CIO. Vous avez été élu Stratège IT 2021 par les lecteurs de CIO avec 52,24 % des voix sur 1229 votants, vos dauphins étant Alice Guéhennec (DSI, SAUR, 14,24 %) et Vincent Champain (CEIT, Framatome, 13,51 %). Vous succédez donc à Hélène Brisset (DNum des Ministères Sociaux), élue Stratège IT 2020. Quelle est votre réaction ?
Mohamed Karouia. Bien entendu, je suis très touché par ce résultat. Nos métiers et notre direction avaient déjà eu l'occasion de dire leur satisfaction vis-à-vis de notre DSI mais il s'agit là d'une reconnaissance forte par mes pairs, le marché et les médias. A ce titre, j'en profite pour remercier tous ceux qui m'ont accordé leurs voix. La DSI de la Société du Grand Paris a eu à relever un défi colossal, celui de passer d'une DSI de start-up à une DSI en support du plus grand chantier BTP du monde, où il a fallu tout reconstruire pour réaliser ce changement d'échelle.
Pour cela, il nous a fallu bien sûr développer une vision puis une stratégie pour accomplir cette vision. Mais, ensuite, il a surtout fallu mettre en oeuvre une réelle exécution de cette stratégie et de cette vision. Sans exécution, le reste n'est que rhétorique. Vis-à-vis des métiers, il s'agissait de les convaincre que la DSI allait effectivement les aider. Vis-à-vis des marchés, il fallait démontrer le sérieux de nos projets. Enfin, vis-à-vis des collaborateurs et des candidats, la dimension ressources humaines est fondamentale pour que les candidats aient envie de nous rejoindre. J'espère que cette distinction inspirera d'autres DSI dans des contextes de très forts défis, dans le cadre d'une forte pénurie de ressources humaines et d'une non-moins forte crise sanitaire.
Nous avons également interrogé nos lecteurs sur leurs préoccupations en 2022. Le trio de tête est composé de la satisfaction des clients finaux (33,20 %), du recrutement des bons talents (20,83 %) et de la cybersécurité (18,34 %), même trio que l'an passé. Vous retrouvez-vous dans ces préoccupations ?
Oui, tout à fait. Je suis d'ailleurs très satisfait de voir que la satisfaction des clients finaux est en tête. Cela me rassure sur la maturité de la profession, sur le fait que les DSI sont bien conscients de s'intégrer à une chaîne de création de valeur. La satisfaction des clients est la raison d'être de l'entreprise et le DSI est évidement au service de cette raison d'être. Si les clients ne sont pas satisfaits, l'entreprise disparaîtra et donc sa DSI aussi.
Le recrutement est une préoccupation majeure pour tous. La digitalisation et la dématérialisation vont évidemment se poursuivre. Et cette transformation n'a jamais été aussi loin qu'avec la crise sanitaire Covid-19. Ce type de crises va d'ailleurs sans doute aller crescendo dans les années à venir. Nous avons donc besoin de talents pour accompagner cette transformation. Je suis ravi que la profession soit lucide à ce sujet.
Il en est de même sur la cybersécurité. Il y a eu beaucoup de mouvements sur le sujet depuis quelques mois pour sensibiliser jusqu'aux pouvoirs publics. Après l'espace géographique terrestre puis maritime, aérien et spatial, il y a une nécessité de réguler un autre espace : le cyber-espace. Le coût de la cyber-sécurité est majeur. Il s'accroît sans cesse. Mais les cyber-risques amènent surtout un risque d'effondrement des entreprises voire systémique. C'est donc un enjeu stratégique, politique et même géopolitique majeur.
L'an dernier, les projets majeurs ou innovants étaient marqués par le télétravail et ses conséquences. Cette année, on trouve avant tout l'intelligence artificielle (33,56%), la sécurisation et la fiabilisation du SI (23,81%) et la baisse de l'empreinte carbone de l'IT (17,12%). Etes-vous aussi en harmonie avec ces tendances ?
Tout à fait. C'est d'ailleurs cohérent avec les trois préoccupations que l'on a vues juste avant. L'intelligence artificielle est une famille de technologies qui sert l'efficience. Quelque part, son usage est un enjeu de survie pour les entreprises. L'IA va avec la maîtrise du patrimoine data. C'est une nouvelle forme de création de valeur de plus en plus rapide. Il s'agit d'être de plus en plus proche des préoccupations des clients grâce à l'exploitation des données issues de ces clients.
Bien entendu, la sécurisation et la fiabilisation sont aussi en lien avec le service rendu et sont nécessaires à la continuité d'activité.
Enfin, sur l'empreinte carbone, je voudrais rappeler que écologie et économie partagent une même étymologie autour de l'habitat, de sa connaissance à sa gestion. Il n'y a pas d'opposition entre les deux. Je me réjoui de voir le sujet dans le Top Trois. Au sein de la Société du Grand Paris, l'empreinte environnementale fait partie des orientations stratégiques présentées par notre Président, Jean-François Monteils, avec l'empreinte urbaine et l'empreinte sociale.