Paul Hamerman, analyste chez Forrester Research, s'est dit surpris par le verdict fédéral prononcé mardi dans l'affaire de violation de propriété intellectuelle opposant SAP à Oracle, et qui exige le versement de 1,3 milliard de dollars de dommages et intérêts à Oracle. La décision du jury prononcée devant le tribunal fédéral d'Oakland, en Californie, est intervenue un jour à peine après les délibérations finales. Commentant le montant qui lui a été accordé, Oracle a indiqué que c'était la plus grande peine jamais prononcée contre une entreprise dans une affaire de piratage de logiciels. Même si ces dommages sont très inférieurs aux 4 milliards de dollars réclamés par Oracle, ils sont beaucoup plus élevés que les 40 millions de dollars que SAP se disait prêt à payer en reconnaissance de son délit. Après le verdict, SAP a fait part de sa déception quant au montant des dommages infligés et a déclaré qu'elle utiliserait « toutes les possibilités » pouvant déboucher sur leur réduction. Il faut donc s'attendre à ce que l'entreprise fasse appel de la décision.
Des aveux lourds de conséquences
La plainte d'Oracle contre SAP est liée aux actions de TomorrowNow, une ancienne filiale de SAP aujourd'hui fermée, qui a vendu des services de support technique tiers à des clients d'Oracle, à un tarif 50% moins cher que ceux habituellement facturés par le vendeur. En août dernier, SAP a reconnu sa responsabilité dans le vol de licence à l'origine de la plainte d'Oracle. Le mois dernier, SAP a même admis que certains de ses dirigeants avaient pu être au courant de cette activité illégale. Avec de tels aveux, le verdict était connu d'avance. « Même en considérant ces éléments, le montant du trophée est surprenant, étant donné l'ampleur limitée des opérations menées par TomorrowNow, » a estimé Paul Hamerman. « L'activité de TomorrowNow consistait à faire des mises à jour de conformité et à corriger des bugs dans les logiciels,» a déclaré l'analyste. « Elle ne cherchait pas à revendre des logiciels téléchargés illégalement, » a-t-il ajouté.
Un condamnation pour l'exemple
Selon lui, le jury aurait dû fonder sa décision sur la quantité de contrats de maintenance détenus par TomorrowNow pour évaluer le montant des dommages. « TomorrowNow avait un portefeuille de 300 à 400 clients, et faisait payer environ 50% de moins que ce qu'Oracle aurait facturé en frais de maintenance, » a-t-il indiqué. Ce qui rend le calcul des revenus potentiellement soustraits à Oracle relativement simples à établir, d'après Paul Hamerman. « Les pertes de revenus se limitent aux contrats de maintenance vendus par TomorrowNow, » a-t-il ajouté. « Le système de tarification était simple. Peu importe, que ce qu'Oracle facturait, TomorrowNow le faisait à moitié prix. » Au final, selon l'analyste, le verdict met surtout SAP dans une situation délicate. « Même si le premier souci de l'entreprise était d'éviter d'autres désagréments et de se libérer de cette affaire, le montant de l'amende décidé par le jury va la forcer à aller en appel et à étaler le procès dans le temps, » a-t-il estimé. La décision prise par le tribunal californien devrait également servir d'avertissement à d'autres entreprises tierces qui vendent de la maintenance et les inciter « à respecter plus scrupuleusement la propriété intellectuelle, » a-t-il conclu.