La mémoire à changement de phase (PCM) est une de ces nouvelles technologies dont l’ambition est de surpasser la vitesse de la mémoire flash et d’être moins chère que la DRAM. La PCM pourrait offrir aux entreprises et au grand public un accès plus rapide aux données, à un coût moindre que celui de la DRAM actuelle. Mais avant d’en arriver là, le constructeur a plusieurs défis à relever. En premier lieu, il doit résoudre la question de la densité. IBM affirme qu'il a atteint un nouveau record dans ce domaine. Le constructeur a réussi à produire une PCM capable de contenir trois bits par cellule, c’est-à-dire le double de la capacité de 2 bits par cellule qu’il avait atteint en 2011.
Cette plus forte densité va permettre à IBM d’augmenter la capacité de sa mémoire, avantage très appréciable pour une technologie qui reste encore très coûteuse. On trouve déjà quelques produits intégrant la mémoire à changement de phase, mais leur nombre est encore modeste. Selon Jim Handy, analyste pour le cabinet d’étude Objective Analysis, cette nouvelle version pourrait accélérer l’adoption du PCM. « Jusqu'à présent, la mémoire PCM à changement de phase était plus chère que la DRAM, donc il n'y avait pas eu beaucoup de raisons de l’utiliser », a déclaré l’analyste.
Une mémoire plus réactive que la flash
La PCM fonctionne en changeant, sous l’effet d’une charge électrique, une substance amorphe qui ressemble à du verre en une substance cristalline. Comme la flash NAND, elle conserve les données quand l’appareil est mis hors tension, ce qui n’est pas le cas de la DRAM. La PCM est plus réactive que la mémoire flash en terme d’accès aux données : selon IBM, il est de l’ordre de moins d'une microseconde pour la PCM, contre 70 microsecondes pour la mémoire flash. Sa durée de vie est également plus longue : au moins 10 millions de cycles d'écriture contre 3000 cycles en moyenne pour un stick USB flash. La mémoire PCM trois-bits pourrait accélérer le tier de stockage à l'intérieur des baies, y compris pour les baies 100% flash, c’est-à-dire que les données les plus utilisées pourront arriver plus rapidement aux applications.
« La mémoire à changement de phase pourrait également remplacer en nombre la DRAM utilisée dans les systèmes, ce qui permettrait de réduire le coût de technologies comme les bases de données in-memory », a ajouté Jim Handy. Le grand public pourrait également profiter de cette technologie. « Par exemple, si l’on stockait le système d'exploitation d’un smartphone dans la mémoire PCM trois bits, le mobile pourrait démarrer en quelques secondes », affirme IBM.
RRAM et MRAM aussi dans les starting-blocks
Cet espace situé entre la mémoire et le stockage flash suscite beaucoup d’intérêt. La technologie 3D Xpoint, développée par Intel et Micron, qui utilise des couches empilées de médias, a été conçue spécifiquement pour cela. Il existe également d'autres technologies émergentes comme la RRAM (la RAM résistive), la MRAM (la RAM magnéto résistive) et Memristor. « Comme le 3D Xpoint, la mémoire PCM trois bits pourrait être développée à grande échelle avec l'appui d'un fabricant de puces », a déclaré Jim Handy. Intel s’occupe de faire tourner 3D Xpoint sous x86, tandis que IBM s’appuie sur son architecture Power pour ouvrir la voie au PCM. Ce soutien est très important pour la production à grande échelle, car c’est elle qui permettra de réduire le coût des nouvelles technologies. IBM a ajouté deux fonctionnalités pour améliorer la PCM.
D’abord, le constructeur a trouvé une solution pour régler ce qu'on appelle la « dérive ». Cette dérive peut progressivement dégrader la capacité de la mémoire à stocker les bonnes valeurs. Il a également trouvé un moyen d’atténuer les effets de la chaleur sur la mémoire PCM de sorte qu'elle peut fonctionner de manière fiable aux températures normales du système. Autre défi de ce puzzle : amener les données au processeur sans ralentir les données sur le trajet. Pour cela, IBM a parié sur CAPI (Coherent Accelerator Processor Interface), un protocole à haute vitesse déjà utilisé sur les serveurs Power. CAPI tourne au-dessus de l'interface physique PCIe.
IBM ne peut pas dire à quel moment il pourra démarrer une production de masse et dans combien temps la mémoire trois bits PCM équipera les systèmes du marché. L’une des raisons, c’est qu’IBM n’est pas lui-même fabricant de mémoire et qu’il devra trouver un partenaire. (Pour la version PCM précédente, IBM avait coopéré avec SK Hynix.) Néanmoins, le constructeur pense qu’il faudra deux à trois ans avant que cette mémoire soit produite à grande échelle.