Microsoft Office 2010 arrive. La disponibilité commerciale du produit sera effective le 12 mai pour les entreprises (et mi-juin pour le grand public). Face à lui, Google agite ses 'Apps'. Toutefois, pour régner demain sur les outils bureautiques des entreprises, il reste encore quelques points à régler dans le face à face qui oppose ces deux grands acteurs.
En premier lieu, en dépit du prix attractif des logiciels Google Apps et des deux millions d'entreprise qui, selon Google, les utilisent déjà, la société de Larry Page et Sergey Brin est encore très loin du compte par rapport à Microsoft. Le taux d'adoption de ses outils le place également derrière des suites comme OpenOffice et Lotus Symphony, d'IBM. On peut estimer, selon nos confrères de CIO.com, que Google a généré en 2009 quelque 50 millions de dollars avec ses 'Apps', soit 0,2% de son chiffre d'affaires total sur l'année (23,6 milliards de dollars).
Microsoft, de son côté, se doit bien sûr de fournir une réponse concurrentielle avec les Web Apps livrées au sein d'Office 2010 (ou accessibles gratuitement pour le grand public sur Windows Live). Mais pas trop, puisque ces applications en ligne vont vraisemblablement rapporter beaucoup moins que la traditionnelle suite Office. Sur son exercice 2009, la division Business de Microsoft, au sein de laquelle Office constitue une pièce majeure, a généré 18,9 milliards de dollars. L'éditeur de Redmond doit maintenant convaincre qu'il évolue dans le cloud de la même façon que Google.
Les analystes pensent que s'il existe un acteur doté de la puissance financière et de l'image de marque suffisante pour prendre le pas sur Microsoft, c'est bien Google. Le chemin est encore long, toutefois.
Forrester souligne la faible pénétration des Google Apps
L'entreprise d'aujourd'hui se voit certes offrir une pléthore d'outils de productivité. Outre Microsoft et ses challengers comme Symphony, on trouve donc des produits uniquement accessibles sur le Web, comme les Google Apps et la suite Office de Zoho. Pourtant, même si le navigateur web est devenu l'outil le plus répandu, le recours aux outils bureautiques dans le cloud reste faible, comparé à l'usage de Microsoft Office, selon une récente enquête de Forrester Research. En mars, le cabinet d'étude a consulté 115 responsables des choix technologiques dans des entreprises situées en Europe et en Amérique du Nord. Seuls 4% d'entre elles utilisaient les Google Apps tandis que 81% s'appuyaient sur Office 2007. Plus encore, un tiers des personnes interrogées prévoyaient de migrer vers la version 2010 d'Office l'année suivante, et un quart dans les deux ou trois ans. [[page]]Dans ce contexte, Google a-t-il une chance face à MS Office dans l'entreprise ? Peut-être pas tout de suite, mais les analyses pensent qu'il figure en bonne position pour creuser son sillon à mesure que les entreprises glissent vers le Web.
« Google est un acteur du Web et c'est lui qui a le plus de ressources pour amener l'entreprise sur ce terrain, affirme Sheri McLeish, analyste chez Forrester Research. Les environnements mixtes dans lesquels Google complète Microsoft représentent l'avenir ». Malgré tout, Sheri McLeish n'est pas encore convaincue du total engagement de Google à l'égard des entreprises. Elle considère que l'interface claire et simple de ses outils qui, de fait, convient au grand public, pourrait s'avérer trop limitée pour une utilisation professionnelle. « Google Wave, par exemple, semble être une bonne idée, mais cet outil a besoin d'une masse critique et il ne l'atteint pas ».
Microsoft a scellé ses fondations dans l'entreprise
Les Google Apps sont tarifées 50 dollars par utilisateur par an avec 25 Go de stockage pour la messagerie Gmail et les outils de sécurité Postini. La conservation des archives est facturée en sus (de 13 à 33 dollars selon la durée). Le mois dernier, Google Docs a été mis à jour : plus rapide, il a amélioré ses capacités de collaboration en temps réel, terrain sur lequel Google dispose justement d'un atout face à Office. Et pour marquer les esprits, le géant des moteurs de recherche a convié 400 CIO pour leur présenter la nouvelle version de son traitement de texte en ligne.
