Le rugby est un sport complexe et physique, s'il en est. Un sport de combat, comme le qualifie Thomas Lombard, ancien joueur du club et international de l'équipe de France, aujourd'hui directeur général du Stade Français Paris (SFP). La santé des joueurs et des joueuses constitue ainsi un enjeu majeur, tant pour pour les sportifs que pour le club.
Le Stade Français Paris s'intéresse en particulier au temps et à la qualité de récupération après une blessure. Il cherche à évaluer plus précisément la durée d'immobilisation des athlètes, mais aussi les conditions du retour à un état et des capacités physiques proches de ceux d'avant le traumatisme. Pour cela, le club travaille sur un projet de recherche atypique en biomécanique qu'il veut enrichir avec une collecte et un traitement de la data plus efficace et pertinent, en particulier grâce à l'IA.
Une radiographie du squelette et de l'IA
Dans ce cadre, il teste la radiographie complète du squelette des athlètes avec un équipement spécifique. Le joueur ou la joueuse enfilent une tenue complète dotée de caméras et d'autres capteurs pour enregistrer leurs mouvements, les paramètres de leur course ou de leurs appuis, l'impact musculaire de certains mouvements comme un crochet, par exemple, etc. L'opération est réalisée en conditions de laboratoire, la tenue n'étant pas adaptée à des conditions d'entraînement réel.
« Nous espérons améliorer la prévention et la reprise après blessure, mais aussi anticiper et, par exemple, utiliser tous ces marqueurs pour faire évoluer les entraînements », imagine Thomas Lombard, directeur général du Stade Français Paris. (Photo : Stade.fr)
Le SFP a déjà effectué le scan de quelques sportifs, mais il démarre, à partir de septembre, une étude plus large de ses joueurs et joueuses, avec leur consentement (en conformité avec le RGPD). Il a alloué deux chercheurs et un ancien kinésithérapeute au projet et a noué un partenariat avec son sponsor depuis 2013, l'ESN Talan. Celle-ci affecte de son côté des ressources à la collecte et au traitement des informations récoltées dans le cadre du projet biomécanique, en vue de les analyser avec l'IA.
Les données propres à l'athlète et à son poste sur le terrain
L'objectif est de travailler non pas uniquement par rapport à des données génériques sur la récupération nécessaire, mais par rapport à l'état de forme dans lequel évoluait l'athlète avant son arrêt. Et même par rapport à son poste sur le terrain. « Un joueur ou une joueuse qui subit une grave entorse au genou et une opération, par exemple, sera arrêté pendant une longue durée, illustre Thomas Lombard. Au moment de la reprise, nous pourrons comparer l'état de ce membre de l'équipe à celui d'avant sa blessure et estimer les moyens nécessaires pour qu'il récupère son état d'avant. Nous pourrons aussi déceler d'éventuelles faiblesses dans son potentiel pour les pallier, en travaillant sa motricité par exemple. Au rugby, chaque poste sur le terrain correspond par ailleurs à des tâches très spécifiques, qui n'entraînent pas toutes les mêmes contraintes. »
« Nous collectons déjà beaucoup de données GPS, par exemple, ou d'autres issues de tests physiques, mais nous n'arrivons pas toujours à les utiliser ni à les croiser efficacement, poursuit le DG du club. L'idée du partenariat avec Talan, c'est de nous appuyer sur des équipes avec un savoir-faire en la matière, et qui travaillent sur l'IA, pour porter une évolution technique et concrète et même pourquoi pas générer de l'innovation. » Un sujet central pour l'équilibre des clubs et pour la santé des joueurs et joueuses. « En parallèle, cela répond à un besoin de plus en plus fort exprimé par les sponsors de donner du sens à leur engagement, au-delà du logo sur le maillot ou de l'accès aux joueurs, etc. »
Des pistes pour faire évoluer les entraînements
Enfin, Thomas Lombard compte sur l'IA pour apporter la rapidité de traitement de l'imposante quantité de données dont le club dispose déjà. « Nous espérons arriver à améliorer la prévention et la reprise après blessure, mais aussi anticiper, conclut-il. Nous voudrions identifier des sources d'informations et les croiser avec des types de blessures, des types d'entraînement, etc. Nous pourrons par exemple utiliser également tous ces marqueurs pour faire évoluer les entraînements ».