« Software defined mainframe », c’est ainsi que l’éditeur suisse LzLabs définit la solution qu’il a développée pour aider les entreprises à moderniser leurs applications mainframe en les portant, sans toucher au code ni aux données, sur les plateformes Linux RHEL et dans le cloud Microsoft Azure. La société, dirigée par Mark Cresswell, CEO, et Thilo Rockmann, président et COO, a été créée à Zurich en 2011. Elle a pris cinq années pour mettre au point sa technologie de containers qui permet d’émuler l’environnement mainframe. Celle-ci a été présentée en mars dernier au Cebit et lancée en juillet. Placés dans des containers, les binaires exécutables des programmes s’exécutent sur des plateformes x86 de façon iso-fonctionnelle par rapport à l’application d’origine sans avoir à recompiler le code Cobol ou PL/1, ni à procéder à des modifications complexes. La technologie est actuellement évaluée par plusieurs entreprises, notamment en Suisse, et les premières signatures de contrats devraient être annoncées d’ici la fin de l’année. Chez LzLabs, « une centaine de personnes travaillent sur ce projet dont 2/3 de programmeurs », nous a précisé Mark Cresswell. « Notre société est très concentrée sur l'ingénierie ».
Avec un éditeur français comme Cobol-IT, bien implanté sur le marché de la migration des applications mainframe vers d’autres plateformes (principal concurrent d'un acteur comme Micro Focus), l'éditeur suisse a noué au printemps dernier un partenariat à la fois technologique et commercial, notamment pour la mise en place de son offre à l’échelle internationale. De fait, les deux entreprises s'adressent aux mêmes clients, souligne Philippe Fraysse, vice-président, responsable des ventes mondiales de Cobol-IT. Sur le volet technologique, sa société apporte des outils complémentaires à ceux de LzLabs lorsque les clients doivent procéder à des modifications sur leurs applications Cobol. Dans ces cas-là, une version personnalisée du compilateur de Cobol-IT permet aux entreprises de migrer, déployer et maintenir leurs applications Cobol dans différents environnements incluant Windows, HP-UX, Solaris, AIX, Linux et zLinux (version Linux pour les z Systems).
Eranea convertit les applications mainframe en Java
Pour diversifier les capacités de son offre et l’ouvrir vers l’univers Java, LzLabs vient par ailleurs d’acquérir la propriété intellectuelle et les actifs technologiques d'une autre société suisse, Eranea. Basée à Lausanne, celle-ci lui apporte des outils permettant de générer des millions de lignes Java à partir du code Cobol. « Les applications peuvent ensuite fonctionner sur d’autres plateformes », souligne son fondateur, Didier Durand, qui rappelle le slogan de Java, « write once, run anywhere ». La nécessité de faire évoluer les applications mainframe, très présentes dans les banques et les compagnies d’assurance (mais pas seulement) est une problématique bien connue depuis de nombreuses années maintenant.
Or, en dépit de la certitude de voir les compétences autour de ces systèmes se raréfier à mesure que les ressources spécialisées s’approchent de la retraite, il reste encore plus de 220 milliards de lignes de code Cobol en exploitation au niveau mondial. Environ 70% des transactions commerciales dans le monde passent à un moment donné par une application mainframe, rappelle LzLabs. Outre la problématique de disparition des compétences, le coût des applications mainframe est également très élevé. Pour une banque de taille moyenne (quelques milliers d’employés), qui exploite une puissance de 2 000 à 5 000 Mips, il est évalué à 3 000 euros par an, soit un coût de 5 à 15 millions d’euros à l’année. S’il descend autour de 2 000 €/an/Mips dans les grandes banques, il peut grimper jusqu’à 8 000 €/an/Mips pour les plus petites, indique Didier Durand. Le portage des applications sur des plateformes x86 peut réduire ce coût de 90%, assure-t-il.
Investir pour lutter pied à pied avec les FinTech
« Les économies ainsi générées peuvent être réinvesties dans la modernisation des applications et, en particulier dans le monde bancaire, permettre de réaliser des développements pour lutter contre les nouveaux concurrents que constituent les FinTech », pointe le fondateur d'Eranea qui vient tout juste de rejoindre LzLabs. Porter les applications mainframe de façon iso-fonctionnelle sur serveurs x86 est une chose, mais pour « se battre pied à pied » avec les FinTech, « vous n’êtes qu’au début du voyage », avertit Didier Durand. Car c’est bien à la partie rentable de l’activité des banques que ces acteurs disruptifs viennent s’attaquer.
L’intérêt de mettre en containers les applications mainframes, c’est aussi de pouvoir s’extraire de leur caractère monolithique. On peut alors s’affranchir du rythme d’évolution annuel qui contraint à attendre six mois ou un an pour la moindre modification. La mise en containers permet de faire tester des portions d’applications par quelques utilisateurs dans une démarche DevOps. « On peut aussi faire des releases mineures on the fly », souligne Philippe Fraysse, de Cobol-IT. Sur les projets, sa société travaille avec des partenaires intégrateurs, très spécialisés comme Metaware, ainsi qu'avec des ESN comme Capgemini ou un groupe comme Atos, avec lequel il a notamment constitué la Cobol Academy.