Des milliers de vols annulés ou retardés. En début de semaine, l'autorité chargée du contrôle aérien en Grande-Bretagne, la National Air Traffic Services (NATS), a connu une panne majeure de son système de gestion des vols, obligeant les contrôleurs aériens à revenir à des opérations manuelles. Ce qui a considérablement diminué la quantité de vols qu'ils étaient à même de prendre en charge. Si le système a été remis sur pied dès lundi après-midi, les compagnies aériennes n'ont pas fini d'absorber le retard accumulé et de rapatrier les passagers touchés par les annulations de vols.
Si la NATS a promis une enquête officielle - un premier rapport doit être remis au ministre britannique des Transports lundi prochain -, ses équipes techniques écartent pour l'heure l'hypothèse d'une cyberattaque et expliquent que la panne trouve son origine dans un outil de traitement de données traitant les plans de vol que les compagnies aériennes envoient à l'autorité. « Nos systèmes, tant primaires que de secours, ont réagi en suspendant le traitement automatique afin de garantir qu'aucune information incorrecte liée à la sécurité ne puisse être présentée à un contrôleur aérien ou avoir un impact sur le reste du système de trafic aérien », indique le Pdg de NATS, Martin Rolfe, dans un communiqué. Le journal The Times va même jusqu'à préciser que la faute pourrait être due à un fichier incorrect transmis par une compagnie aérienne... française.
« Le système actuel nuit aux passagers »
French bashing mis de côté, l'épisode soulève de nombreuses questions outre-Manche. Sur la BBC, un ancien dirigeant de la compagnie aérienne Monarch Airlines se fait le porte-voix de l'exaspération du secteur : « Il y a quatre heures de données de vol stockées [dans les systèmes de la NATS], donc s'il y a un problème, leurs équipes ont quatre heures pour le résoudre. S'il est clair qu'ils n'ont pas pu le faire en quatre heures, les compagnies aériennes peuvent se demander à juste titre : "Pourquoi ce délai n'est-il pas porté huit heures ou vingt-quatre heures ? " C'est le service pour lequel elles paient ».
La NATS, qui gère environ 2 millions de vols par an, s'est aussi attiré les foudres de Willie Walsh, le directeur général de IATA (l'association du transport aérien international, regroupant 250 compagnies aériennes) qui a estimé que la société britannique avait « à répondre à un certain nombre de questions essentielles à propos de sa responsabilité dans ce fiasco », dénonçant également la structure du droit des passagers qui fait porter le coût des réparations sur les compagnies aériennes, même quand les retards ne sont pas de leur fait. « Tant que ce système perdure, je crains que nous ne soyons incapables d'améliorer la fiabilité, la rentabilité et les performances environnementales du contrôle aérien. Le système actuel ne protège pas les passagers. Il leur nuit.
Un sous-investissement dans l'IT ?
Ce dernier, qui est aussi l'ancien patron de British Airways, met également en cause l'autorité chargé de superviser les plans de résilience de la NATS, la Civil Aviation Authority, rattachée au ministère des Transports. « Le système devrait être conçu pour rejeter les données incorrectes, pas pour s'effondrer quand elles sont injectées. Si l'explication avancée par la NATS est vraie, cela démontre une faiblesse majeure qui doit exister depuis un certain temps », s'énerve le directeur général de IATA. Qui ne se prive toutefois de mettre publiquement en doute la version de la NATS : « d'après ce que je sais du système, cette explication ne tient pas la route », raille-t-il, interrogé par la BBC.
Dans les colonnes de The Register, un porte-parole du Strategic Aviation Special Interest Group (SASIG), un groupe de pression regroupant des collectivités du Royaume-Uni pointe, de son côté, le niveau de saturation des systèmes IT de NATS. Une situation qui fait que, même en cas de défaillance limitée dans le temps (techniquement, la panne n'a duré que quelques heures), les perturbations sont énormes. « Cela suggère un manque de résilience et soulève la question de savoir si la NATS considère que le coût de telles précautions est trop élevé. » Et de suggérer que, parce que la société en charge du contrôle aérien sait qu'elle n'aura pas à supporter les coûts de l'interruption de service, elle serait prête à prendre le risque, en sous-investissant dans ses systèmes critiques. Selon le directeur général de IATA, le coût global de l'incident de lundi pourrait se chiffrer à environ 115 M€.
Au coeur de la tempête médiatique outre-Manche, le Pdg de NATS, Martin Rolfe, a indiqué à la BBC que des mesures étaient désormais en place pour se prémunir contre ce type de défaillance « extrêmement rare » du système, et que si elle devait se reproduire, elle pourrait être résolue « très, très rapidement ».