Le Monde Informatique : Vous avez été promu Personnalité IT de l’année 2021 par les lecteurs du Monde Informatique, quel est votre sentiment ?
Michel Van Den Berghe : C’est un honneur et une concrétisation du travail accompli par toute une équipe derrière le projet du Campus Cyber. Je remercie les lecteurs du Monde Informatique pour leur vote et je félicite aussi Josra Jarraya et Guillaume Rozier qui sont sur le podium.
Avant de parler du Campus Cyber, certains de nos lecteurs ne vous connaissent pas. Pouvez-vous nous rappeler votre parcours ?
Je suis un autodidacte avec zéro diplôme et dyslexique. Au lycée, j’ai fait le grand chelem (2 2nde, 2 premières et 2 terminales). Puis, j’ai fait l’armée dans le chiffre, mon premier contact avec la sécurité. Mon intérêt pour l’informatique a débuté au début des années 80 avec une formation équivalente à un DUT. J’ai commencé au groupe La Redoute où les commandes s’effectuaient par Minitel et la fraude débutait aussi. Dans les années 90, je suis entré chez Computer Associates (CA) où j’ai gravi les échelons pour devenir directeur Europe du Sud. Puis en 2000, je suis allé chez Access 360, une société américaine spécialisée dans la gestion des identités qui a été rachetée par IBM. La technologie était bonne, mais il y avait un problème d’intégration, j’ai donc décidé en 2002 de créer Atheos, une société de conseil sur la gestion des identités et la sécurité des systèmes d’information. En 2014, l’entreprise a été acquise par Orange Business Services et j’ai pris la direction de l’entité Orange Cyber Défense. A mon départ en juin 2021, elle réalisait environ 700 M€ de chiffre d’affaires.
Comment est née l’idée du Campus Cyber ?
C’est une idée du président de la République qui souhaitait une initiative pour rassembler les acteurs privés en matière de cybersécurité. Guillaume Poupard (NDLR : directeur général de l’Anssi) et Claire Landais (NDLR : Secrétaire générale du gouvernement) ont poussé l’idée lors d’un conseil de défense de travailler sur un projet fédérant cet écosystème. Puis, ils ont sondé le marché pour savoir qui pourrait réfléchir sur ce projet et mon nom est sorti. Le Premier ministre m’a alors chargé en juillet 2019 d’une mission sur la création d’un campus réunissant les forces vives de la cybersécurité française.
Vous êtes-vous inspirés des projets similaires à l’étranger ?
Nous avons regardé effectivement le campus de Beer Sheva en Israël souvent cité en exemple, tout comme Skolkovo en Russie ou la Silicon Valley. Ce qui nous a marqués rapidement, c’est que l’emplacement du campus était un élément important. Il fallait donc un lieu accessible pour les futurs membres et acteurs du campus cyber. Le site à côté de la Défense répond à cette problématique d’un lieu totem et accessible. Par ailleurs, un autre point était frappant le manque de lien avec les clients finaux. Il était impératif de leur accorder une place dans le campus pour travailler avec les différents acteurs sur des solutions dédiées.
Le Campus Cyber est devenu une réalité avec son inauguration le 15 février. Combien de personnes et d’acteurs vont intégrer les locaux ?
La rentrée dans les locaux va être progressive pour garantir un accueil personnalisé. L’immeuble comprend 13 étages pour une surface totale de plus de 26 000 m² et réunira 80 résidents (grands comptes, start-ups, organismes de recherches …). Le site devrait à terme accueillir entre 1 600 et 1 700 experts en cybersécurité. Il y a plusieurs entreprises présentes comme Alstom, BNP, l’Oréal, LVMH ou Sodexo. Il y a un studio pour accompagner l’amorçage et la croissance des start-ups dans la cybersécurité. Des écoles et des universités pour accélérer et présenter les besoins en compétences cyber.
A peine achevé que vous réfléchissez déjà à une extension du Campus Cyber dans le département des Yvelines ?
Oui, il y a effectivement une extension qui est prévue dans les Yvelines. Nous avons finalisé l’accord avec le conseil départemental au mois de janvier. Cette extension devrait accueillir des projets autour de l’IoT, la mobilité, des drones, des voitures connectées. Ces travaux nécessitent plus de place qu’à la Défense. Nous allons être vigilants sur la proximité des transports avec le prolongement d’Eole et pas trop loin non plus du Campus Cyber (environ 20 min).
Le Campus Cyber a aussi pour vocation à essaimer en région ?
L’idée est effectivement d’avoir un réseau de campus cyber en région. Nous avons déjà signé un accord avec la région Bretagne et celle de Pays de Loire. D’autres sont intéressés comme les Hauts de France. Le développement de ce tissu régional peut se faire en parallèle de la création de CSIRT, centre de réponse à incident souhaité par le plan national de cybersécurité et le plan de relance.
Le secteur de la cybersécurité connaît une pénurie de compétences, comment le Campus Cyber peut répondre à cette problématique ?
Il y a un travail sur l’image de la profession qui reste trop technique. Or dans le domaine de la cybersécurité, il y a des besoins sur le plan juridique, commercial, éthique, etc. L’Anssi va prochainement publier un répertoire sur les métiers dans la cybersécurité. Le Campus Cyber doit être une vitrine pour montrer aux jeunes l’ensemble des métiers disponibles dans ce domaine. Il est aussi le lieu de rencontre entre le secteur académique et l’écosystème.
Le Campus n’est pas seulement un lieu de rencontre, on travaille aussi et des groupes de travail se sont déjà formés avant même l’ouverture officielle ?
Des groupes de travail se sont constitués autour de 6 thèmes, qui ont réuni 108 participants. Parmi les sujets de réflexion, il y a les questions d’anticipation, « quelles seront les menaces de demain », un livre blanc sur ce thème doit être livré au début 2022. Les autres domaines portent sur les bases de données de Threat Intelligence, les cryptoactifs, l’IA et la cybersécurité et enfin la formation. L’objectif est de livrer des communs qui servent à l’ensemble de l’écosystème. Il y a par ailleurs des demandes plus verticalisées comme pour les banques et les assurances ou des constructeurs automobiles et de transports.