jamais ?
La logique du jeu à somme nulle
Je suis sûr que l’on peut trouver de bonnes explications à cela. Par exemple, il est plus facile de contrôler l'expérience du client si l’on contrôle les éléments mobiles. C’était probablement plus facile dans le monde d’avant le cloud, quand les fournisseurs livraient les logiciels et transféraient la responsabilité de leur exploitation aux clients. En revanche, dans le monde du cloud, Google, AWS et Microsoft se chargent de « la lourde tâche indifférenciée » (pour reprendre l'expression favorite d'AWS) d’exploitation du code pour les clients. C'est beaucoup plus ardu et il est sans doute plus difficile d'intégrer des services tiers sans casser l'expérience globale du client. Et pourtant, certains fournisseurs y parviennent. Même si la comparaison n’est pas similaire en tout point, Athos de Google permet aux entreprises d'exécuter des applications sur plusieurs clouds et autres environnements opérationnels, y compris ceux que Google ne contrôle pas. Comme avec Amazon DataZone, il est tout à fait possible de gérer des sources de données tierces. Un responsable IT d'une grande entreprise du secteur du voyage et de l'hôtellerie m'a confié sous couvert d'anonymat : « Je suis sûr que les fournisseurs de services cloud peuvent intégrer des services tiers, mais ce n'est pas un choix qu'ils sont prêts à faire. Par exemple, ils pourraient publier certaines interfaces pour que des tiers puissent s'intégrer à leur plan de contrôle et à d'autres ressources dans le plan de données ». En d'autres termes, l'intégration est possible, mais les fournisseurs ne semblent pas toujours la souhaiter. Ce désir de contrôle conduit parfois les fournisseurs sur des chemins qui ne sont pas optimaux pour les clients. Comme le dit ce responsable IT, « l'écosystème est en train de se briser. Au lieu d'interopérer avec des services tiers, les fournisseurs de cloud choisissent souvent de créer des services concurrents compatibles avec les API ». Il poursuit : « C’est la logique du jeu à somme nulle qui domine ici ». En d'autres termes, si un client utilise une base de données tierce et non la base de données de première main préférée du fournisseur, ce dernier est perdant. Un tel raisonnement a du sens pour les fournisseurs, mais il n'en a aucun pour les clients. Et parce qu'elle n'a aucun sens pour les clients, on peut douter qu'elle profite réellement aux vendeurs. Quelle serait donc la solution la plus sensée ?
Un mix incontournable
Prenons l’exemple d’une boutique IT de taille moyenne. Que ce soit à cause de l’IT fantôme, des fusions et acquisitions, de l'évolution des politiques informatiques ou d'autres raisons, les entreprises ont tendance à utiliser un mix de bases de données, de systèmes d'exploitation, de clouds, de suites d'outils de développement, etc. différents. Le fournisseur qui accepte cette réalité et aide ses clients à gérer efficacement cette complexité peut avoir le meilleur « verrouillage » de tous : celui qui rend la vie des entreprises clientes plus faciles, et non pas plus difficile. Le verrouillage le plus persistant pour les entreprises n'est pas lié à une licence logicielle. Comme me l'a dit un jour Merv Adrian, analyste chez Gartner, en parlant des bases de données, « la plus grande force des bases de données existantes est l'inertie ». Et il ne s'agit pas seulement des bases de données. Une fois qu'une entreprise a fait un choix technologique, les frictions liées à l’adoption d’une autre technologie ont souvent raison des meilleures intentions.
Mieux vaut être l'opérateur, n’est-ce pas ?
Dans une certaine mesure, oui, mais aucun fournisseur ne peut prendre de l’avance et accumuler les charges de travail des clients. En particulier dans le domaine du cloud (qui ne représente encore que 6 % des dépenses informatiques mondiales), et encore moins aujourd’hui, avec la détérioration de la situation macroéconomique, la clé pour augmenter les revenus est d'apporter de nouvelles charges de travail. Or, quelle est le la meilleure solution pour y parvenir ? En se connectant aux logiciels et systèmes qu'un client utilise déjà, ce qui évite les frictions liées à l'introduction d'une nouvelle technologie. En d'autres termes, la voie du succès consiste à adopter et à étendre des produits complémentaires ou concurrents plutôt que de souhaiter qu'ils n'existent pas. C’est particulièrement vrai pour les fournisseurs de services cloud. Je maintiens, comme je l’ai déjà déclaré, que « les fournisseurs de cloud qui créeront les plus grands écosystèmes et réseaux de partenaires seront les grands gagnants de cette intégration ». Le CEO de Microsoft, Satya Nadella, semble aller dans ce sens en soulignant que « le monde réel n'est pas un monde homogène d'infrastructures Microsoft. C'est un monde multicloud et multiplateforme ». Les clouds hyperscale doivent trouver la meilleure façon de permettre aux entreprises et aux communautés de prospérer sur leurs plateformes plutôt que d'essayer d'apporter (ou de faire disparaître) des solutions à un client qui les possède déjà. En 2023, l'intégration sera essentielle. Les clouds et les autres fournisseurs de technologies qui y parviendront gagneront plus de charges de travail que les fournisseurs qui poussent vers un monde à fournisseur unique qui n’arrivera jamais.