Une équipe de chercheurs canadiens (Michael Kues, Christian Reimer, Piotr Roztocki, Luis Romero Cortés, Stefania Sciara,Benjamin Wetzel, Yanbing Zhang, Alfonso Cino, Sai T. Chu, Brent E. Little, David J. Moss,Lucia Caspani, José Azaña et Roberto Morandotti) a trouvé comment optimiser l’un des composants clés de l'informatique quantique. En personnalisant une puce photonique avec des composants informatiques couramment utilisés dans les équipements de télécommunications, ils ont pu développer une puce capable de générer des paires de photons multicolores intriqués. Or ces paires peuvent être manipulées comme deux chiffres de calcul quantiques ou « qudits », chacun pouvant prendre 10 valeurs. Alors que les ordinateurs classiques traitent les valeurs en séquence, les ordinateurs quantiques sont capables d'exprimer simultanément toutes les valeurs possibles d'une variable pour fournir la « bonne » réponse à la fin du calcul. Ce mode de traitement ne permet pas de résoudre tous les problèmes informatiques, mais il est particulièrement utile dans la factorisation des grands nombres, nécessaire pour casser de nombreuses clefs de cryptage.
Intrinsèquement, les composants de stockage des ordinateurs quantiques sont instables et doivent être associés à un processus connu sous le nom d'enchevêtrement ou d’intrication si l’on veut les faire travailler ensemble. Plus ces éléments sont nombreux, plus il est difficile de maintenir leur intrication et d’assurer la stabilité nécessaire pour aboutir à la résolution du calcul. L'élément quantique le plus simple est le qubit ou bit quantique à deux dimensions pouvant simultanément prendre les valeurs 0 et 1. Un ordinateur quantique à six qubits pourrait contenir chacune ou toutes les 64 valeurs possibles (2 à la puissance 6). À condition de maintenir l'état quantique des six éléments.
Des recherches tout azimut
En juillet 2016, des scientifiques russes ont cherché une alternative aux ordinateurs quantiques basés sur le design des qubits. Ils ont estimé qu’il serait peut-être plus facile de maintenir l’état quantique d’un petit nombre de qudits, chacun étant capable de contenir une plus grande gamme de valeurs. À l’époque ils avaient montré comment construire un qudit à cinq dimensions qui confèrerait plus de puissance de calcul qu'un ordinateur quantique à deux qubits. Aujourd’hui, des chercheurs canadiens ont montré que leur puce photonique pouvait intriquer deux qudits à 10-dimensions et stocker une plus grande séquence de valeurs qu'un ordinateur quantique à six qubits, et cela en stabilisant deux éléments seulement. Selon eux, avec la même puce, ils pensent qu’ils pourront générer deux quads enchevêtrés pouvant contenir 9 000 valeurs ou plus, soit l'équivalent d'un ordinateur à 12 qubits. À titre de comparaison, en mai dernier, IBM a installé un ordinateur de 16 qubits dans son cloud et a invité les scientifiques à offrir un peu de leur temps pour tester des algorithmes de calcul quantique. Google espère achever la mise au point d’un ordinateur quantique 49-qubits d'ici la fin de l'année. En France, Atos vient de dévoiler son premier simulateur quantique pour aider les universités et les entreprises à développer des logiciels exploitant cette architecture.
Mais générer des qudits ne suffit pas : il faut aussi pouvoir les manipuler pour en faire un système quantique. Pour cela, les chercheurs canadiens ont utilisé des composants de télécommunications courants comme des modulateurs et des filtres, ce qui, selon les chercheurs, fait de leur système une solution relativement accessible. « La possibilité de générer des systèmes informatiques quantiques multidimensionnels ouvrira la voie à des protocoles de communication quantique plus rapides et plus robustes, et à un calcul quantique plus efficace et tolérant aux pannes », ont déclaré les chercheurs dans un article paru au mois de juin dans la revue Nature où ils donnent plus de détails sur leurs recherches.