Une semaine après avoir obtenu le feu vert de Bruxelles pour l'acquisition de Sun, Oracle a dévoilé sa stratégie d'intégration, hier mercredi 27 janvier, depuis son siège social de Redwood Shores, en Californie. Son PDG, Larry Ellison, a formulé de grands espoirs à ce sujet et démenti formellement les rumeurs de licenciements massifs dans les rangs de Sun (certains analystes étaient allés jusqu'à prédire plus de 20 000 suppressions de postes). « Ce serait irresponsable. Au contraire, nous recrutons », a déclaré le patron d'Oracle. Il prévoit d'embaucher quelque 2 000 personnes, commerciaux et ingénieurs, soit deux fois plus, a-t-il affirmé, que le nombre de licenciements qui devraient être opérés chez Sun pour cause de double emploi. Toutefois, un porte-parole de la société a reconnu un peu plus tard qu'aucun chiffre précis n'avait vraiment été fourni sur le nombre de départs déjà effectués et sur ceux à venir.
« Notre vision en 2010, c'est de faire ce qu'IBM a réalisé dans les années soixante en offrant un ensemble cohérent de technologies combinant matériels et logiciels. Cela a fait de lui [un acteur global]. Nous aimons cette stratégie », a évoqué une nouvelle fois Larry Ellison en annonçant, pour les mois à venir, des produits qui permettront à sa technologie de fonctionner de façon intégrée avec les solutions de Sun. En septembre dernier, il avait déclaré vouloir être le digne successeur de « l'IBM de Thomas Watson ».
Transformer radicalement la chaîne logistique de Sun
Depuis l'offre d'achat de Sun, en avril 2009, un certain nombre d'acteurs de l'industrie high-tech se sont interrogés sur les raisons qui pouvaient bien pousser Oracle à mettre la main sur une société comme Sun, à la peine depuis tant d'années. Hier, l'éditeur de Redwood Shores a tenté d'expliquer comment il comptait transformer un acteur affaibli pour le faire évoluer vers des activités profitables. Le défi est d'autant plus élevé qu'Oracle a promis d'investir dans des proportions importantes dans toutes les familles de serveurs de Sun, tout autant que dans le système d'exploitation Solaris et les technologies de stockage et dans d'autres produits encore. John Fowler, ancien responsable du groupe Systèmes de Sun, désormais vice-président exécutif de l'ingénierie matérielle chez Oracle, a répondu très directement aux journalistes présents hier au siège social de l'éditeur : « Oracle est davantage axé sur le business. C'est une société plus performante, qui travaille de façon plus efficace pour mettre ses produits sur le marché et les vendre ».
Ainsi, Oracle prévoit-il de transformer radicalement la chaîne logistique de Sun, amenant la société vers un modèle d'assemblage à la commande ('build-to-order'), dans lequel les serveurs seront livrés directement aux clients depuis l'usine.[[page]]Sun, à l'inverse, s'appuyait sur un modèle 'build to stock', dans lequel les systèmes étaient d'abord envoyés dans les centres de distribution et stockés là en attendant les commandes des clients. « C'est un modèle qui ne fonctionne que lorsque la demande est prévisible, reconnaît Cindy Reese, l'ancienne responsable des opérations logistiques de Sun, désormais collaboratrice d'Oracle. Le modèle de Sun conduisait à retourner les invendus vers les usines pour être reconfigurés ou réadaptés avec la mise en place de composants plus récents. « Quand vous vous retrouvez à devoir renvoyer un serveur à un partenaire en Chine ou au Mexique, vous avez loupé une bonne occasion de réduire les coûts ».
Oracle va par ailleurs diviser par deux le nombre de fabricants avec lesquels Sun travaillait et il réduira aussi le nombre de lieux d'assemblage. « Nous allons simplifier ce qui était complexe », résume Cindy Reese.
Oracle semble abandonner l'initiative Open Cloud de Sun
Le groupe de Larry Ellison va également réorganiser la démarche commerciale de Sun. Les 2 000 embauches prévues viendront notamment renforcer les forces de vente. Il y a aura des équipes spécialisées dans le stockage et les serveurs, et les commerciaux seront rétribués sur les profits dégagés des produits vendus, plutôt que sur la valeur brute, a précisé Charles Phillips, co-président d'Oracle.
Alors qu'Oracle prévoit de conserver la majorité des produits de Sun, y compris la base de données Open Source MySQL, il compte aussi arrêter certaines activités. Ed Screven, 'architecte en chef' du groupe, affirme par exemple qu'Oracle n'a aucun projet visant à commercialiser des services informatiques à la demande du type de ce que propose Amazon Web Services, ce qui laisse entendre que l'initiative Open Cloud de Sun serait abandonnée (contrairement à ce qu'on avait pu penser).
John Fowler, vice-président exécutif de l'ingénierie matérielle d'Oracle, a par ailleurs confirmé que Sun avait stoppé le développement de son processeur Rock, par souci d'économie. Et qu'Oracle allait concentrer ses efforts sur le segment haut de gamme du marché des serveurs, qui tend à maximiser les profits. « Nous ne sommes pas intéressés par le marché des serveurs x86 sous Windows. Nous laissons Dell s'en occuper », a-t-il déclaré. Oracle prévoit aussi de restreindre l'éventail de modèles des serveurs, a précisé Cindy Reese.
Oracle déroule sa stratégie pour Sun et promet 2 000 embauches
Larry Ellison l'affirme : l'intégration de Sun va l'amener à recruter davantage de collaborateurs qu'il ne coupera de postes. Pour transformer son acquisition en activités profitables, le groupe californien prévoit notamment de rationaliser la chaîne logistique de Sun. Et s'il conserve la majorité des produits et logiciels rachetés, Oracle va réduire la gamme de serveurs et ne donnera pas suite à l'initiative Open Cloud de Sun.