Hier, Pat Gelsinger, fraîchement nommé CEO d’Intel, a exposé sa stratégie de production appelée « IDM (integrated device manufacturing )2.0 » sur laquelle il compte s’appuyer pour redonner sa grandeur au fondeur. Ce plan comprenant un investissement de 20 milliards de dollars prévoit la création d'usines et une ouverture à la concurrence. Le dirigeant a aussi évoqué les prochaines puces Meteor Lake en 7nm, le retour des évènements type IDF (Intel Developer Forum), ainsi que la technologie Faveros.
2 fabs en Arizona et une ouverture à la concurrence
Au centre de ce plan, Intel prévoit donc de créer deux fonderies en Arizona. Ces unités feront partie de l'usine existante d'Ocotillo d'Intel à Chandler. Même si Intel a fourni peu de détails sur ces fabs, la société a indiqué qu'elles seraient destinées à la fabrication du « noeud avancé », c'est-à-dire les processus les plus en pointe de la société. Selon des sources internes, ces fabs devraient être mises en service en 2024 et créer environ 3 000 emplois. Il s'agit d'une réponse immédiate à la pénurie de composants dans tous les domaines. Samsung, Honda et Volkswagen ont prévenu qu'un approvisionnement limité en puces pourrait avoir un impact sur leur capacité de fabrication. Le sud-coréen, par exemple, ne parviendrait pas à obtenir suffisamment de processeurs Qualcomm pour ses mobiles d’entrée de gamme
La Fab 42 d'Intel en Arizona qui va accueillir deux unités supplémentaires. (Crédit : Intel)
Dans le même, Pat Gelsinger a dévoilé la division Intel Foundry Services qui offrira des services de conception intégrant des technologies de processeurs dont la firme n'a pas toujours fait la promotion : l'architecture RISC-V, mais aussi ARM. Intel est actuellement titulaire d'une licence ARM, mais n'a pas développé de puce spécifique depuis l'abandon de la plateforme XScale - sur base DEC StrongARM - revendue à Marvell au début des années 2000. La société devrait également fournir des cœurs x86 à ses clients, mais sans préciser lesquels, ni dans quelles conditions. Cette division sera gérée de manière indépendante sous la direction de Randhir Thakur.
Meteor Lake dans les tuyaux et IDF ressuscité
Dans sa présentation, Pat Gelsinger a déclaré qu'Intel travaillait d'arrache-pied pour rationaliser et simplifier les modalités de fabrication de ses puces afin d'accélérer sa feuille de route. Sur la partie grand public, il prévoit de consolider le design de son premier processeur 7nm, nom de code Meteor Lake, au cours du deuxième trimestre de cette année. « Vous l'avez compris je l’espère, Intel est de retour », a déclaré Pat Gelsinger.
Il a ajouté que cette puce reposera sur une architecture x86 « révolutionnaire » et de multiples processus de fabrication, le tout assemblé dans une seule matrice. Cependant, Meteor Lake en tant que produit fini ne sera pas commercialisé avant 2023. Le CEO a également précisé que son processeur Tiger Lake de 11e génération avait été expédié à 30 millions d'unités. Et des échantillons d’Alder Lake, le prochain processeur hybride d'Intel avec des coeurs hautes performances et basse consommation, ont été distribués aux clients.
Une collaboration avec IBM sur le design Foveros
La conception et la fabrication d'un processeur sont également devenues beaucoup plus complexes, et les plans IDM 2.0 d'Intel en tiennent également compte. Les puces hybrides Lakefield et le prochain processeur Alder Lake s'appuient largement sur la technologie d’empilement 3D Foveros d'Intel, qui permet une construction en trois dimensions, réduisant ainsi l'espace nécessaire dont elles ont besoin. De ce fait, le design des processeurs est devenu beaucoup plus modulaire, le fondeur faisant désormais référence aux différentes parties du processeur comme à des « tuiles » pouvant être assemblées. Le plan IDM 2.0 soutient cette évolution de deux manières. D'une part, Intel et IBM ont annoncé aujourd'hui leur intention de mettre en place une importante collaboration de recherche axée sur la création de technologies de logique et d’empilement de dernière génération, en travaillant ensemble dans les laboratoires d'Intel dans l'Oregon et d'IBM à New York.
À partir de 2023, le fondeur commencera également à faire appel à des fonderies tierces pour la fabrication, mais pas pour la conception, « d’une gamme de tuiles modulaires sur des technologies de processus avancées, y compris des produits à destination du grand public et des datacenters ». Intel a clairement indiqué qu'il utilisait déjà des fonderies pour certains de ses besoins comme la partie télécoms et composants graphiques. Désormais, la firme prévoit d'utiliser ces fonderies, comme TSMC et GlobalFoundries, pour accélérer la fabrication de produits ayant le plus de valeur qu'il fabriquerait normalement lui-même, probablement pour accélérer son calendrier de fabrication.
Une coupe transversale du fonctionnement de la technologie d’empilement 3D Foveros d'Intel. (Crédit : Intel)
À ce stade, cependant, on ne sait pas exactement ce que comprendront ces « tuiles », ni sur quels produits elles auront un impact. On sait pour l’instant qu'elles comprendront des processeurs « leaders », qui seront fabriqués dans des fonderies externes. Cela pourrait conduire à une offre plus importante, à des prix potentiellement plus bas et à une plus grande disponibilité des produits Intel.
Retour au rythme "tick tock" et IDF ressuscités
Le plan de Pat Gelsinger a été dévoilé cinq semaines après son entrée en fonction, le 15 février. Il avait été désigné en janvier pour remplacer Bob Swan au poste de directeur général d'Intel. Ce dernier occupait le poste « temporairement » après le départ inattendu de Brian Krzanich en 2018. Présent depuis trente ans chez Intel, il a travaillé de près au développement de l'USB et du WiFi. Après l’annonce de sa nomination au poste de CEO, il a promis une sorte de retour au bon vieux temps. Il a rappelé qu’il avait appris son métier auprès des anciens grands d'Intel, comme Gordon Moore et Robert Noyce. À l'époque, Pat Gelsinger avait déclaré que ses objectifs consistaient à rendre la fabrication d'Intel plus agile, à concevoir de grands produits et à exécuter rapidement ces plans.
Ces déclarations ont été faites alors qu'Intel continue de vendre des puces basées sur un processus de fabrication à 14 nm vieillissant, une inertie qui contraste fortement avec le rythme d’innovation soutenu des micro-architectures caractéristique de la stratégie « tick-tock » à laquelle Intel a adhéré pendant des décennies. Le dirigeant a déclaré qu'à l'origine, Intel avait conçu son processus à 7 nm en limitant l’usage de la lithographie à ultraviolets extrêmes. « Ce choix a rendu la fabrication plus complexe et s'est finalement avéré erroné, retardant la feuille de route d'Intel en matière de fabrication », a-t-il ajouté. Le CEO a précisé qu'il pensait avoir résolu ces problèmes. Le fondeur affirme sa volonté de reprendre ce rythme régulier, mais actuellement, la production d'Intel continue à bégayer. Si les puces Ice Lake de 10e génération pour laptops ont été fabriquées selon le processus à 10 nm, les prochaines Rocket Lake-S de 11e génération pour PC de bureau sont toujours en 14 nm.
Enfin, le patron d’Intel en a profité pour annoncer la tenue d’évènements nommés Intel On, « dans l’esprit de l’IDF ». Le fondeur prévoit par ailleurs une manifestation baptisée Intel Innovation qui se déroulera en octobre prochain à San Francisco.