En informatique quantique, Microsoft explore depuis plus de deux décennies l’approche de calcul quantique topologique. Hier, l’éditeur américain basé à Redmond a annoncé avoir franchi une étape historique le confortant sur cette voie. « Microsoft a adopté depuis bientôt 25 ans une approche plus difficile, mais finalement plus prometteuse, d'une informatique quantique capable de passer à l'échelle avec des qubits topologiques qui sont théorisés pour être intrinsèquement plus stables que les qubits produits avec les méthodes existantes sans pour autant sacrifier la taille ou la vitesse », rappelle à cette occasion Bernard Ourghanlian, directeur technique et sécurité de Microsoft France, dans un billet publié ce matin sur Linkedin.
En novembre 2017, le docteur en mathématiques qu’il est, régulièrement sollicité pour apporter un éclairage didactique sur l’informatique quantique, avait détaillé l’approche topologique suivie par Microsoft pour tenter de simplifier la résolution du phénomène de décohérence quantique. Il expliquait alors que la mise en oeuvre de quasi-particules anyons au sein d’un ordinateur quantique topologique avait été envisagée autour d’une particule « étrange », le fermion de Majorana. Un peu plus de 4 ans plus tard, le directeur technique expose l’avancée réalisée par Microsoft : « nous avons découvert que nous pouvions produire la phase supraconductrice topologique avec ses modes zéro de Majorana concomitants, éliminant ainsi un obstacle important à la construction d'une machine quantique à l'échelle », annonce Bernard Ourghanlian dans son billet sur LinkedIn en expliquant que « les qubits topologiques sont contrôlés par une propriété fondamentale appelée gap topologique ».
Un écart topologique de 30 μeV
Dans un billet et une vidéo, le Dr Chetan Nayak, éminent ingénieur de Microsoft Quantum, relate comment son équipe a démontré la physique sous-jacente nécessaire à la création d’un nouveau type de qubit. Le calcul quantique topologique ouvre une voie vers la tolérance aux pannes au niveau du matériel. « La fidélité, la vitesse et la taille d’un qubit topologique sont contrôlées par une énergie caractéristique, le gap topologique », indique le chercheur. « Cette voie n'est ouverte que si l'on peut produire de manière fiable une phase topologique de la matière et vérifier expérimentalement que les sous-composants d'un qubit sont dans une phase topologique et prêts pour le traitement de l'information quantique ». Cela n'est pas trivial, souligne-t-il.
Au cours de ses dernières recherches, l’équipe de Microsoft Quantum a « observé un écart topologique de 30 μeV dans des hétérostructures d’arséniure d’indium-aluminium ». Il s’agit, explique le Dr Chetan Nayak, « à la fois d’une avancée scientifique majeure et d’une étape cruciale sur la voie de l’informatique quantique topologique qui repose sur la fusion et le tressage des anyons, les deux opérations primitives sur les quasi-particules topologiques ». L'écart topologique contrôle la tolérance aux pannes que l'état de la matière sous-jacente offre à ces opérations. La physique sous-jacente ayant été démontrée, l’étape suivante est un qubit topologique grâce auquel une machine quantique pourra, dans le futur, passer à l’échelle pour réaliser les promesses du quantique et résoudre les défis les plus complexes et les plus urgents auxquels notre société est confrontée, conclut le Dr Chetan Nayak.