On ne vous en voudra pas si vous hésitez entre « milliardaire » et « passionné de jeux de sociétés » pour le décrire. Matt Calkins est un peu des deux. Le CEO d’Appian a récemment été listé parmi les personnes les plus riches grâce à cette entreprise qu’il a fondée à l’âge de 26 ans. Son ambition : rendre les logiciels low code accessibles pour les clients BtoB. Nos confrères d’IDG l'ont rencontré cette semaine dans sa suite au 15e étage de l'hôtel Fontainebleu à Miami, en Floride, où Appian organise sa conférence annuelle. Lors de l'ouverture de cette dernière, mardi, le CEO a clarifié la volonté de l'entreprise : devenir une sorte de loi de Moore pour les logiciels au lieu des transistors. Accélérer et rendre plus simple le développement d’applications tous les deux ans donc.
« Je ne suis pas capable de vous dire combien de temps prend le développement d’une application aujourd’hui par rapport à il y a deux ans, ou combien de temps cela prendra dans deux ans. Et ça n’apporterait rien de le savoir » explique Matt Calkins. « Ce que je peux vous dire c’est que nous essayons d’atteindre cet objectif. J’ai demandé à un de nos clients, avec qui nous travaillons depuis quatre ans : Si cela vous prenait cent jours au début pour créer une application, combien de temps mettez-vous aujourd’hui ? Il m’a répondu 25 jours. »
Pas de ticker, pas de soumission à l’action
Malgré son expérience en économie, Matt Calkins trouve qu’il y a eu peu de différences notables dans la façon dont il dirige son entreprise depuis l’entrée en bourse à 75 millions de dollars d’Appian en mai 2017. En effet, le CEO adopte une approche peu conventionnelle des fonctions de direction. « Je ne vérifie pas le cours de l’action, ou dans de très rares occasions » avoue-t-il. « Chaque fois qu’il se passe quelque chose d’intéressant, quelqu’un fait irruption dans mon bureau en me disant : Tu as vu le cours de l’action ? Je réponds toujours que je n’en sais rien. Ca fait littéralement des semaines que je n’ai pas regardé. » Cela ne veut pas dire qu’il n’en a rien à faire, mais il explique qu’il ne veut simplement pas être distrait. « Warren Buffet n’a pas de téléscripteur [Bloomberg] dans son bureau, et il a bien raison. Ne pas en avoir, c’est ne pas être tenté de voir ce qu'il se passe. L’activité d’une entreprise ne se construit pas sur ce qu’elle va faire en cinq minutes, contrairement au cours qui va fluctuer sur cette période. Il faut démêler les deux concepts et intégrer qu’il n’y a pas de causalité entre l’activité des cinq prochaines minutes et le fait que l’action monte. »
Le fondateur d’Appian a fixé à deux ou trois jours par trimestre financier le temps passé avec les investisseurs. « Ils vont me dire où aller et à qui parler mais la plupart du temps je continue à diriger la société comme d’habitude » assure-t-il. Cette IPO était-elle un signal à des acheteurs potentiels ? Matt Calkins répond qu’il n’espère aucun rachat mais ne l’exclut pas. « Nous avons un magnifique potentiel que j’aimerais réaliser. Je me rends compte que certaines entreprises entrent en bourse en espérant être rachetées juste avant ou juste après. Nous, nous voulions simplement montrer que nous sommes présents sur le marché. »
Low code VS complexité
En proposant de simplifier le développement d’applications, il y a fort à craindre que des résistances se fassent sentir, particulièrement auprès de personnes dont la carrière repose sur cette complexité. « Personne ne veut être un luddite [briseur de machines à tisser au XIXe siécle], c’est juste que le changement est difficile » explique Matt Calkins. « Le fait que les logiciels doivent être compliqués est devenu presque logique dans la pensée commune, c’est normal pour les gens. Et nous avons oublié de nous en plaindre. Je ne blâme pas ceux qui acceptent le statu quo, mais j’aimerais qu’ils sachent qu’il y a d’autres solutions » insiste le CEO d’Appian.
La société se développe rapidement, en particulier en dehors de son marché américain. L’Europe surpasse même toutes les autres régions, en hausse de 90% l’an dernier. La société a des bureaux à travers tout le continent : Londres, Madrid, Paris, Zurich et Francfort. Ses clients européens comprennent de grandes sociétés pharmaceutiques et de nombreuses banques londoniennes, dont Barclays qui travaille aussi avec l’éditeur en Amérique. Selon Matt Calkins, chacun utilise au moins une fois par jour une application développée avec l’aide d’Appian. Les entreprises du Fortune 50 qui développent leurs logiciels avec Appian peuvent être parfois prudents quant à leur utilisation des solutions de l’éditeur. Parce qu’ils veulent que leurs clients pensent que leurs applications sont totalement les leurs, de bout en bout.
RGPD : des perspectives juteuses
Une des raisons de cet engouement pour la solution de l’éditeur sur le continent pourrait être la mise en conformité avec le RGPD. Le produit l’automatise grâce à la gestion des processus métier d’Appian. Donc cela fait de la règlementation une vache à lait pour l’entreprise ? « Pas encore, mais ça le sera » indique Matt Calkins. « Chaque entreprise a sa propre démarche à réaliser pour se conformer au RGPD, et lorsque vous avez besoin d’un processus unique à construire rapidement et modifiable au cours du temps, nous sommes présent. Et je pense que beaucoup d’entreprises nous appelleront. »