Côté Microsoft Office, outre-Atlantique, le tarif s'étage entre 150 et 680 dollars selon les versions. La version 2010 apportera des déclinaisons Web de Word, Excel, PowerPoint et OneNote, mais qui ne disposeront pas de toutes les fonctions des versions pour poste de travail. Il existera deux versions des Web Apps. Celle destinée au grand public, gratuite, comportera des messages publicitaires. Celle qui s'adresse aux entreprises se déploie dans un environnement SharePoint, accessible dans le cloud via les Online Services de Microsoft. L'entreprise peut aussi choisir un déploiement interne sur ses propres serveurs SharePoint.
Quant aux Online Services, ils rassemblent un véritable arsenal d'applications dans le cloud : le portail collaboratif SharePoint Online, le serveur de messagerie Exchange Online, les fonctions de messagerie instantanée et d'indication de présence OCS et les outils de webconférence Live Meeting. Le tout pour 10 dollars par utilisateur et par mois.[[page]]La difficulté pour Google, c'est que face à lui, Microsoft a acquis une expérience considérable dans le support aux entreprises, insiste Sheri McLeish, de Forrester Research. « Microsoft a scellé ses fondations dans l'entreprise. Cela signifie qu'il peut continuer à demander des tarifs élevés pour les versions complètes d'Office alors même que les Google Apps sont moins chères ou même gratuites ».
Microsoft ne manque pas une occasion de rappeler qu'il s'est construit en travaillant avec les entreprises alors que Google s'est développé avec le grand public.
Google a forcé Microsoft à transformer son modèle économique
Toutefois, même si la présence de Google est faible en entreprise, ce groupe n'en est pas moins devenu un géant qui s'est forgé un nom internationalement connu et des produits qui sont devenus familiers au plus grand nombre, en particulier Gmail. Il ne représente peut-être pas un danger véritable pour Microsoft dans l'entreprise, mais il l'a malgré tout forcé Microsoft à transformer son modèle économique. Ce dernier a dû créer des versions en ligne de ses logiciels bureautiques, baisser les prix, et expliquer aux utilisateurs pourquoi ils devaient débourser autant pour Office et Exchange alors qu'ils pourraient tout simplement passer à Google et réduire ainsi leurs dépenses.
Ce qui constituerait le pire scénario pour Microsoft
« Cette nouvelle dynamique a posé un dilemme à Microsoft qui a dû promouvoir des applications dans le cloud au détriment de ses solutions traditionnelles », réitère l'analyste Roger Kay, vétéran du secteur IT et fondateur d'Endpoint Technologies. Lui aussi considère que Microsoft doit convaincre avec ses Web Apps, mais pas trop. « Il ne tirera pas autant de revenus de ses applications dans le cloud. Il doit donc en faire des outils suffisamment légers que les gens voudront améliorer en accédant au produit le plus coûteux. Microsoft sera réticent à abandonner ce qui lui rapporte. » Ce n'est pas un problème facile à résoudre. Pour Roger Kay, le pire scénario pour la société de Steve Ballmer serait que les Office Web Apps décollent, de même que Exchange et Sharepoint Online, et finissent par cannibaliser les versions classiques d'Office, tout en ne parvenant pas à éliminer les Google Apps.
Google lui-même concède que, pour lui, un succès immédiat dans l'entreprise est quelque chose d'irréaliste. Même s'il reste complètement axé sur cette voie et s'il souligne son avancée rapide sur ce terrain en trois ans. « Les Google Apps sont sortis en 2007. Nous sommes partis de zéro pour atteindre 2 millions d'utilisateurs professionnels aujourd'hui, insiste Rajen Sheth, le responsable produit des Google Apps. Il y a un tel potentiel dans ce domaine et nous sommes sur ce marché pour longtemps. »
Microsoft Office 2010 face aux Google Apps dans l'entreprise
Une récente enquête de Forrester Research auprès d'entreprises en Europe et en Amérique du Nord a montré que seuls 4% d'entre elles utilisaient les Google Apps tandis que 81% s'appuyaient sur Office 2007. Dans ce contexte, Google a-t-il une chance face à MS Office dans l'entreprise ? Peut-être pas tout de suite, mais il figure en bonne position pour creuser son sillon à mesure que les entreprises glissent vers le Web.