L’informatique quantique figure en tête des priorités de Microsoft depuis plusieurs années, ainsi qu'il l’avait exposé il y a un an. L’éditeur de Redmond vient de revenir sur le sujet à l'occasion de sa conférence Ignite, qui se tient du 25 au 29 septembre à Orlando. Ses équipes de R&D sont engagées dans un projet de développement de cette nature qui va des puces jusqu’au système d’exploitation pour essayer de contrôler cette technologie d’ordinateur disruptive. Le fournisseur suit ainsi les traces d’IBM et de D-Wave Systems – dont l’ordinateur quantique 2000Q est déjà construit et vendu à des clients comme le laboratoire national de Los Alamos et Google, entre autres.
Microsoft espère pouvoir développer des processeurs en recourant aux qubits topologiques, une forme plus stable de bits quantiques, plus résistants dans le cadre d’une utilisation quotidienne, indique-t-il. Dans le même temps, la firme dirigée par Satya Nadella développe un langage de programmation des bits quantiques qui utilise ce modèle. Le système sera disponible dans une préversion gratuite d’ici la fin de l’année. Cela inclura des bibliothèques et des tutoriels pour que les développeurs puissent se familiariser avec l’informatique quantique. Cette approche est similaire à celle d’IBM dont l’ordinateur quantique 5-qubit est déjà accessible dans le cloud pour qui veut le découvrir.
Refroidi juste au-dessus de zéro
Sur Ignite 2017, en Floride, Satya Nadella a rappelé que l’informatique quantique permettait différentes approches par rapport à l’informatique classique. Alors qu’un PC traite un problème en employant la force brute qui consiste à essayer toutes les solutions possibles de façon séquentielle, l’ordinateur quantique peut essayer autant de solutions en parallèle, en une seule fois. « C’est l’intuition derrière la puissance du quantique », a exprimé le CEO. Tout cela est encore peu compris par le monde de l’entreprise et du big data, et un serveur exploitant des processeurs qubits passe encore pour de la science-fiction. Pour ce qui est du PC, on ne le verra probablement pas de sitôt. L’une des limites de l’informatique quantique est qu’il faut que le matériel soit refroidi à des températures de quelques millikelvin (soit juste au-dessus du zéro absolu) pour qu’elle puisse fonctionner. Cela la rend impraticable pour une utilisation quotidienne, tout du moins actuellement.
Un système de refroidissement utilisé par BlueFors Cryogenics pour aider à refroidir les puces quantiques. (crédit : Microsoft)
Ce qu’essaie de faire Microsoft, c’est d’imposer de l’ordre dans ce nouveau marché en développant les langages et éventuellement les outils. S'il décolle, il y sera ainsi directement engagé. Par rapport aux machines actuelles qui stockent les données dans les états 0 et 1, les ordinateurs quantiques calculent de façon différente et stockent les données sous forme de 1, 0, dans les deux états simultanément et dans d’autres états encore. La flexibilité du qubit permet de faire beaucoup plus de calculs de façon simultanée. Le problème est que les qubits sont également instables, ce qui pourrait rompre un cycle de traitement. Les chercheurs essaient de résoudre ce problème de différentes façons. Par exemple, D-Wave utilise un champ magnétique pour effectuer les opérations. IBM de son côté s’appuie sur un autre modèle (gate).
Rapidement décrite, l’approche de qubit topologique de Microsoft est comme un nœud sur une corde. L’information que transporte normalement un qubit est physiquement séparée ou fractionnée, répartie entre deux particules de Majorana, selon Michael Freedman, lauréat de la médaille Fields travaillant chez Microsoft. Cela les rend plus résistants, explique-t-il.
Michael Freedman, médaillé Fields, est le directeur du laboratoire Station Q, consacré aux technologies quantiques, que Microsoft a installé sur le campus de l'Université de Californie à Santa Barbara. (crédit : Brian Smale pour MS)
Microsoft espère concevoir et bâtir lui-même la pile complète du traitement quantique : la puce elle-même, l’ordinateur, les langages et les logiciels pour faire fonctionner l’ensemble. Quand prévoit-il de l’avoir achevé ? C’est ce que n’ont pas précisé les dirigeants de l’entreprise.