Un virage maîtrisé vers le cloud public. C'est la trajectoire qu'entend suivre Poclain Hydraulics, ETI française spécialisée dans les transmissions hydrostatiques et électrohydrauliques. Le groupe, basé dans l'Oise, est implanté dans une vingtaine de pays, notamment au travers de 8 sites de production. Mais reste un acteur de taille moyenne, employant 2300 personnes. « Les dernières avancées technologiques sont très chères pour les ETI, indique François Delys, le responsable données et service delivery de Poclain. Même s'il ne se traduit pas par des économies en production, le cloud nous permet de tester rapidement des idées, de monter des prototypes. » Une gymnastique à laquelle est préparée l'équipe d'une dizaine de personnes que dirige François Delys. « Cette organisation nommée DataFactory a été créée il y a trois ans. Elle combine une mentalité orientée service avec une approche architecturale. Elle est donc bien adaptée aux chantiers de transformation et de migration vers le cloud, sur lequel les changements sont permanents », indique le responsable.
Avec des responsabilités couvrant le DataOps, les ERP et le middleware, l'équipe, intégrée à la DSI de Poclain Hydraulics, se retrouve en première ligne du chantier de transformation qu'a entamé l'industriel, visant à moderniser ses ERP et à les consommer sous forme de service, à donner une orientation API au système d'information, à moderniser le middleware (avec des appels Rest en standard) et à déployer une chaîne CI/CD. « Nous voulons nous donner la capacité à aller consommer des briques standards sur le cloud », indique François Delys, tout en précisant que cette transition ne sera achevée qu'en 2025 ou 2026.
Préparer la mutation vers le SaaS
Pour tenir ce calendrier, l'industriel créé en 1927 au Plessis-Belleville (Oise) s'est fixé un certain nombre d'étapes. Le basculement de son ERP sur le cloud d'Oracle (OCI), en mode Iaas, tout d'abord. Un premier jalon qui a été franchi le 17 mars dernier, avec la bascule de la production sur deux zones du cloud Oracle, Poclain en profitant dans la foulée pour enclencher le passage de Peoplesoft à E-Business Suite, deux applicatifs appartenant à l'éditeur américain. « Nous avons migré sur le cloud en 47 heures, lors d'un week-end, avec l'appui des équipes d'Oracle et de notre partenaire Sqorus, se souvient François Delys. Le dimanche soir, nous étions en train d'effectuer les derniers réglages, car la Chine redémarrait à 2 heures du matin, heure française. » Dans l'architecture IT de Poclain, le système d'information reste, en effet, très centralisé et ce, de la conception des pièces à la facturation. Si ce principe évite tout besoin de réconciliation, il suppose de maintenir la disponibilité et les performances de l'infrastructure au meilleur niveau pour assurer le fonctionnement des 8 usines de l'entreprise.
« Pour l'instant, l'ensemble des environnements sont en France, car il faut tenir compte de l'évolution des mentalités en interne », dit François Delys.
Passé ces premiers jalons, Poclain prévoit ensuite de terminer la rénovation du middleware avec le SaaS de Mulesoft, et de se doter d'une chaîne CI/CD pour E-Business Suite. Tout en effectuant de premiers pas vers l'applicatif sous forme de service, notamment sur la planification. « Ensuite seulement, nous terminerons la transformation débutée sur le CRM et le SIRH en 2021, en proposant enfin également du SaaS pour l'ERP », commente le responsable IT, commente le responsable IT.
Marseille avant Paris
Le choix de cloud d'Oracle apparaît évidemment naturel en raison de la nature de l'ERP exploité par Poclain Hydraulics, le géant américain offrant sur OCI une large palette de services compatibles avec ses applicatifs. Mais, pour François Delys, ce choix est également dicté par la présence de deux régions OCI en France, tout en ayant évidemment la capacité à s'étendre à l'international. « Pour l'instant, l'ensemble des environnements sont en France, car il faut tenir compte de l'évolution des mentalités en interne », indique le responsable données et service delivery. Poclain privilégie Marseille pour sa production - car c'est pour ses implantations en Asie que l'industriel a le plus besoin d'agilité -, utilisant la région de Paris en redondance.
Pour François Delys, les critères économiques expliquent également le choix du cloud Oracle : « nous obtenons deux fois plus pour le même prix sur le compute, du fait de la décorrélation entre compute et stockage dans la grille tarifaire de ce prestataire ». Et de noter, par ailleurs, qu'une fraction des coûts techniques sur OCI est restituée à l'entreprise cliente sous forme de coûts de licence et de support. « Enfin, opter pour un seul acteur évite les parties de ping-pong entre un hébergeur et un éditeur », souligne le responsable, qui reconnaît toutefois que la situation crée un risque de dépendance accrue vis-à-vis de l'éditeur américain. « Notre politique consiste à maintenir Oracle sous une fraction de la dépense globale de la DSI », tempère ainsi François Delys.
Datacenters maison : toujours là, mais moins centraux
En fonctionnement nominal, le cloud n'induit pas de baisse des coûts par rapport à un fonctionnement sur des infrastructures maison, reconnaît François Delys. « Mais ce n'était pas le projet ! Les économies engrangées sur tel ou tel traitement unitaire sont réinvesties sur d'autres technologies et projets. Par ailleurs, nous n'avons jamais eu autant de visibilité sur les dépenses que vont engendrer les projets grâce au monitoring temps réel des coûts sur la plateforme. »
Si la migration vers le cloud couvre le collaboratif, la data et les applicatifs Oracle, elle ne permet pas d'envisager - en tout cas pour l'instant - la fermeture des datacenters maison. « Nous voulions au départ aller au bout des baux actuels et ne pas réinvestir dans l'infrastructure IT, précise François Delys. Nous y serons malgré tout poussés, du fait du rythme de migration des autres applications. Mais l'empreinte de nos datacenters va être considérablement réduite. » Une inflexion d'autant plus nécessaire qu'un des datacenters de Poclain est situé au bord de l'Oise, donc fait face à un risque d'inondation.