Salesforce.com et Oracle, qui bataillent l'un contre l'autre sur le marché du cloud, viennent de signer un accord de partenariat de neuf ans en vertu duquel ils s'engagent à intégrer leurs technologies respectives. Salesforce.com va également investir de manière conséquente dans les produits Oracle pour sa plate-forme cloud. Depuis longtemps déjà , il utilise sa base de données. Il va continuer à le faire et généraliser l'usage de plusieurs autres technologies d'Oracle : sa distribution Linux, son middleware basé sur Java et sa plateforme serveur Exadata.
De son côté, Oracle doit intégrer le logiciel de Salesforce.com avec son logiciel de gestion du capital humain Fusion HCM et avec ses applications financières dans le cloud. Salesforce.com va mettre en oeuvre ces deux applications au sein de sa société. La semaine dernière, lors de la conférence consacrée aux résultats trimestriels de l'entreprise, le CEO d'Oracle Larry Ellison avait déjà dévoilé certains de ces éléments. En moins de deux jours, Oracle vient donc de signer coup sur coup des partenariats avec deux de ses principaux concurrents, le premier, avec Microsoft, garantissant le bon fonctionnement de ses produits dans le cloud Windows Azure.
Des échanges cordiaux qui tranchent avec la rivalité habituelle
Le CEO de Salesforce.com confirme : « Larry et moi pensons que Salesforce.com et Oracle doivent intégrer leurs clouds », déclare Marc Benioff dans un communiqué. Le rapprochement de son logiciel de gestion de la relation client (CRM) avec les applications de son grand rival (les deux dirigeants se connaissent très bien et s'adressent régulièrement des piques) offre « le meilleur des deux mondes », estime-il désormais. Même esprit de conciliation pour Larry Ellison : « Quand les clients choisissent des applications cloud, ils veulent des mises en oeuvre rapides et pas chères. Ils s'attendent aussi à ce que l'intégration des applications soit effective, même si elles proviennent de fournisseurs différents. C'est la raison pour laquelle Marc et moi pensons qu'il est important que nos deux entreprises travaillent ensemble pour y parvenir », indique-t-il dans un autre communiqué.
La tonalité de ces déclarations très cordiales contraste donc avec la rivalité de longue date et bien connue qui prime généralement entre les deux hommes. On ne compte plus les répliques qu'ils échangent, même si Salesforce.com utilise la technologie d'Oracle et si Oracle a investi dès le début dans Salesforce.com. En 2011, lors de la conférence OpenWorld, Larry Ellison avait comparé la plateforme cloud de Salesforce.com à un « piège à cafards », critiquant l'usage du langage de programmation propriétaire APEX et alléguant qu'il était difficile pour les clients de quitter Salesforce. « Une fois qu'on est engagé dans la plate-forme, impossible de s'en échapper », avait déclaré le CEO d'Oracle à l'époque. Dans l'intervalle, Salesforce.com s'est, semble-t-il, rendu lui-même très dépendant de la pile d'Oracle pour les années à venir.
Salesforce va sans doute utiliser le multitenant de la 12c
On ne sait pas très bien combien d'argent Salesforce.com s'engage à dépenser, mais, d'après les grandes lignes de l'accord révélé mardi, son investissement sera significatif. Il semble aussi que Salesforce.com ne va pas chercher à utiliser d'autres technologies de base de données que celle d'Oracle, comme certains éléments ont pu le montrer. Même si cela ne figure pas dans l'accord d'hier, Salesforce.com va apparemment utiliser la base de données 12c d'Oracle, dont la sortie est imminente. Cela pourrait avoir des conséquences non négligeables sur le fonctionnement de Salesforce.com dans le domaine du multitenant. [[page]]
Jusqu'ici, l'approche de Salesforce.com consistait à partager une seule instance de l'application entre clients, en maintenant leurs données séparément. Mais Database 12c d'Oracle réalise le multitenant au niveau de la base de données elle-même grâce à une fonctionnalité dite de bases de données enfichables. Selon Larry Ellison, l'approche d'Oracle est plus efficace et plus sûre que l'architecture mutualisée au niveau de l'application.
Du point de vue des produits, l'annonce de mardi pourrait aussi permettre à Salesforce.com de modifier son image d'entreprise prétentieuse, en guerre permanente contre les éditeurs de logiciels sur site. Avec près de 4 milliards de dollars de chiffre d'affaires, voilà un moment que l'éditeur ne peut plus guère se qualifier de start-up. Mais avec les intégrations spécifiques envisagées avec les produits d'Oracle semblent placer les deux sociétés côte à côte face à des entreprises en pleine expansion comme Workday, qui fournit des applications HCM et des solutions financières dans le cloud. Oracle dispose de sa propre application CRM dans le cloud et l'éditeur va sans aucun doute continuer à rivaliser avec Salesforce.com dans ce secteur d'activité et comme dans d'autres.
Larry Ellison fait preuve d'une grande habileté stratégique
L'accord passé avec Salesforce.com intervient un jour après l'annonce par Oracle d'un partenariat avec un autre concurrent, Microsoft. L'entreprise dirigée par Steve Ballmer s'est engagée à davantage utiliser la technologie d'Oracle, y compris le langage de programmation Java, dans son service cloud Azure.
Selon les analystes Ray Wang et Holger Mueller de Constellation Research, vue dans son ensemble, cette stratégie porte la marque de Larry Ellison. « Au cours de la dernière décennie, Oracle a été à la traîne sur le marché du cloud, » ont-ils écrit dans un blog mardi. « Les capital-risqueurs conseillaient à leurs startups de ne pas s'appuyer sur Oracle pour éviter de payer trop cher la technologie propriétaire de sa base de données. Mais, Larry Ellison vient de faire preuve d'une très grande habileté stratégique, à l'image du stratège militaire Sun Tzu. Il a montré qu'il était déterminé à servir de bras armé aux fournisseurs d'infrastructure cloud ».