Peu de chance d'attirer les talents en Inde pour 320 euros par mois
[mise à jour] L'offre d'emploi défraie la chronique depuis deux jours. Publiée le 23 avril sur le site de l'ANPE, elle propose un poste d'informaticien à pourvoir à Pondichery, ancien comptoir français en Inde. Le recruteur recherche un développeur Java pour un contrat à durée indéterminée. Si les débutants, titulaires d'un BTS ou d'un DUT informatique, sont acceptés, on leur demande d'avoir d'« Excellentes connaissances de Java et C++, Visual Interface et DLL dans l'environnement Microsoft (98 et Vista) ». Là où le bât blesse, c'est que le candidat se voit offrir un contrat de droit local. Le salaire indicatif oscille entre 10 000 et 20 000 roupies par mois, soit 160 à 320 euros mensuels pour 40 heures hebdomadaires. En France, les salaires pour ces postes démarrent à 25 000 euros (voir notre « Enquête salaires 2008 » tout juste publié).
Plus encore, ce qui a soulevé l'indignation des syndicats français, c'est la mention « Protection sociale et avantages à négocier » qui figure sur cette petite annonce. Cette dernière émanerait, selon France Inter, d'une Web agency française qui se serait cassé les dents dans l'Hexagone et souhaiterait se relancer en Inde (alors qu'il est indiqué sur le site de l'ANPE que l'entreprise compte plus de 5 000 salariés).
Un informaticien formé en France ne partira pas dans ces conditions
« Il y a longtemps que plus personne ne va en Inde en se limitant à des critères de coût », considère Laurent Py, PDG de Leirios, éditeur d'une solution d'industrialisation des tests logiciels interrogé par www.lemondeinformatique.fr. Leirios a justement lancé un projet d'implantation sur le sous-continent indien avec l'assistance de la société Qualitree. [[page]]« Les entreprises qui s'installent en Inde y vont plutôt pour rechercher des compétences. On y trouve une main d'oeuvre qualifiée et mature. » Le dirigeant français souligne que les salaires y ont progressé. Il note une inflation de 15 à 30% sur ceux des consultants seniors.
« Le plus difficile sur place, c'est le recrutement, estime le fondateur de Leirios. Il y a désormais une vraie pénurie de compétences. Les ressources humaines constituent le point clé qui fait qu'une société allant là-bas réussit ou échoue : il y a une vraie lutte pour attirer les talents. » Et si Leirios envoie un collaborateur français dans sa filiale indienne, celui-ci partira avec un statut d'expatrié.
Laurent Py note que si les 20 000 roupies proposées dans l'offre relayée par l'ANPE correspondent à un salaire de junior (les seniors sont rétribués de 40 000 à 80 000 roupies), les recrues risquent de partir au bout d'un an si on ne leur octroie pas 40% d'augmentation. Montrée du doigt, l'ANPE s'était défendue en expliquant que l'offre pouvait intéresser un candidat à l'expatriation. Laurent Py n'y croit guère. « Les chances de succès de recruter des collaborateurs de cette façon-là sont voisines de zéro, conclut-il. Un Français ne partira pas dans ces conditions, un informaticien indien ayant été formé en France non plus. »
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300 euros par mois pour tester la qualité logicielle
Autre éditeur français implanté en Inde, GeoConcept, spécialiste de la cartographie décisionnelle, emploie neuf personnes à Chennai, dans l'Est du pays.[[page]] Les rémunérations de ces employés (quatre testeurs et cinq développeurs) s'échelonnent entre 300 euros et 730 euros mensuels, suivant les fonctions occupées. Le salaire des personnes chargées de tester la qualité logicielle est moins élevé que celui des développeurs. Par comparaison, la rémunération (160 à 320 euros) proposée sur le site de l'ANPE pour un poste de développeur Java se situe visiblement au-dessous de ce qui est proposé pour cette fonction sur le marché indien.
Interrogé sur la mention « Protection sociale à négocier » de l'annonce incriminée, Eric Lanzi, président de GeoConcept, confirme que les assurances ne sont pas obligatoires en Inde. Mais pour le dirigeant, qui affiche son ambition de conserver à long terme ses salariés indiens (recrutés il y a un an et demi), « la protection sociale fait partie des éléments essentiels à leur offrir ». Cette année, l'éditeur français devrait par ailleurs proposer en moyenne des augmentations de salaire allant de 10 à 15% pour conserver ces collaborateurs qu'il a formés à ses produits.